Le feuilleton de l'été 2009

Re: Le feuilleton de l'été 2009

Messagede kuhing le Lun 13 Juil 2009 08:29

8.1 Guerre.

Je ne comprenais pas encore toutes les causes du désastre qui avait ravagé le réseau Drhyz mais Je pouvais déduire, après la scène à laquelle Je venais d'assister, qu'une spéciation s'était opérée chez mes semblables. Il existait désormais au moins deux souches différentes de Drhyz : les dévoreurs et les dévorés. Etait-ce la punition que Dieu infligeait pour avoir contrecarré ses plans, une mauvaise synchronisation de mon Big-bang ou s'agissait-il d'un nouveau faux pas hasardeux de la nature ? Je l'ignorais. Je savais juste que jamais je ne m'étais senti aussi seul et désemparé, et qu ' il me fallait réagir très vite pour reprendre le dessus. Je désagrégeais chimiquement le cadavre de ce malheureux Drhyz gisant non loin de moi et Je descendis dans mon bureau. Jacqueline redevenue muette, me suivit et reprit sa même place. Je pris le soin de bloquer toutes les issues et je m'assois pour faire le point. Soudain, une voix connue passa sur mon canal de communication :

-" Magellan demande contact urgent avec Traxog."

Je reconnus la voix du représentant Drhyz. Je commutais nos deux fréquences, et son image apparut devant moi. A l'arrière plan, je voyais le laboratoire de recherches et d'observations dans lequel nous nous trouvions avant mon départ.

-" Kuhing parle, dis-je. Grand Magellan, est-ce bien toi? Peux-tu m'informer de ce qui se passe exactement sur Drhyz 08 ?

Le Magellan reconnaissant ma voix, sembla surpris de l'entendre.

-" Kuhing ? " S'assura-t-il.

-" C'est bien moi, Kuhing, que se passe-t-il ici ?"

-" Ca ressemble à l'apocalypse, mais je pense que tu t'en es aperçu."

Je fus certes déçu par le peu d'éléments qu'apportait l ' ancien. J'insistais :

-" J'ai effectivement assisté à des scènes terribles, mais je n'ai pas réussi à comprendre vraiment le pourquoi de ces événements."

Le grand Magellan reprit le déroulement de ce qu'il avait vécu depuis ma sortie du laboratoire d'observations :

-" Après ton départ, la température a continué à monter jusqu'à atteindre l05~, et nos pensées se sont peu à peu figées comme si elles devenaient prisonnières dans nos cerveaux comprimés, c'est le dernier souvenir que je garde de cette phase. J'ai repris ma pleine conscience depuis très peu de temps."

-" Est-ce la raison pour laquelle tu ne m'as pas reconnu lors de mon dernier contact ?" Demandais-je.

-" Je ne me souviens pas du contact dont tu parles." Dit-il.

Les réponses du Grand Magellan me paraissaient vraiment laconiques par rapport aux informations que J'attendais ; je le relançais :

-" As-tu des éléments concernant la population Drhyz ?"

-" Rien de précis encore, mais nos ordinateurs ont enregistré une arrivée massive de soucoupes en provenance de la zone moyen-orientale du réseau Drhyz. Ces Drhyz ont débarqué sans avis ni protocole d'approche, et ils ont, semble-t-il, investi certains immeubles. Nous avons envoyé le frère ingénieur Traxog en reconnaissance dans ton secteur, mais aucune nouvelle ne nous est parvenue depuis."

-" Mais je n'ai remarqué aucune soucoupe posée aux alentours de Ghya" m'étonnais-je.

-" Toutes leurs soucoupes sont reparties, sans doute pour ramener des renforts, ils semblent vouloir assiéger la ville." Répondit le Magellan.

-" Peut-on estimer le nombre des envahisseurs présents sur 08 ?" Demandais-je.

-" Environ cinq mille, concentrés pour le moment sur Ghya. As-tu rencontré Traxog" répéta-t-il.

Je ne répondis pas immédiatement à cette question. Je m'interrogeais sur la raison d'une telle mutation des Drhyz des planètes moyen-orientales, et un éclair me fit tout comprendre. Je me souvins de cette minuscule étoile à neutrons puissamment radioactive, située aux abords de cette région. Inoffensive en temps normal, elle avait sans doute provoqué, sous la contraction, la mutation démoniaque des populations de cette zone J'informais le Grand Magellan de la trouvaille sordide faite dans mon immeuble, en me gardant bien d'insister sur le cas de la Terrienne. Le Grand Magellan accusa le coup sans sourciller ni trouver le moindre mot à dire. Je rompis le silence :

-" Les soucoupes provenaient de combien de planètes ? " Demandais-je.

-" Nos détecteurs en ont dénombré deux : il s'agit de Drhyz 74 et 87 répondit le vieux. Doit-on s'attendre, en quelque sorte, à rentrer en querelle avec elles ?" L'expression du Grand Magellan témoignait de la profonde ignorance des Drhyz en matière martiale. Je précisais :

-" La seule guerre meurtrière de notre histoire, Je le crains. Qu'en est-il du reste de la population non atteinte ?"

-" Elle semble reprendre conscience mais nous n'avons stocké que peu d'appels." Conclut le Magellan.

J'avertis que Je rejoindrais le laboratoire de recherche le plus tôt possible. Je coupais la liaison et m'apprêtais à sortir. La température extérieure s'élevait maintenant à 49~. Le retour à des normes habituelles avançait mais, dehors, la vapeur formait toujours le même voile épais. Plusieurs questions me trottaient dans la tête. Tout d'abord : pourquoi le Drhyz mutant trouvé chez moi, ne s'en était-il pas pris à Jacqueline qu'il avait rencontrée certainement d'abord sur son chemin ? Ensuite: pourquoi s'était-il enfui pour se suicider dès mon apparition ? Je levais les yeux vers Jacqueline qui avait retrouvé son air absent. Me cachait-elle quelque chose en feignant la folie ? Avait-elle une part de responsabilité dans cette tragique affaire? Je m'approchais d'elle et la secouais violemment.

-" Que sais-tu de ce qui arrive ? Pourquoi ce mutant ne t'a-t-il pas touchée alors qu'il n'a pas hésité à dévorer Traxog ? Parles ! " Hurlais-je.

La jeune femme sortit à peine de sa torpeur et répéta, mollement cette fois :

" Le Projet Final, le Projet Final."

Je la repoussais de dépit.

à suivre
Un jour peut-être l'association des intelligences remplacera les rapports de force
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Re: Le feuilleton de l'été 2009

Messagede kuhing le Dim 19 Juil 2009 10:47

Suite au plantage ci joint le rattrapage des épisodes effacés + les 2 du WE

8.2 L'arme.


Je repris mon équipement qui me propulsa à travers les rues délabrées de Ghya. Des ombres inquiétantes se dessinaient à travers le brouillard ; s'agissait-il de mutants ou de Drhyz de ma planète ? - je ne m'attardais pas pour le vérifier. Je déverrouillais le sas du bâtiment de recherche, et j'y laissais mon scaphandre. Je montais vers le niveau d'observation où je retrouvais le Magellan et les deux ingénieurs revenus devant les sphères de contrôle et les écrans de calcul. Les trois Drhyz me saluèrent chaleureusement, puis la gravité repris le dessus. Le Grand Magellan rappela le drame que constituaient les récents événements en insistant sur l'absence totale d'expériences guerrières de l'espèce Drhyz. Les ingénieurs firent part également de leur inquiétude face à cette agression et surtout sur notre capacité de réaction. Je tentais de les rassurer et proposais, pour le moment, de lancer un appel à l'ensemble des Drhyz de Ghya non touchés. Tous devaient bloquer les issues des habitations et surtout en refuser l'accès à quiconque. Les trois Drhyz approuvèrent et un ingénieur diffusa ce message vers toutes les planètes du réseau. Il nous fallait maintenant trouver un moyen de contrer ces envahisseurs sanguinaires. J'avais " heureusement " l'expérience théorique de cette agressivité meurtrière vécue plus t8t en compagnie de Jacqueline ; elle me servirait à organiser la contre-attaque. Un frère ingénieur nous appela près de la sphère centrale de contrôle dont le diamètre valait presque celui d'un vaisseau supra-galactique. L'ensemble du système astral Drhyz y était représenté en volumes de synthèse. J'observais nos deux étoiles Wolf et Loan qui avaient quasiment retrouvé leurs positions initiales mais le frère pointa son index vers les deux planètes des mutants. De chacune d'elles émanait une fine tramée de poussières scintillantes, qui se dispersait en une nébuleuse mouvante : leurs soucoupes revenaient vers Drhyz 08, et nous disposions de moins de trois U. avant leur arrivée. Il fallait agir vite. Inutile de compter sur la coopération de mes semblables qui, pour ne jamais avoir été attaqués, ne savaient pas se défendre. Je m'apprêtais donc à protéger mon camp en unique combattant sachant que la victoire ne pouvait être que purement stratégique.

