Le quotidien au lycée : enfermement et soumission

[fabou]

« L’école est une prison », clame Catherine Baker*. Ces mots peuvent prêter à sourir. Pourtant, il s’agit bien d’une privation de liberté, autant physique qu’intellectuelle.
Cette année, j’ai effectué ma rentrée dans un nouveau lycée. Etant loin de chez moi et sans ressources financières, je suis donc interne dans ce bunker (murs de 2,5m, caméras de surveillances, gardiens … etc).

Chaque matin, à 7h, la lumière criarde des néons suspendus au plafond de la chambre (16m2 pour 4 personnes) me réveille. Je vais ensuite prendre ma douche (froide) dans une cabine de piscine puis prendre mon petit-déjeuner. Un petit pain, un morceau de beurre fade, un bol d’un café infect et un minuscule gobelet de jus de fruit. Voilà mon premier « repas » de la journée. La sonnerie, une sirène incendie, nous ordonne de rentrer en cours. Nous devons laisser à l’entrée de la classe nos pensées, nos discussions et notre dignité afin d’être totalement réceptifs pour assimiler les valeurs du travail intensif et de la concurrence entre nous. La carotte (les bonnes notes) et le bâton (les sanctions) sont appliqués avec volontarisme par des professeurs plus ou moins zélés.

La journée s’écoule ainsi, sonnerie assourdissante puis cours lobotomisant, entrecoupés par le repas de midi, mélange de légumes en plastique et de viande en carton, le tout dans une odeur nauséabonde.
Le soir venu, nous avons la « liberté » d’aller acheter des sodas au hard-discount situé à proximité.
La soirée à l’internat n’est qu’une interminable attente. Nous restons allongés, catatoniques, sur nos lits, fixant les lézardes du plafond en écoutant les dernières merdes musicales. Puis vient l’heure du diner, des restes de midi réchauffés. Suite à ce festin, quelques jeunes jouent au foot, pratique encouragée avec vigueur par l’administration scolaire. En effet, quand on est occupé par le sport, on risque moins de réfléchir à nos conditions d’existence … Pour les autres, l’attente continue, jusqu’à la fermeture automatique et centralisée des volets et de la lumière. Toute évasion, même par la pensée, nous est interdite. La nuit s’écoule, dans notre petit lits, jusqu’au lendemain, ou tout recommence.

Soumission, enfermement et déshumanisation sont les maitres mots de ce quotidien. Après tout, nous sommes à l’école afin de devenir de braves employés serviles et mal payés, pas pour vivre heureux.

Fabien Bon, Lycéen

- Solidaires, Ecologistes et Libertaires - Millau

*Insoumission à l'école obligatoire, éd. Bernard Barrault

Article paru dans Le Monde Libertaire n°1566 (1er au 7 octobre 2009) et dans No Pasaran n°76 (oct-nov 2009)

[conan]

Félicitations Fab pour cet article que j'ai lu dans le ML et qui m'a rappelé bien des souvenirs, et me rend vigilant en tant que vil prof que je suis ! Du reste j'espère que mes élèves ne s'emmerdent pas trop en cours !

[Polack]

Bon sang ce que ça résonne. Beau texte. Je me souviens avoir dit une fois à ma CPE, qui ne me voulait que du bien en me convoquant pour mon absentéisme, que je ne voulais pas voir ma vie rythmée par des sonneries. Ce que je n'avais pas calculé c'est que la sienne de vie l'est. Elle ne m'a pas trop répondu et m'a laissé filer, sans sanction dont je lui avais démontré l'inefficacité et l'arbitraire. Le lycée c'est la taule mais y'a pire, y'a l'usine... Au moins au lycée tu peux pioncer.

[fabou]

Merci pour vos messages.

Mais le pire dans tout ça, c'est que la plupart des autres élèves sont contents de leur sort !!!

Ils feront de parfaits ouvriers soumis d'autant que c'est un lycée professionel (je suis en première bac pro architecture)

[BlackJoker]

Bien que le ton du texte ne soit pas le même je pense que ça rejoint l'esprit de ce texte là:

viewtopic.php?f=14&t=3146

ps: à ta place j'enlèverai ton nom prénom en signature, c'est pas prudent.

[fabou]

Bien que le ton du texte ne soit pas le même je pense que ça rejoint l'esprit de ce texte là:

viewtopic.php?f=14&t=3146

ps: à ta place j'enlèverai ton nom prénom en signature, c'est pas prudent.

C'est un super texte ! Ca fait vraiment plaisir de savoir que d'autres lycéens pensent la même chose.

[carbone]

A la lecture, ça m'a étrangement fait repenser aux "trois jours" (mon bref contact avec l'armée de notre belle présipauté), en moins kaki .
Je compatis sincèrement. Et ton texte est vraiment bien ... mais franchement "en écoutant les dernières merdes musicales" purée, là il faut que tu m'expliques : ils avaient plus de musique militaire à balancer dans les hauts parleurs ?

[fabou]

Et ton texte est vraiment bien ... mais franchement "en écoutant les dernières merdes musicales" purée, là il faut que tu m'expliques : ils avaient plus de musique militaire à balancer dans les hauts parleurs ?

