Manif pour contre toutes et tous - Toujours haineux, toujours là L’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe a été l’occasion de la libération d’une parole homophobe, transphobe, sexiste et raciste, et de l’organisation d’un mouvement réactionnaire, via le collectif « Manif pour tous ».
Ce dernier, présenté comme « résistant », prône en fait un ordre moral traditionaliste et patriarcal, alimentant ainsi un discours d’extrême-droite, fasciste et intégriste (« Civitas », «Printemps français », « Veilleurs »…). La « Manif pour tous » et ses acolytes, continuent à déverser en toute quiétude un discours anti-égalitaire dans nos rues, revendiquant une libre expression bien loin de celle qui fut arrachée par les luttes révolutionnaires.
Ce collectif utilise toutes les stratégies possibles pour répandre un discours haineux, hiérarchisant les populations en fonction de leurs classes, sexes, genres, orientations sexuelles, origine ethnique, état de santé… Cette frange réactionnaire et/ou fascisante s’épanouit bien souvent dans un contexte général de politiques d’austérité (précarisation, chômage, augmentation des taxations inégalitaires…), qui fragilise en premier lieu les dites « minorités » et favorise un climat répressif afin de maintenir l’ordre moral. La banalisation des idées d’extrême-droite et des discours religieux intégristes, mais aussi les politiques d’austérité actuelles, mettent en péril de nombreux acquis féministes, arrachés au prix de nombreuses luttes1.
La loi Taubira du 18 mai 2013
Avec la promulgation le 18 mai 2013 de la loi autorisant le mariage et l'adoption aux couples de même sexe, la France est devenu le 9e pays européen et le 14e pays au monde à autoriser le mariage homosexuel. Les opposant·e·s à cette loi ne sont cependant pas rentré·e·s à la maison, considérant que leur combat était terminé. Ils/elles ont continué à mobiliser avec toute une série d'arguments montés de toute pièce qui ne figurent même pas dans la loi2.
Pour l'essentiel, cette loi ouvre donc le droit aux couples de même sexe de contracter un mariage et d'adopter dans les mêmes conditions que les couples hétérosexuels. La loi ne contient aucune référence à la gestation pour autrui, qui n'y est tout bonnement pas abordée. Qu'elle soit marchande ou non, la GPA, qu'on appelait naguère "mère porteuse" reste illégale en France et rien n'indique qu'elle va être facilitée par la loi. Au sujet de la PMA, les lobby de la « Manif pour tous » ont bel et bien fait reculer le gouvernement. À l'heure actuelle, les couples de femmes ou les couples hétérosexuels incluant un homme trans n'ayant pas obtenu de changement d'État-civil qui souhaitent des enfants sont pratiquement condamnés à aller à l'étranger pour obtenir cette aide. Ces personnes revendiquent simplement la possibilité d'avoir un droit légal à l'insémination artificielle. Au sujet des questions de filiation, les couples homosexuels mariés pourront donc adopter, établissant une filiation juridique à la place de la filiation biologique, comme en cas d'adoption par un couple hétérosexuel. Rappelons que la PMA est permise aux couples hétérosexuels, justifiant d'un problème médical de procréation et qu'elle place donc aussi ces derniers dans le cadre d'une filiation juridique.
Les dernières mobilisation de la Manif pour contre toutes et tous
Il est inutile de refaire ici l'historique des manifestations de ce collectif dont l'origine remonte au 5 septembre 2012 quand une cinquantaine de responsables associatifs se réunissent à Paris avec des philosophes, des psychiatres et des hauts fonctionnaires, pour définir une stratégie face au projet de loi sur le mariage homosexuel et la filiation pour personnes de même sexe3. Notons cependant que la « Manif pour tous » est un collectif qui représentait encore en janvier 2014 une trentaine d'associations, parmi lesquelles Alliance VITA, Familles de France, Associations familiales catholiques, Associations familiales protestantes et SOS Papa. Outre l'association nationale, 46 antennes départementales de la « Manif pour tous » sont également déclarées en préfecture, tandis que le collectif fournit sur son site internet des contacts dans tous les départements français4. Malgré une apparence de diversité, un certain nombre d'associations sur les 37 qui composent le collectif en mars 2013 sont des coquilles vides, destinées à masquer la prédominance des organisations proches des culs bénis5. De nombreuses enquêtes montrent l'ancrage du mouvement à droite, ou encore les ramifications du mouvement au sein d'« jnternationales catholiques »6. Au cours de cette mobilisation est aussi apparue une frange encore plus radicale qui a largement contribué à renouveler divers groupes classés à l'extrême-droite. En octobre dernier, un article des Inrock, faisait état de la façon dont les groupuscules de Génération Identitaire ressoudent leurs militants en vue des mobilisations à venir de la « Manif pour tous »7.