Je fis le point de la situation : 5.000 mutants se disséminaient déjà dans Ghya et un puissant renfort arriverait d'ici peu. Les affronter un par un s'avérait impossible. Je devais les attirer dans un piège et les y enfermer ; mais il me fallait également une arme pour les détruire. De tout temps, l'intelligence et la technologie Drhyz avaient servi à des fins constructives ; aucun instrument n'était conçu pour tuer. Mais l'image de la plume de ce stylographe, que Je saisis pour trancher la gorge de Jacqueline, me revint à l'esprit. Je me souvins de ces pulsions de cruauté intense qui m'assaillaient. Je compris alors que l'instrument lui-même n'avait qu'une importance secondaire, seule la volonté destructrice de celui qui le tenait pouvait transformer un objet anodin en une arme redoutable.

Soudain une voix familière retentit dans tout le laboratoire et l'image de Mioxe apparut. Ses yeux brillaient de la même lueur destructrice qui animait ce autant rencontré dans mon immeuble.

-" Esclaves Drhyz, hurla-t-il, la nouvelle race des seigneurs vient de naître. Préparez-vous à vous soumettre à sa domination absolue. Obéissez à nos ordres ! Ceux qui oseront opposer la moindre résistance seront immédiatement dévorés vivants. Ouvrez les portes de vos immeubles pour laisser entrer vos maîtres."

La déclaration de Mioxe nous glaça les sangs. Le Grand Magellan confirma que le représentant des zones moyen-orientales avait rejoint sa planète d'origine juste après la visite chez moi du conseil supérieur. Il avait donc subi la terrible mutation, et décidé d'investir d'abord Drhyz 08 sans doute pour prendre possession du palais magellaire. Nous n'avions plus une fraction de temps à perdre. Je demandais aux ingénieurs de passer en revue la liste des outils dont ils se servaient pour leurs recherches. Sans comprendre, ils commencèrent :

Générateurs de particules, ordinateurs synaptiques, canons à micro-ondes, réflecteurs à réfraction antineutrinique, wyrtrons. J ' essayais d'adapter ces instruments à une utilisation guerrière mais, à cette étape, je n'y parvenais pas ; même le canon à micro-ondes ne pouvait pas servir de fusil. Les frères ingénieurs continuaient à énumérer les différentes machines utiles à notre science sans pouvoir saisir le but que je poursuivais - l'agressivité leur était vraiment trop étrangère. La liste se déroulait toujours : un réacteur a fission ou à fusion nucléaire, un qsuad qui servait à observer les mouvements atomiques, un cybernax utilisé pour coder les fractals, un traxinotron qui désorganisait les structures cristallines des matériaux lourds. Rien de tout cela ne faisait mon affaire mais le premier ingénieur cita enfin : " Générateur d'ondes gravitationnelles ", et le déclic s'opéra. Cette machine recréait les forces que les grosses masses de matières induisent, elle produisait ces ondes fondamentales de gravité qui me permettaient de rester collé au sol. Nos techniciens s'en servaient en général dans l'industrie lourde pour déplacer d'énormes masses rocheuses ou métalliques. Je me renseignais sur la disponibilité immédiate de cet engin, et un frère Ingénieur confirma que le laboratoire d'essais en possédait heureusement un. La nouvelle me ravit, et je voulus le voir sur-le-champ. Nous descendîmes au niveau inférieur. L'instrument s'y trouvait se présentant comme une grosse malle de métal dépoli. Je me renseignais sur ses capacités, et le frère ingénieur m'assura, qu'à pleine puissance, ce générateur de gravité pouvait déplacer plusieurs R.Gh. Je tenais mon arme, et je n'ai avais plus de temps à perdre. Par bonheur, l'engin, qui pesait au moins I Gh, avait son propre système de propulsion - Je me voyais mal le porter sous le bras. J'expliquais sommairement ma stratégie aux trois frères Drhyz qui eurent, bien sûr, beaucoup de mal à l'assimiler ; jamais ne leur serait venu à l'esprit d'utiliser cet outil à de telles fins dévastatrices Je saluais les deux frères ingénieurs et le Magellan, et peu de temps après, je flottais dans mon scaphandre en direction du stade d'exhibitions sportives. Le gros générateur d'ondes gravitationnelles me suivait sur son coussin de gaz propulseur, sagement et sans bruit. J'arrivais bientôt prés de ma soucoupe, et nous embarquâmes la machine et moi. Le décollage me souleva au-dessus de cette couche de vapeur qui recouvrait encore la surface de Drhyz 08, et je filais déjà dans la clarté retrouvée de nos deux étoiles redevenues enfin calmes. Je pilotais à vue depuis prés d'une U. Soudain, l'armée des soucoupes des mutants assombrit mon écran frontal. Je ne me souvenais pas avoir vu autant d'aérodynes en vol simultané ; j'interrogeais mon clavier et l'ordinateur de bord évalua leur nombre à 1.012. Les mutants m'avaient bien évidemment repéré, et j'attendais leur réaction en spéculant déjà sur ce qui se passerait. Nos soucoupes ne possédaient aucun équipement offensif. Je déviais de mon cap pour éviter la flotte invasive et, corne prévu, aucune soucoupe ne me prit en chasse les mutants avaient d'autres priorités. Je repris donc ma trajectoire vers la région moyen-orientale du réseau, et, 5 D.U. plus tard, je me stabilisais aux abords de Drhyz 87.



8.3 Choc.


Dryhz 87 avait un volume inférieur à celui de 08. Ses étendues de bauxite et sa richesse en minerai de blende lui donnaient habituellement une teinte rougeâtre que l'atmosphère ne parvenait pas à masquer. Mais, en ce moment, la vapeur d'eau qui stagnait encore sur toute sa surface, la peignait d'une blancheur d'albâtre homogène. Je plongeais dans ce voile pour faire un tour d'observation. A travers la brume qui se dissipait, j ' aperçus une agglomération. En m'approchant, je constatais son délabrement très avancé. La chaleur avait été beaucoup plus forte ici puisque des structures en alliage métallique léger s'étaient déformées. Certains immeubles s'étaient effondrés après des affaissements de terrain et toute la végétation se réduisait à des amas de cendres aux formes étranges. J'interrogeais l'ordinateur de bord qui m'indiqua une température au sol de 43~. Pourtant, les rues étaient désertes.