Ben on écoute le poste-radio (NRJ, Fun Radio ...etc) perso même si j'aime cette "musique", c'est quand même de la merde. C'est juste fait pour vendre, vendre et encore vendre ...

ps: à ta place j'enlèverai ton nom prénom en signature, c'est pas prudent.

Je suis déjà fiché aux RG (j'ai vu ma fiche "partisan d'actions tendant vers la radicalité voire l'illégalisme").
En plus je suis déjà connu en tant qu'anar et faucheur volontaire sur millau, donc là dessus j'ai plus rien à cacher. Aprés, si je voudrais faire de véritables actions radicales, je serais évidemment plus discret ...

[Antpirg]

Avant j'étais collègien en demi-pensionnaire maintenant je suis Externe, Je soupcone que la viande q'on nous donnait était de la remballe,

Mais bon s'était en région parisienne maintenant je suis vers Marseille et je ne sais pas , comment se passe la cantine la ou je suis en ce moment.

Ces vrai que l'école est une semi-prison physique comme j'en sort le soir , est une prison de la pensée, comme elle favorise la pensée unique.

Sauf que moi je me suis évadé de la prison de la pensée par rapport aux autres , ils son statisfait de leur condition à cause du lavage du cerveau qui est image subliminale, son subliminaux, JT de 20H00 et téléréalité etc.........

PS : Au fait Tabou89 dans quelles circonstance à tu ue ta fiche ? si tu trouve ma question osé tu peut me dire que tu ne veut pas répondre.

[phil-AL68]

PS : Au fait Tabou89 dans quelles circonstance à tu ue ta fiche ? si tu trouve ma question osé tu peut me dire que tu ne veut pas répondre.

ahah, j'allais poser la meme question

[fabou]

PS : Au fait Tabou89 dans quelles circonstance à tu ue ta fiche ? si tu trouve ma question osé tu peut me dire que tu ne veut pas répondre.

J'ai vu ma fiche car une CPE a porté plainte contre moi pour diffamation (elle m'a insulté puis m'a collé lors d'un blocus, alors j'ai refusé ma sanction et on a organisé une mobilisation "anti-répression" avec les parents d'éleves FCPE, elle avait trop les boules, le proviseur aussi ...)

Quand j'ai été convoqué pour l'audition au commissariat, j'ai demandé à voir ma fiche, et j'en ai vu une partie. En effet, quand on est impliqué dans une affaire judiciaire, on peut voir notre dossier.
Et pour la plainte, il y a eu un non-lieu et la CPE s'est mis à dos les élêves + les trois-quarts des profs du lycée ...

Je soupcone que la viande q'on nous donnait était de la remballe,

Moi aussi j'y ai pensé. Mais finalement je crois que c'est juste de la viande industrielle dégueulasse et mal cuisinée.

['Spleen'Libertad]

]Bien que le ton du texte ne soit pas le même je pense que ça rejoint l'esprit de ce texte là:

viewtopic.php?f=14&t=3146




C'est un super texte ! Ca fait vraiment plaisir de savoir que d'autres lycéens pensent la même chose.

J'en pense à peu près la même chose oui. J'avais surement rendre moins explicite cet emprisonnement dont tu parles, et dont tu parles bien.
T'es pas tout seul, nous ne sommes pas tout seul. On crèvera pas comme des merdes pour faire à la chaine les conneries du monde.

[Antigone]

Le lycée, c'est chiant, mais quand c'est mixte, on arrive encore à émerger. Le lycée technique, dans le genre univers carcéral, c'est bien pire.
A mon époque, on avait des blouses grises et on s'écrivait dans le dos de grands KG comme "prisonniers de guerre" qu'on nous faisait effacer, mais qui ne s'effaçaient jamais complètement.
Quand on en sortait, c'était pour faire l'armée... alors, dans votre malheur, vous avez encore de la chance. Depuis 1996, le service militaire n'existe plus.

Vous ne connaitrez pas l'obligation de vous présenter à un supérieur en braillant votre grade, votre nom et votre emploi,
ni les uniformes dont les poches ont été cousues pour que vous ne puissiez pas y mettre les mains,
ni la joie de gaz-oiler son véhicule par - 10° dans un garage ouvert à tout vent,
ni les prises d'armes à 6h du mat dans la neige avec la permission supprimée pour ceux qui s'écroulaient,
ni les alertes et les fouilles en pleine nuit pour vous empêcher de dormir,
ni les après-midis de maniements d'armes dans la cour de la caserne en chantant indéfiniment Le Régiment de Sambre et Meuse,,
ni les marches au pas en plein été sous le soleil avec un masque à gaz sur la tête pour vous empêcher de respirer.
ni le face à face avec un supérieur ivre pendant une manoeuvre et qui vous menace de vous arracher les couilles,
ni la mort d'un copain que les gradés auront laissé crever d'une meningite aigüe en le traitant de tire-au-cul,
... ni la lente et clandestine constitution d'un comité de soldats.