Après leur opposition à loi Taubira, à l'homoparentalité sous toutes ses formes, rejetant l'adoption pour les couples de même sexe, la PMA, la GPA, les réactionnaires de tout poil s'attaquent dans le même temps à l'enseignement à l'école de la « théorie du genre », dont l'existence est pourtant réfutée par la communauté scientifique, qui évoque les «études de genre »8. Après la lutte contre l'ABCD de l'égalité, les Journées de Retrait de l’École, la mise en place des universités d'été de septembre 2013 et 2014, le Grenelle de la famille d'octobre 2013, la création de l'association « Sens commun », les élections municipales et européennes de 2014, l’actualité s’est à nouveau échauffée autour de la « Manif pour tous »9.
Mi-septembre, s'est tenue à Palavas-les-Flots (Hérault), une université de « rentrée » sensée préparer les futures mobilisations du mouvement. Camille Emmanuelle, « chroniqueuse érotique » au Nouvel Obs et « infiltrée », relate ce week-end en rose et bleu10. Elle y transcrit la bêtise et l'obscurantisme des intervenant·e·s, les retours constants à la pensée essentialiste et la peur permanente des « autres ».
A la fin de ce même mois, une nouvelle offensive des « anti-genre » a quasiment avorté (hormis dans le 95, seul endroit où elle semble implantée). Il s'agissait de déposer des listes pour les élections de parents d'élèves. Faisant suite aux Journées de Retrait de l’École et à la lutte contre l'ABCD de l'égalité, Farida Belghoul a lancé la FAPEC (Fédération autonome de parents engagés et courageux), tentant une nouvelle entrée au sein de l'école.
Sur le site internet des JRE, les objectifs de la FAPEC sont clairs : « Être une organisation de résistance dans le but d'interdire l'idéologie du genre à l'école en pratiquant notamment des journées de retrait de l'école locales et ponctuelles en cas de besoin ». Pour 20 euros de cotisation mensuelle, la FAPEC propose également des formations aux parents ou grands-parents pour remédier « aux difficultés scolaires rencontrées par les enfants à cause des mauvaises méthodes d'apprentissage employées par l'éducation nationale, comme la méthode globale par exemple »11. Le programme d'action de l'année 2014/2015 de cette nouvelle association s'intègre dans ce qu'ils nomment les ABCD de la complémentarité défendant donc « la complémentarité homme-femme mise à mal par la société moderne ». Ils ne s'arrêtent évidemment pas là, réaffirmant par exemple que « La beauté réside dans la réalisation de notre être sexué et non dans la négation de ses fondements naturels », ou détournant les arguments des féministes comme le font tous les masculinistes et les fascistes : « C’est surtout l’image de l’homme qui a été détériorée dans cette lutte des sexes... […] en tant que chef de famille, il se doit d’être le protecteur de l’épouse et des enfants. Détruire son statut naturel est une condition sine qua non pour s’attaquer directement à la femme et aux enfants »12.
Les manifestations de la « Manif pour tous » de Paris et Bordeaux du 5 octobre 2014 ont donné lieu à des comptages très contestés et pour le moins largement surévalués, allant de 70 000 selon la police à 500 000 selon les organisateurs pour la manifestation parisienne. Le tassement de la mobilisation semble s'amorcer. Cependant, les gens qui se mobilisent encore ne se limitent toujours pas aux seuls fachos et les seuls intégristes religieux. Cette base « mobilisable » sur ces questions, regroupe un spectre politique plus large, des fascistes aux autorités religieuses, des maires de l'extrême droite et de droite à la gauche chrétienne.
Face aux détenteurs de l'ordre moral, intensifions les luttes anti-patriarcales !
Anne, groupe Un Autre Futur, Montpellier
1
http://lacollective34.wordpress.com/page/3/ 2 Samuel Laurent, « Mariage gay : ce qui est dans la loi, ce qui n'y est (toujours) pas », Le Monde, 20 mai 2013
http://www.lemonde.fr/societe/article/2 ... _3224.html 3
http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Manif_pour_tous 4
http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Manif_pour_tous 5 Julien Massillon, « Manif anti-mariage du 13 : derrière Barjot, la puissance des réseaux cathos », Yagg, 11 janvier 2013.
6 Samuel Laurent, « Derrière la grande illusion de la « Manif pour tous » » , sur Le Monde .fr, 21 mars 2013
7
http://www.lesinrocks.com/2014/10/04/ac ... -11528036/ 8 Voir
http://rue89.nouvelobs.com/2013/06/29/r ... ste-243298 9 Voir Antoine Pasquier, « Sens Commun interpelle les leaders de l’UMP », Famille chrétienne.fr, 30 avril 2014.
10 Voir « Manif pour tous : je suis allée à son université d’été, c’est l’école de la peur ».
11 Voir
http://www.lexpress.fr/education/fapec- ... 9GFtKUd.99 12
http://jre2014.fr/abcd-complementarite-fapec/