Ce calme apparent ne me plaisait pas, et je décidais de prendre la direction de la mégapole de Drhyz 87. En chemin, je croisais enfin quelques bouées de transport. Elles avaient perdu leur belle couleur d'origine et semblaient sortir de la cheminée d'un volcan. J'eus une pensée admirative envers nos techniciens qui concevaient des véhicules aussi solides pour résister à de tels traitements. Au fur et à mesure de ma progression, les bouées se multipliaient puis elles devinrent innombrables. Elles convergeaient toutes vers un point que mon ordinateur de bord ne définit pas comme étant la mégapole 87 mais la base de vols supra-galactiques située un peu plus à l'ouest. Je suivis ce flot en gardant de bonnes distances, et j'avais maintenant sous moi une nuée de véhicules volants qui noircissaient le ciel. J'eus la confirmation de ce que je pensais lorsque j'arrivais près de la base d'envol : toute la population de cette planète, soit cinq millions de mutants, se massaient ici en attendant le retour des navettes volantes - Objectif : embarquer vers Drhyz OS avant d'envahir les autres planètes du réseau. J'appelais le Grand Magellan pour obtenir des renseignements. Je sus que les mutants s'étalent posés sur Drhyz OS et cherchaient à pénétrer dans les habitations. D'ores et déjà, ceux de la première vague contrôlaient au moins deux mille immeubles. Ghya comptait certes plus de quatre-vingts millions d'habitations mais les agresseurs, malgré la faiblesse de leur nombre, représentaient un réel danger pour cette population pacifique, inoffensive et désarmée. Je montais en altitude pour quitter l'atmosphère de la planète 87, en direction de sa voisine Drhyz 74. En moins d'une unité je survolais sa surface et j'assistais au même phénomène de regroupement général de la population autour de la base de vols supra-galactiques. La situation n'offrait pas la moindre ambiguïté : les occupants de ces deux planètes étaient intégralement perdus. Sans plus aucun doute ni remords de conscience, je décidais de mettre en œuvre mon plan de contre-attaque. Je pris de la hauteur pour me placer en géostationnaire a la bordure extrême de l'atmosphère de Drhyz 74. A cette distance, je pouvais voir la planète dans son intégralité, avec ses trois continents qui s'étendaient sur la moitié de sa surface. Je sortis de ma coque protectrice et je profitais quelques instants de la situation d'apesanteur pour me détendre un peu. Ce fut bref, le temps n'était pas aux loisirs. Je m'approchais de ce générateur d'ondes gravitationnelles pour en manipuler le clavier de commande. Je programmais une puissance de 70 R.gh. et la machine se mît à ronronner doucement, de façon régulière, presque rassurante. Je me réinstallais sur mon siège de pilotage, et j'orientais ma soucoupe comme si je voulais faire demi-tour vers Drhyz 87 - je la voyais comme une jolie boule rose sur l'écran frontal. Je programmais une vitesse ultra-réduite, et visualisais ma position dans la sphère de contrôle réglée plein zoom sur mon aérodyne lui-même. Alors, une sueur froide me glaça. Je me voyais m'éloigner lentement mais sûrement de Drhyz 74, mon plan ne fonctionnait donc pas. Je vérifiais sur un écran de contrôle mon taux de fuite par rapport au centre de la planète 74, et l'ordinateur indiquait bien une valeur positive. Il me fallut quelques fractions d ' U. pour réguler mon émotion et reprendre confiance pour tenter un nouvel essai. Je repris ma place initiale au bord de l'atmosphère de Drhyz 74 ; je me hissais encore face au clavier du générateur d'ondes de gravité, mais j'y programmais cette fois-ci la puissance maximale. L'écran de la machine indiqua :

" Attention, 95 R.gh. Puissance maximale programmée. Zone d'utilisation dangereuse - exceptionnelle. Formuler à nouveau la commande ".

Sans l'ombre d'une hésitation je confirmais, et le générateur passa du ronronnement serein à un bruit inquiétant. Je me réinstallais vite sur mon siège de pilotage et j'opérais la même manœuvre de déplacement en petite vitesse. Je surveillais très attentivement ma situation dans la sphère de contrôle, et je fis, soulagé, la constatation attendue: ma position demeurait fixe par rapport à Drhyz 74. Sur l'écran, l'ordinateur confirmait : " Taux de fuite : O ".

J'étais en train de gagner mon pari, et la guerre contre les mutants : le générateur d'ondes de gravité que j'avais embarqué attirait vers moi la planète 74 toute entière, et la progression de ma soucoupe la mettait en mouvement. J'allais maintenant lui donner de l'accélération, une vitesse suffisante pour en faire un formidable projectile sidéral qui rentrerait en collision avec l'autre planète mutante. J'augmentais maintenant mon allure en entraînant dans mon sillage le gigantesque sphère de matière. Je pris une trajectoire elliptique avec pour centre : Dhryz 87. Je fis trois révolutions en accélérant autour de cet l'axe cible. Derrière mol, Drhyz 74 suivait maintenant à grande vitesse ; j'allais pouvoir boucler ma trajectoire dans une spirale. Je refermais l'étau avec entre ses mors, le choc final. Les distances se resserraient ; Drhyz 87 remplissait déjà de son image tous les hublots latéraux de mon aérodyne. Alors, je piquais directement sur elle, la manœuvre ne tolérant pas la moindre erreur. Je fis fonctionner le pilotage automatique, droit devant. Malgré la très forte pression, je me dégageais de ma coquille de protection, et de mon harnais de sécurité. Je m'agrippais au bord du siège de commande. Drhyz 87 prenait maintenant toute la surface de l'écran frontal et j'allais bientôt pénétrer dans son atmosphère. Je me hissais de toutes mes forces vers le clavier de ce générateur dont le vacarme était devenu insupportable. Enfin, je le stoppais. Derrière moi la planète Drhyz 74, comme lancée par une fronde cosmique, suivait mon sillon. Je mobilisais mes dernières forces physiques pour retourner sur mon siège, ceinturer mon harnais magnétique, fermer la coquille. Devant, la surface de Drhyz 87 approchait à toute allure. Je déviais alors de ma trajectoire, en donnant une propulsion perpendiculaire qui m'éloigna. Par le dôme de mon aérodyne, je vis mon projectile astral passer au-dessus de moi à une allure folle. Ensuite, les atmosphères des deux planètes se fondirent et, l'instant d'après, le choc formidable illumina l'espace dans un tonnerre titanesque Le champ magnétique de la soucoupe se déclencha aussitôt pour me protéger des débris de matière en fusion projetés par la collision. Je fermais les yeux de soulagement, cette bataille était gagnée.



8.4 Décapité.

J'appelais le grand Magellan sur Drhyz 08 mais la commutation ne s'opérait pas.