Sinon, les rares périodes de repos consacrées à s'allonger sur le lit, à regarder le plafond, en prenant soin de ne pas faire de marques avec les rangers, ça reste le lot commun de tous les êtres humains qui tentent de fixer leurs pensées sur quelque chose pour ne pas devenir complètement fous.
Le pire, c'est qu'on trouve partout des gens qui font leur petit trou au bout de quelques jours, se créent leurs petites habitudes et finissent même par y prendre goût. C'est ainsi que ça se passe dans tous les lieux d'enfermement.

[conan]

Depuis 1996, le service militaire n'existe plus.

Correction : depuis 2001.
Je le sais, j'étais l'une des dernières victimes de cette usine à broyer l'individu !

[Antigone]

Antigone a écrit: Depuis 1996, le service militaire n'existe plus.

Correction : depuis 2001.
Je le sais, j'étais l'une des dernières victimes de cette usine à broyer l'individu !

Arf alors ! Il s'est donc écoulé 5 ans entre l'annonce de la mesure et la dernière charrette...

Oui, c'était pire avant, mais ca n'arrange rien au fait que certains souffrent du système actuel "d'éducation".
Le malheur des uns n'est pas sensé faire le bonheur des autres.

.
Tu sais, les collèges techniques existent toujours. D'autres casernes, l'apprentissage de l'usine avant l'usine. La certitude en sortant d'avoir une vie de merde sans le moindre espoir de changement.

[SVK]

Yep! J'ai lu cet article dans Le Monde Libertaire avant de le trouver ici aussi!

Y'a quelques expressions qui sont très représentatives:

Nous devons laisser à l'entrée de la classe nos pensées, nos discussions et notre dignité afin d'être totalement réceptifs pour assimiler les valeurs du travail intensif et de la concurrence entre nous.

Celle-ci me fait un peu penser aux thèmes abordé dans le texte de Vaneigem Avertissement aux écoliers et lycéens.

Nous restons allongés, catatoniques, sur nos lits, fixant les lézardes du plafond en écoutant les dernières merdes musicales.

Quand à celle-là, je peux pas m'empêcher de faire un rapprochement avec le milieu carcéral à sa lecture.

La nuit s'écoule, dans notre petit lit, jusqu'au lendemain, ou tout recommence.

Je vais pas tout citer mais cette phrase m'a marqué aussi. Surtout le "tout recommence". Comme s'il n'y avait pas d'évasion possible...

[Antpirg]

Comment as tu sue que tu étais ficher chez le RGx , tu devais connaitre l'existence de ton dossier mais commenttu la sus ?

[fabou]

Comment as tu sue que tu étais ficher chez le RGx , tu devais connaitre l'existence de ton dossier mais commenttu la sus ?

Je suis Faucheur Volontaire d'OGM et poerte-parole du syndicat lycéen "SUD Lycéen 12" et lors de plusieurs manifs sur Millau le patron local des RG (assez sympathique) est venu discuter avec moi. Et plusieurs fois il m'a dit qu'ils avaient "des papiers" sur moi.

Yep! J'ai lu cet article dans Le Monde Libertaire avant de le trouver ici aussi!
Y'a quelques expressions qui sont très représentatives:

Nous devons laisser à l'entrée de la classe nos pensées, nos discussions et notre dignité afin d'être totalement réceptifs pour assimiler les valeurs du travail intensif et de la concurrence entre nous.

Celle-ci me fait un peu penser aux thèmes abordé dans le texte de Vaneigem Avertissement aux écoliers et lycéens.

J'aurais peut-être du développer un peu plus ce sujet : le contenu et l'organisation des cours. Pas le droit de discuter entre nous, on doit demander la parole, on est tous assis en rang devant le professeur debout (cette disposition accentue la domination du professeur sur les élèves). Pas le droit de contredire le professeur, pas le droit de discuter avec lui (le cours n'est pas censé être un dialogue).

Et puis, ma prof principale est horrible. Voici quelques unes de ses "perles" :

- "si à 50 ans vous ne vous êtes pas payé le rêve de votre vie, vous êtes des ratés"
- "la vie est un grand monopoly"
- "à votre age vous pouvez travailler 100h par semaine, alors au lieu de faire les assistés, vous feriez mieux de bosser le week-end et les vacances pour faire rentrer de l'argent. C'est pas en restant dans les jupes de maman que vous allez devenir riches"

Bref, tous les mercredi matin (4h de cours avec elle) j'ai envie de gerber.

[conan]

Tu m'étonnes ! Du reste, quand j'assiste à certaines réunions de profs ou à des conseils de classe, je me sens écoeuré de faire partie du corps enseignant... le pire étant qu'en exerçant tout le temps l'autorité, les profs ne se rendent même plus compte de l'inanité de certains propos qu'ils tiennent et demeurent persuadés que le fait d'enseigner et d'éveiller (parfois) les élèves à une autre vision du monde (ce qui n'est pas non plus à rejeter en bloc mais vous en conviendrez sans doute) leur permet toutes les postures autoritaires.

[ChoueTTe]

A l'école primaire, ma prof m'a dit que je réfléchissais trop. Ca a été le début de mes problèmes scolaires... moi qui croyait que j'étais à l'école pour réfléchire ! Quelle désillusion !!

Excellent texte sinon.