J'essayerais plus tard. Pour l'instant, je devais me sortir de cette zone de chaos, où des blocs de matière gros comme des montagnes me passaient au-dessus de la tête. Heureusement, l'ordinateur du bord était suffisamment précis pour se frayer un chemin cohérent dans cet environnement de désordre. Après une unité de vol, l'espace redevint calme. A cette distance, toute la matière propulsée s'était déjà consumée mais le cosmos gardaient la brillance de la déflagration. Je me dirigeais vers ma planète avec la satisfaction du travail accompli. Pourtant, il me faudrait encore affronter Mioxe et ses milliers de mutants installés sur Drhyz 08. Je n'eus pas le temps pour y penser davantage, j'arrivais déjà aux abords de Ghya. La flottille des soucoupes volantes des agresseurs encerclait l'agglomération. Ils savaient sans doute que leurs planètes étaient pulvérisées. Je survolais la grande cité et je mis le cap sur le stade de démonstrations sportives. Par chance, le terrain était libre et Je pus m'y poser à nouveau. J'enfilais mon scaphandre qui me propulsa vers le laboratoire. La vapeur finissait de se disloquer et les rues désertes reprenaient une allure presque normale. Arrivé au bâtiment des recherches, j'ouvris le sas et je me débarrassais de mon harnachement. Je montais vers le niveau d'observation ; un silence inquiétant y régnait et j'eus soudain un affreux pressentiment. Je marchais prudemment dans le vaste niveau et, après quelques pas, je fis la découverte à laquelle je m'attendais : prés de la sphère centrale de contrôle, les corps déchiquetés du Grand Magellan, et des deux ingénieurs gisaient dans une mare de sang. Je ne pus réfréner un mouvement de recul, et un sentiment de profond dégoût monta en moi. Ce crime odieux avait sans doute été commis par Mioxe qui connaissait les codes d'entrée du bâtiment. Soudain, je sentis une présence derrière moi. Dans un frisson, je fis demi-tour et je vis prêt à bondir, Mioxe et son regard brillant de cruauté. Je me précipitais avec toute mon énergie vers l'escalier. Mioxe me poursuivait en poussant des grognements saccadés qui m'informaient sur son intention de me dévorer. Je dégringolais les marches mais je l'entendais tout proche de moi. Je ne mis alors à repenser à cette terrible douleur que Jacqueline me transmettait au moment où j'absorbais les âmes des Terriens à purifier. Je focalisais toute mon attention sur ce souvenir, et ce sentiment d'agressivité intense remonta en moi. Je me retournais ; Mioxe s' apprétait à me sauter dessus mais là, ma haine fut bien plus puissante que la sienne. Je bloquais sa tête dans mes mains, et je saisis sa gorge entre mes mâchoires jusque a que mes dents se rejoignent. Un sang carmin jaillit comme un geyser de sa carotide sectionnée. J'arrachais la moitié de son cou. Il s'affaissa, avec un regard figé qui témoignait encore de sa surprise. Il eut quelques sursauts convulsifs et mourut, baigné dans le sang qui finissait de se vider de son corps. Je regardais cette scène encore dans un état second. J'avais, dans tous les sens du terme, décapité l'Invasion des mutants. Je recrachais les morceaux de chair que je tenais encore entre mes dents et Je réalisais seulement ce que je venais de faire. Une violente nausée monta du plus profond de moi-même, et je courus vers une pièce d'hygiène pour me nettoyer le corps. Je me déshabillais et j'actionnais le gyrostat. Le cylindre de lavage sortit du sol pour m'entourer. Les petits jets d'eau pulsée qui s'éjectaient de toute la surface de cette paroi rotative, me lavèrent des taches de sang et aidèrent à me remettre les idées en place. Je me mis à réfléchir à ce qui venait de se passer. Mioxe, le mutant, n'avait pas eu la même réaction que son semblable qui se trouvait dans mon immeuble. Pourquoi en avais-je effrayé un et pas l'autre ? Le gyrostat de lavage tournait autour de moi, et je faisais le vide dans ma tête en appréciant les micro-massages des innombrables petits jets d'eau qui me fouettaient. Soudain, le déclic s'opéra dans mon esprit : ce n'était, bien sur, pas moi mais Jacqueline qui avait terrorisé le premier mutant. Je stoppais là ma toilette et j'enfilais ma combinaison qui, heureusement recouverte d'une substance anti adhérente, avait été épargnée de toute trace de Bang. J'empruntais un passage parallèle et je pus rejoindre le sas de sortie sans croiser à nouveau le cadavre de Mioxe. Dehors, la brume avait presque disparu permettant maintenant une visibilité parfaite. La température se situait aux alentours de 42~ mais les rues restaient toujours désertes. Je me dirigeais vers mon immeuble avec la ferme intention de connaître le rôle exact de Jacqueline dans cette affaire. En chemin, je croisais le grand auditorium des vibrations musicales puis la façade de granit turquoise du palais Magellaire ; je sentais mille regards m'observer à travers les parois de quartz des immeubles. J'arrivais bientôt devant chez moi ; l'accès était débloqué. Je pénétrais dans le premier niveau, et je vis la silhouette de Jacqueline allongée sur le matelas d'hélium allégé qui flottait au milieu de la pièce. Je m'approchais doucement d'elle et une surprise de plus me saisit : Jacqueline était endormie dans une complète nudité. Une absolue sérénité se dégageait d'elle.

Elle avait retrouvé son aspect de femme humaine.


8.5 Mise au point.


Jacqueline ouvrit les yeux. Son crâne se hérissait de ses cheveux noirs originels qui repoussaient, et son corps avait retrouvé les rondeurs féminines spécifiques aux Terriennes. La jeune femme me regarda comme Si elle sortait d'un rêve. Malgré ma stupeur, je pris 1 'initiative de poser la première question

-" Jacqueline, tu vas maintenant me dire ce qui s'est vraiment passé."

Elle se redressa sur les coudes et s'assit en tailleur. D'une lente rotation de la tête, elle observa le décor qu'elle semblait découvrir et déclara enfin :

-" Original !"

Jacqueline jouait-elle une nouvelle comédie ou avait-elle vraiment perdu la mémoire de sa période de mutation ? Cette fois, je n'avais pas l'intention de me laisser berner et, s'il s'agissait de ce fameux humour Terrien dont elle me donnait un nouvel exemple, il ne provoquait pas le moindre sourire chez moi.

Je saisis fermement son épaule. La force avec laquelle je me mis à serrer lui confirma que je n'avais pas du tout le cœur a plaisanter. Dans une grimace de douleur, elle obtempéra :

-" D'accord, Kuhing, je vais tout te raconter mais, de grâce, lâche-moi."

Même si, nous autres Drhyz, nous nous nourrissions essentiellement de plancton, notre tonus musculaire dépassait de loin celui des meilleurs athlètes humains, et Jacqueline en faisait l'expérience en ce moment même. Je desserrais l'étau de mes doigts, et je lui fis comprendre, d'un signe de tête, que j'attendais ses explications, et vite fait. Elle se massa vigoureusement l'épaule en clignant les yeux comme pour ne plus voir son mal. Puis, elle commença par une question ;

-" Que veux-tu savoir exactement ?"

-" Tout." Dis-je.

La Jeune femme se leva et enfila sa combinaison. Puis, s'approchant de mol, elle entama son récit :

-" Dieu m'a envoyé un message juste après le début du Big-Crunch ; Il n'en était pas à l'origine. D'ailleurs, ni les Drhyz ni les Terriens n 'étaient prêts pour le Projet Final, et cette contraction ne pouvait pas aboutir à l'Unification mais tout au plus à la destruction du feuillet 24."

Elle attendit ma réaction. Je ne voyais pas d'incohérence dans ses propos mais je devais tester plus encore sa bonne foi.

-" Mais alors, qui a enclenché un tel phénomène 51 Dieu n'en est pas responsable ?" M'étonnais-je ?

-" Mioxe." Lança la jeune femme avec un air de dégout.

-" C'est impensable, jamais un Drhyz n'aurait pu élaborer un plan aussi meurtrier."

-" Un Drhyz non, mais un mutant oui." Répondit Jacqueline.

Je ne comprenais plus ce que la jeune femme me racontait. Devant mon air sceptique, elle avança dans ses explications :

-" La transmutation des Drhyz des planètes 87 et 74 ne date pas du Big-Crunch mais elle a commencé depuis de nombreuses D.U. Cette petite étoile à neutrons située à proximité de leurs planètes était bien moins inoffensive que vous le pensiez. Elle a progressivement modifié le comportement de ces populations avant que tu en voies le résultat final. Mioxe, et ses semblables ont acquis le même mal qui ronge les terriens et les conduit aux pires exactions : la soif du pouvoir. L'intention de Mioxe, et de ses semblables était de dominer l'espèce Drhyz. Cependant, ta théorie du feuillet synthétique le gênait terriblement ; un Drhyz capable de retrouver la mécanique divine risquait de contrecarrer ses plans. Après la décision de ton expulsion, il a lui-même volé les Instruments dont tu avais besoin pour expérimenter tes hypothèses et quand il t'a vu revenir, il a préféré détruire tout le feuillet 24 pour coloniser, avec les siens, un autre univers Il voulait régner en maître sur une autre civilisation et, s'il avait pu toutes celles qui existent."

J'écoutais toutes ces explications complètement subjugué. Tout ce que racontait Jacqueline paraissait pourtant plausible même Si de nombreux points m'échappaient encore. Je me mis en quête d'autres précisions :

-" Pourquoi Dieu t'a-t-il informé de la situation et m'a-t-il laissé dans l'ignorance ?"

Jacqueline réagit à ma question comme un maître d'enseignement devant un élève qui a dit une bêtise :

-" Kuhing, tu as toi-même compris que le Big-bang de l'Unification doit venir de la matière elle-même. L'intelligence a engendré l'énergie ; l'énergie a engendré la matière, et la matière devra engendrer l'intelligence. Tel doit être le chemin à parcourir pour aboutir au Projet Final."

La Jeune femme fit une pause, en cherchant dans mon regard si ses arguments suffisaient à me convaincre. Sans doute rassurée, elle poursuivit :

-" Dieu ne pouvait en aucun cas intervenir sur le principal acteur de son œuvre : toi-même. Tu devais stopper ce Big-crunch sans son aide et tu y es parvenu."

Jacqueline s'assit comme si elle venait d'accomplir un très gros effort on me dévoilant ces informations. Puis un sourire témoigna de son apaisement et elle ajouta comme pour s'excuser :

-" Certes, le créateur a donné un petit coup de pouce par mon interm6diaire mais juste un tout petit. D'autres questions ?"

Concernant la capacité de Mioxe à déclencher un Big-Crunch, je conclus moi-même qu'avec les éléments des données de ma théorie des feuillets synthétiques, Il avait très bien pu l'adapter à une fin contraire. Il restait encore un point sur lequel je n'avais pas trouvé de réponse, et j'interrogeais encore Jacqueline :

-" Peux-tu enfin m'éclairer sur la fuite du mutant lorsqu'il t'a vu apparaître ainsi que sur ton attitude durant cette période ?"

Le visage de Jacqueline s'habilla alors d'une expression de gravité ; je vis des larmes monter dans ses yeux. Puis elle tenta de se ressaisir. Elle y parvint.

-" C'est justement le coup de pouce dont je te parlais tout à l'heure, dit-elle. Je t'avoue que ce n'est pas le genre d'assistance que je solliciterai à nouveau. Le mutant s'est enfui en me voyant parce qu'il venait d'assister quelques U. plus tôt à la manière dont j'avais assassiné son compagnon."

-" Comment ?" Dis-je stupéfait.

-" Oui Kuhing, le corps qui gisait n'était pas celui de Traxog. L'ingénieur n'a jamais franchi le seuil de cet immeuble. Ce cadavre était celui d'un autre mutant. Ils se sont présentés tous deux avec l'intention affirmée de m'inscrire à leur menu et, quand je les ai vus pénétrer ici, j'ai couru jusqu'au deuxième niveau avec eux à mes trousses. Dieu m'a alors envoyé une formidable décharge d'énergie que j'ai pu transformer en agressivité. Alors, j'ai saisi l'un d'eux à pleines mains et je l'ai égorgé à coups de dents. L'autre fut terrifié ; il s'est collé contre la paroi de l'étage, et quand il m'a vue partir, son besoin de sang l'a amené près du cadavre de son semblable. Il l'a dévoré plus tard."

Jacqueline paraissait très émue, et je la comprenais parfaitement, son récit me rappelait étrangement l'épisode que je venais de vivre. Je laissais passer un moment de silence.

-" Mais ta folie apparente ?" Demandais-je.

-" Ce fut ma façon de réagir à l'horreur. Je n'ai plus rien contrôlé." Dit-elle.

Je la crus. J'avais maintenant tous les éléments en mains pour recoller les pièces du puzzle de cette histoire. Tous les éléments ? Pas tout à fait encore, et je fis part à la jeune femme de ma dernière interrogation qui concernait sa propre forme :

-" Mais, tu as repris l'apparence d'une Terrienne." Dis-je.

-" Tu es vraiment observateur Kuhing, me dit-elle, et j'ai une autre bonne nouvelle à t'apprendre : on va bientôt pouvoir m'appeler Maman. Chez nous, on appelle ça un heureux événement."



8.6 Remise en état.


J'étais maintenant au fait de toutes les informations que j'attendais, et la priorité allait à la remise en état de ma planète. Environ dix mille mutants occupaient encore Drhyz 08 et nous devions nous en débarrasser vite. Je proposais à Jacqueline de m'accompagner au laboratoire des recherches, et nous enfilâmes à la hâte nos scaphandres. Dans ce couloir du hall, le corps ensanglanté de Mioxe gisait toujours. A sa vue, ma jeune compagne eut un réflexe de recul mais nous devions tous deux dépasser notre aversion ; ce cadavre nous servirait de leurre pour piéger les mutants. Je l'attrapais sous les aisselles et je fis signe à Jacqueline de le soulever par les pieds en direction de la salle d'hygiène. Nous entreprîmes alors son toilettage minutieux et, quand il fut parfaitement propre, nous le montâmes dans le laboratoire d'observation. La rigidité du corps nous permit de l'adosser contre la sphère de contrôle. J'orientais manuellement l'émetteur d'hologrammes dans sa direction en réalisant un cadrage suffisamment large pour que les détails passent inaperçus ; " un plan américain ", comme disent les Terriens. Je saisis un microphone, et je m'installais hors champ pour un play-back. Jacqueline envoya la diffusion, et je lançais le faux message dans toute la mégapole de Ghya :

-" Frères des planètes 87 et 74, Mioxe s'adresse à vous. Le Grand Magellan est mort. Kuhing est parvenu à détruire nos planètes, mais il a rejoint à son tour le grand néant. Désormais Drhyz 08 nous appartient. Retrouvons-nous tous, d'ici 3 U., dans l'enceinte du stade des démonstrations sportives, pour organiser notre prise de pouvoir. Notre grand règne sur le réseau Drhyz et sur tous les univers, commence !"

Jacqueline interrompit l'émission. Le piège était tendu, je devais maintenant le refermer. Je descendis dans le laboratoire d'essais avec la même idée en tête que, pour fabriquer une arme, peu importait l'instrument si la volonté de détruire était assez forte. Jacqueline me suivait en s'interrogeant sur ce que j'allais encore inventer. Je m'emparais d'un traxinotron, et nous montâmes pour embarquer sur une des bouées de transport stationnées sur le toit. Moins d'une U. plus tard, nous survolions le stade bourré de mutants. Je questionnais l'ordinateur du bord : 10.234 mutants avaient répondu à l'appel et attendaient dans un puissant vacarme l'arrivée de leur chef Mioxe. Je saisis le traxinotron puis je dirigeais son rayon sur les murs épais qui entouraient les gradins. L'effet attendu fut immédiat. La structure minérale qui composait les parois du stade se déforma puis, sous les regards ahuris des mutants, elle se liquéfia pour les engloutir et les fossiliser à jamais. Cette fois-ci, la guerre était complètement gagnée. Je lançais un appel à la population pour qu'elle récupère sa planète et qu'elle se mette au travail, afin de réparer les dégâts.

Les Drhyz sortaient peu à peu de leurs habitations, et s'organisaient spontanément à la reconstruction de Ghya. Exceptionnellement, la durée du temps de travail de la période à venir serait quadruplée. Nous retournâmes Jacqueline et moi vers mon habitation avec la ferme intention de savourer un repas bien mérité. Nous montâmes au cinquième niveau qui accueillait habituellement ce genre d'activités. Je sortis deux doses de plancton lyophilisé et un grand flacon rempli de jus de coléoptile. Je pensais soudain aux ravages que l'amorce du Big-crunch avait produit sur nos réserves naturelles, et je fis part de mes soucis à Jacqueline à ce sujet. Elle me répondit que le génie génétique des Drhyz arrangerait ça en moins de 500 U. Elle avait bien sur raison, je m'inquiétais pour rien. Jacqueline regarda sa ration de plancton qui ressemblait à une pâtée verdâtre, il est vrai peu appétissante pour un humain, et dit :

-" Pour moi ce sera des fraises, avec un peu de crème fraîche et beaucoup de sucre."

Je fis gentiment remarquer à mon interlocutrice, qu'à moins qu'elle utilise également le comique de répétition, une boutade du même cru était sortie de sa bouche et en ces lieux même, peu de temps auparavant. Jacqueline me regarda avec le plus grand sérieux et déclara solennellement:

-" Mais, cher Kuhing, je ne plaisante pas le moins du monde. D'ailleurs, sais-tu qu'il ne faut jamais contrarier les envies d'une femme qui attend un bébé ?"

-" Quoi, m'étonnais - je, cette histoire de maternité ne faisait pas également partie du registre humoristique de ta planète ?"

La jeune femme déboutonna sa combinaison et me montra son ventre déjà rebondi.

-" Et celle-la, tu la trouves rondement drôle, n'est - ce pas ? " Dit-elle.





9.1 Questions.


Jacqueline, redevenue femme, serait bientôt mère. Elle voulait retourner sur sa planète pour que son enfant voie le jour dans l'environnement des hommes. J'acceptais de la ramener sur Terre mais, auparavant, je devais informer mes semblables de ce qui les attendait avec le Projet Final.

Les Drhyz avaient besoin d'un nouveau Magellan, et je proposais de réunir le conseil pour organiser la succession. Je lançais un appel à chacun de ses membres et rendez-vous fut pris dans 20 U. au palais magellaire. En attendant, Jacqueline et moi, allâmes nous reposer. Je montais au quatrième niveau, où je m'allongeais sur un matelas suspendu. Je fermais les yeux en pensant à toute cette extraordinaire aventure que je vivais. Qu'allait-il se passer maintenant ? Je l'ignorais totalement. Devais-je retourner dans un tunnel de basculement pour reprendre contact avec le Créateur divin et ses quatre fils ou bien fallait-il que je me laisse porter par les événements en attendant un contact éventuel de l'au-delà ?

Et le nouvel univers-miroir que j'avais créé, quelle influence aurait-il sur le Projet Final puisque j'étais intervenu moi-même dans l'œuvre de Dieu ?

Et cette armée de l'Unification sur la planète Terre ?

Toutes ces questions se bousculaient dans ma tête et m'empêchaient une fois de plus de trouver le repos dont j'avais besoin. Et puis, au fur et à mesure que mes idées s'enchaînaient, une réflexion d'un autre type commença à germer dans mon esprit. Je pensais à ce formidable canevas que constituaient les cosmos mais l'image des scènes d'horreur auxquelles j'avais assisté sur la planète Terre, sur celle de CATEWOS ou récemment sur la mienne s'y associaient instantanément Dieu avait eu l'intelligence et la force de créer ces univers aux complexités extrêmes mais il aboutissait à un constat d'échec quant à ses prétendus objectifs. Cette contradiction me gênait de plus en plus et m'amenait à me poser des questions sur sa propre nature :

Dieu contrôlait-il parfaitement la situation ou jouait-il seulement aux dés ? Représentait-il vraiment le début et la fin de tout ?

N'était-il pas lui-même le résultat d'une autre tentative mal orientée ? N'était-il pas, après tout, lui aussi, un imposteur de plus ?

La grande certitude dont je gardais le souvenir avait laissé la place au plus profond des doutes, et une interrogation prenait forme dans ma tête : la solution de tous les maux qui accablaient les civilisations pensantes ne se trouvait-elle pas dans la destruction de Dieu lui-même ? Car, finalement, il portait la responsabilité du désastre dont je venais d'être l'acteur dans mon réseau Drhyz. Plus ma réflexion avançait, plus ce Dieu m'apparaissait comme un être perfide qui, du haut de son Olympe, organisait et s'amusait à des jeux de massacre. Je tentais de résister à cette pensée embarrassante, mais en vain. Soudain, elle devint plus forte que tout et, une fois encore, je bondis de ma couche pour rejoindre mon bureau avec cette nouvelle énigme en tête : comment parvenir à éliminer celui en qui j'avais perdu toute confiance ? Je m'installais devant mon tableau et je me mis à réfléchir à ce problème. Le Projet final dont la Source avait parlé nécessitait la destruction de tous les feuillets d'univers et de la vie qu'ils abritaient. C'était le moyen dont le Divin disposait pour engendrer son double et ce formidable enfantement se nourrissait de l'intégralité cosmique, le mettant au rang des prédateurs les plus extraordinaires qui puissent exister. J'eus alors cette invraisemblable conviction que l'entité que j'avais rencontrée dans le tunnel de basculement n'était qu'une individualité parmi d'autres avec les préoccupations mesquines d'un pouvoir égoïste. Peut-être même que, dans cette population d'une nature différente, une bataille entre un bien et un mal se menait également et rien ne permettait d'affirmer que celui qui m'avait parlé se situait dans le bon camp. Si ce Dieu cristallisait cet absolu de bonté, pourquoi permettait-il tant d'ignominies ici-bas ? Je devais en avoir le cœur net et il me fallait pour cela accéder à la dimension divine non pas en tant qu'hôte mais comme un conquérant. Je repris l'énoncé de ma théorie du feuillet synthétique en cherchant son adaptation inverse. A peine 8 U. suffirent pour trouver ce que Mioxe avait calculé et transformer la création d'un Big-bang en celle d'un Big-crunch. Pour égaler la puissance de Dieu1 il fallait réaliser une opération de plus grande envergure en contractant tous les feuillets d'univers existants et isoler les organismes vivants a préserver. Je sentis soudain une présence derrière mon dos. Je me retournais et je vis Jacqueline. Elle s'approcha de moi et me confia son empressement à retourner sur sa planète elle voulait partir tout de suite. Son attention se porta sur les équations qui défilaient à toute allure sur mon tableau. Elle m'interrogea sur la nature de mon travail et, après une hésitation, je la mis au courant de mes récentes questions ainsi que de mes ambitieuses intentions. La jeune femme fut surprise par la nature de mes propos, mais j'étais devenu 51 sur de mol1 qu'elle se laissa progressivement convaincre par mon argumentation. Elle jugea bien sur le projet audacieux puis finit par demander comment je comptais fabriquer cette " Arche de Noé cosmique". Une telle machine m'était inconnue et Jacqueline me raconta la vieille histoire de ce Terrien, 3000 de leurs unités de temps avant la naissance de Jésus. Noé rassembla des couples de différentes espèces animales alors qu'un déluge allait engloutir sa planète.

Légende ou réalité, personne sur Terre ne le savait vraiment, mais cette histoire correspondait effectivement à ce que je devais réaliser à l'échelle de tous les univers existants, et nous allions maintenant en informer le conseil supérieur.


9.2 Vote.


Nous sortîmes. Une multitude de Drhyz s'affairaient à réparer les dégâts et la ville reprenait son aspect antérieur. Le sol de granit était déjà repoli et de jeunes pousses végétales à croissance rapide remplaçaient les arbres morts. Des brigades d'assainissement vaporisaient en ce moment même, sur la mégapole, une substance minérale odorante qui rappelait à Jacqueline le parfum d'une fleur de chez elle appelée jasmin. En à peine 20 U., Ghya s'était rhabillée de neuf et le récent désastre ne semblait qu'un lointain souvenir. Au coin de la rue, le palais magellaire nous apparut dans toute sa grandeur, avec des milliers de Drhyz agglutinés sur sa façade, qui apportaient les derniers soins de nettoyage. Nous entrâmes dans le couloir d'accès et cette fois-ci le portail ne s'abaissa pas - Le système de sécurité, accordé sur la fréquence cérébrale du grand Magellan, s'était déconnecté après sa mort. Nous nous dirigeâmes vers la grande salle du conseil et les douze membres nous y attendaient en bavardant. Le silence se fit dés qu'ils nous virent et le premier conseiller s'approcha pour nous souhaiter la bienvenue. Tous avaient bien sur suivi les événements depuis leurs planètes respectives jusqu'à la mort du grand Magellan et me témoignèrent de leur gratitude au nom de toute l'espèce Dhryz. Nous nous installâmes sur les larges fauteuils de granit qui émergeaient du sol ; la jeune Terrienne s'assit à mon coté et tous les regards convergeaient sur elle, un rien étonnés. Je pris l'initiative de raconter mon épopée, depuis mon expulsion de ma planète O8 jusqu'à soumettre mes dernières réflexions sur la nature de Dieu lui-même. Je demandais enfin qu'un tour de parole s'organise pour que chacun puisse donner son avis sur mon dernier projet. Il se passa un court moment de silence et un des conseillers se décida à intervenir :

-" Kuhing, les événements que tu relates sont extraordinaires et je ne possède aucun élément pour remettre en cause leur authenticité. La puissance du Dieu, source des univers, celui que tu dis avoir rencontré, parait bien grande pour que les Drhyz, encore simples mortels, puissent l'affronter. S'il existe une population divine et, comme tu en émets l'hypothèse, un combat supra-matériel entre le bien et le mal, n'est - il pas plus sage de le laisser mener par les principaux intéressés ? Les Drhyz ont atteint un stade d'évolution qui leur permet de vivre heureux et sereins, loin des ennuis de ceux qui peuplent les autres dimensions. La problématique divine, tout comme les imperfections des autres civilisations, ne nous ont amené que des catastrophes. Par conséquent, je suis d'avis de retrouver la vie tranquille de notre dimension et de renvoyer cette étrangère sur sa planète."

Le conseiller s'assit en provoquant une petite rumeur dans l'assemblée. Certains approuvaient d'un signe de tète son point de vue, mais l'unanimité ne semblait pas acquise. Un autre Drhyz se leva alors pour exprimer une opinion contradictoire :

-" La position du frère qui représente les zones sud de notre réseau, témoigne d'une sagesse et d'une humilité qui l'honorent ; mais sa vision de la situation reste peut-être trop réduite. L'espèce Drhyz est certes la plus avancée de toutes, mais elle fait partie intégrante de l'ensemble des univers. Elle subira donc la répercussion des problèmes de nos voisins d'une façon ou d'une autre. Notre science a percé presque tous les mystères de la nature et Kuhing, en créant un nouvel univers, vient d'en dévoiler un des derniers, peut-être l'ultime. Devons-nous nous arrêter en si bonne voie ? En avons-nous le droit ? La puissance de Dieu semble effectivement gigantesque, peut-être même infinie mais souvenez-vous de nos ancêtres pour qui les espaces intergalactiques les leur paraissaient tout autant. Cela leur a-t-il empêché de trouver le moyen de franchir ces distances plus vite que le fait la lumière ? Je crois que tout ce qui existe est fait pour être découvert et nous devons continuer à élucider les énigmes que nous rencontrons, quels que soient les risques encourus. Le Dieu que Kuhing a rencontré nous annonce un Projet Final qui, en dernière analyse, semble servir seulement lui-même. Tout ceci semble contraire à l'idéal moral vers lequel nous tendons. Ce Dieu ne nous a-t-il engendrés que pour atteindre son propre objectif sans se soucier du reste ? Et finalement, n'existe-t-il rien ni personne au-dessus ou à coté de lui? Après l'exposé de notre frère Kuhing, je ne le crois plus et je pense qu'à ce stade de l'évolution de notre civilisation, nous ne pouvons pas éviter cette question fondamentale."

Le frère Drhyz se rassit, mais cette fois tous les conseillers se turent, comme pressés sous le poids de son argumentation et de ses interrogations. Il venait de formuler avec exactitude mon opinion sur la situation. Je repris la parole pour le confirmer, et nous décidâmes d'un vote parmi l'assemblée sur la position de principe à adopter. Sur les douze, huit adoptèrent ma proposition. Il fallait maintenant mettre en place une stratégie et je présentais le plan suivant :

-" Nous devons préserver les espèces vivantes des feuillets d'univers en en rassemblant leurs représentants. Nous les ramènerons dans notre réseau puis nous isolerons notre galaxie IXA du reste des cosmos. Alors nous produirons la contraction de tous les feuillets d'univers et, utilisant sa résultante énergétique, nous serons en mesure d 'affronter la puissance divine."

Un silence pesant souligna l'ambition de la tache.

-" Nais comment canaliser et stocker cette formidable quantité d'énergie ? Interjeta enfin le représentant des zones centrales.

-" Je ne le sais pas encore." Dis-je.

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Re: Le feuilleton de l'été 2009

Messagede denis le Dim 19 Juil 2009 20:24

Excellent, 4 épisodes d'un coup, ça remet en place les vertèbres (ourf!)
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Re: Le feuilleton de l'été 2009

Messagede kuhing le Lun 20 Juil 2009 08:46

9.3 L'arche.

Les contractions des feuillets d'univers devaient suivre un processus de réactions en chaîne dont j'entrevoyais déjà la solution théorique ; je réunis quelques milliers de Drhyz fondamentalistes et je leur demandais de la développer mathématiquement. Par contre, le stockage de l'énergie résultant des Big-crunch restait, à cette étape, encore une énigme. J'avais pourtant la conviction intime que je résoudrais ce problème en temps utile et qu ' il fallait dès maintenant rassembler les espèces vivantes des autres feuillets pour les ramener dans notre réseau. Je demandais aux ingénieurs aéronautiques de Drhyz 08 de concevoir un aérodyne suffisamment grand pour transporter cent quarante quatre mille passagers. Il était en effet impossible de transférer matériellement la totalité des populations et nous devions faire un choix. Cent U. se passèrent, et l'on me prévint que les plans de l'Arche cosmique étaient déjà bouclés. Je me rendis alors sur la base de départ supra-galactique pour découvrir ce que nos techniciens avaient réalisé.

L'Arche se présentait comme une gigantesque structure lenticulaire constituée d'un gros noyau central aplati qui formait l'habitacle. Sur lui, s'agrippaient cinq cents de nos soucoupes volantes traditionnelles. Elles serviraient à la fois de propulseur et de navettes pour se rendre sur les planètes habitées, la taille souvent réduite des tunnels de basculement ne permettant pas le passage d'un engin aussi gros. L'Arche resterait en poste à proximité du premier trou noir pour attendre les représentants de chaque espèce. Nous avions prévu d'aménager pour eux, au retour, des planètes inhabitées du réseau Drhyz ou chaque espèce pourrait recréer sa civilisation avant de réaliser une synthèse entre elles et nous. J'approuvais le projet proposé par les ingénieurs et la fabrication proprement dite de l'arche commença. Deux cent unités plus tard, elle nous attendait pour l'expédition. Je retournais avec Jacqueline sur l'aire d'envol de la vallée bleue où nous trouvâmes l'engin construit à ciel ouvert. Je fus moi-même impressionné par cet extraordinaire véhicule dont le diamètre dépassait celui du stade des démonstrations sportives de Ghya. Des milliers de Drhyz s'affairaient encore aux derniers préparatifs quand un responsable de la base nous rejoignit. Il nous invita à pénétrer dans l'enceinte de l'Arche. Une des passerelles s'abaissa à notre approche, et nous montâmes dans l'habitacle central. Celui-ci était conçu selon un procédé qui rappela à Jacqueline une structure qu'elle appelait " nid d'abeilles ~, que des insectes du même nom, sur sa planète, fabriquaient d'instinct. Des alvéoles hexagonales de métal transparent tapissaient sur sept couches successives la paroi interne du noyau de l'Arche. Chaque cabine-alvéole pouvait accueillir douze passagers, et possédait un système de fonctionnement autonome en gaz, gravité et alimentation. Un réseau de couloir desservait une plate-forme centrale, où environ vingt mille spécimens de notre taille pouvaient se promener en même temps, sans que cela 8emble encombré. Les techniciens avaient rassemblé toutes leurs compétences pour que cette Arche fut la plus accueillante possible ; et nos plus beaux végétaux, protégés sous de larges serres de verre organique microporeux, ornaient l'aire centrale de rencontre. Des points d'eau sous cloches et des générateurs de brume finissaient de donner à cet environnement un aspect quasi naturel. L'inertie de cette énorme machine et les allers et retours sur les planètes habitées allongeraient de beaucoup le temps du voyage et, plus qu'un simple véhicule, il avait presque fallu construire une biosphère volante. Je ne manquais pas de féliciter le responsable de la base pour le magnifique travail que tous avaient accompli dans un laps de temps Si court. Avec cette humilité propre aux membres de mon espèce, il s'effaça sans mot dire.

Nous ressortions du noyau de l'Arche pour aller marcher, Jacqueline et moi1 sur cette vallée bleue qui s étendait à perte de vue. Le lichen récemment réensemencé par les frères écologistes, était encore tendre sous nos pas et exhalait une fraîche senteur marine. Jacqueline me fit part de la nostalgie qu'elle avait de sa planète et de sa tristesse de ne pouvoir y retourner pour toujours. Elle paraissait très émue et des larmes perlaient au bord de ses yeux. Je la consolais en rappelant que, déjà, des frères des régions nordiques du réseau Drhyz aménageaient un astéroïde qui ressemblait beaucoup à sa Terre natale. En plus, nous ramènerions de cette expédition des clones de végétaux et d'animaux qu'elle connaissait bien. Jacqueline m'écoutait en silence et se laissa peu à peu convaincre par mes paroles rassurantes. Bientôt, elle retrouva même son beau sourire et se déclara impatiente de prendre le départ. Nous fîmes demi-tour et, nous approchâmes à nouveau de la grande Arche cosmique. Les cinq cent pilotes Drhyz, rutilants dans leurs combinaisons, s'engouffraient déjà à la queue le-le dans son noyau central, prêts à s'envoler vers ces horizons lointains. Je retrouvais le responsable de la base qui me confirma que l'engin attendait le décollage. Nous enfilâmes, ma compagne et moi, nos combinaisons de vol que deux frères nous apportèrent, puis nous montâmes à notre tour dans l'habitacle central du vaisseau. Les issues se bouclèrent en silence. Les pilotes s'étaient installés à bord de leurs soucoupes et la plate-forme centrale était déserte. Soudain, une voix de synthèse résonna dans tout l'aérodyne pour nous annoncer le départ imminent. Nous nous approchâmes d'un des grands hublots pour regarder encore cette belle vallée bleue qui m'avait vu m'envoler tant de fois. Puis les réacteurs des soucoupes, collées sur la paroi externe de l'Arche, se mirent en route simultanément, soulevant doucement l'énorme masse métallique.

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Re: Le feuilleton de l'été 2009

Messagede kuhing le Mar 21 Juil 2009 08:52

9.4 Virtuel.

L'Arche prit plus de cinq U. avant de quitter l'atmosphère de Drhyz 08. A bord d'une soucoupe traditionnelle, nous serions déjà presque arrivés à l'entrée du premier tunnel de basculement. D'après les calculs des ingénieurs l'expédition durerait plus de 2.000 U. et Jacqueline accoucherait de son enfant avant notre retour définitif dans le réseau. L'Arche progressait dans l'espace comme un géant lourd et tout semblait se passer ici au ralenti. Nous décollâmes le nez des hublots pour marcher à travers les allées dépolies de la plate-forme de rencontre. Maintenant, les sas des soucoupes s'ouvraient les uns après les autres vers l'intérieur du noyau du vaisseau, et les pilotes, remplacés par les commandes automatiques, nous rejoignaient progressivement. Quand ils furent tous là, je leur précisais le déroulement du voyage:

-" Frères Drhyz, comme vous le savez, nous sommes en route pour accomplir une tache d'importance capitale. Elle sera l'aboutissement de notre civilisation mais peut-être aussi celui de l'histoire universelle. Vous avez assisté, comme tous les Drhyz, aux débats des conseillers sur ce sujet, et vous avez ratifié leur vote. Sans doute certains d'entre-vous ne partagent pas l'avis adopté par notre grande majorité, mais je sais que notre maîtrise achevée de la démocratie aidera à dépasser les désaccords. Nous irons donc dans chaque feuillet d'univers où des espèces vivantes et pensantes se sont développées, et, pour leur sauvegarde, nous en ramènerons des spécimens."

Un ingénieur demanda alors la parole d'un signe de tête presque imperceptible:

-" Qu'en est-il de ceux que nous ne pourrons ramener?"

L'assistance émit une onde de pensée commune indiquant que cette question les préoccupait tous.

-" Je comprends vos interrogations, Frères. Ce problème moral qui m a également perturbé, devra se régler par un artifice technique."

Puis, m'adressant directement au frère intervenant, je pousuivis:

-" Comme tu le sais, toute intelligence distillée par un cortex pensant fait partie de l'entité cosmique générale de chaque univers. Les fréquences de pensée peuvent être conservées comme nous le faisons déjà pour nos aliments ou notre énergie. Nous devons fabriquer des machines de stockage d'ondes cérébrales. Ainsi, toutes les intelligences seront préservées et restituées, une fois notre mission accomplie. Frère qui t'es fait porte-parole, veux-tu te charger de cette tache spécifique ?"

L'ingénieur, satisfait de ma réponse, acquiesca du même hochement imperceptible et Ryu, car tel était son nom, demanda l'assistance de cinq compagnons pour construire une telle machine. Cette question réglée, je précisais notre itinéraire. L'Arche, comme nous avions maintenant coutume de l'appeler, resterait à proximité du tunnel de basculement, pendant que nous irions chercher avec les aérodynes propulseurs des couples de chaque espèce. Graw superviserait la mission dans le feuillet 56 chez les Vossiens, Sfu et ses compagnons iraient vers la galaxie Trza du feuillet 42 pour ramener des Cryens, Tuv, avec cinquante autres, rejoindrait l'angulation du Dieu Héxié; enfin, Jacqueline, moi et une centaine de pilotes nous rendrions vers la planète Terre, de la galaxie Voie-Lactée du feuillet 57.

Je conclus ce briefing, et l'assemblée se disloqua. Nous avions suffisamment de temps pour prendre du repos avant d'atteindre le tunnel de basculement. Ryu et son équipe décidèrent cependant de commencer immédiatement leurs travaux pour la confection des stockeurs d'ondes cérébrales, même s'il suffisait, aprés tout, d'adapter ceux que nous utilisions déjà lors des passages dans les tunnels, à des gammes de fréquences plus larges.

Jacqueline préféra déambuler à travers les allées autour de la plate-forme de rencontre. Quant à moi, j'avais envie de calme, et je rejoignis une alvéole. D'un geste circulaire, j'opacifiais ses parois métalliques. Une fois encore, j'avais besoin d'isolement pour avancer dans ma réflexion mais avant, j'actionnais le synthétiseur d'images virtuelles. Un champ de lichen bleu inondé de la douce lumière de nos étoiles se dessina alors dans ma cabine. Des vibrations musicales montèrent en puissance, et je me sentais bien. Tout autour de moi n'était qu'illusion articifielle, et dans ce décor de rêve étudié pour la détente, toutes mes préoccupations se dissipaient. J'amplifiais l'effet zoom, et je devins minuscule dans ce paysage. Depuis la mise au point de ce système, nous autres Drhyz, n'avions plus besoin de partir en vacances: elles venaient à nous. Et pourquoi pas un petit plongeon dans une mer chaude telles qu'on en trouve dans les régions équatoriales, si agréables, de la planète Terre ? D'une fréquence vocale, je changeais de latitude, et il se forma devant moi une plage de sable fin où des vaguelettes coiffées d'écume roulaient doucement. Je poussais la puissance, et le soleil se fît plus lumineux et plus chaud. L'eau devînt plus transparente encore. Toutes les sensations associées au décor se reproduisaient avec l'intensité que je désirais. Ce générateur de situations virtuelles était vraiment une belle machine. D'ailleurs, je baissais un peu la brise et j'ajoutais une fragrance épicée mais fraîche, qui parfuma agréablement l'atmosphère. Voilà, l'ambiance de ce paradis artificiel me plaisait bien et je m'allongeais devant la lagune de synthèse. Je fermais les yeux pour me laisser bercer par la musique des vagues mais, entre mes paupières mi closes, j'aperçus quelques oiseaux qui passaient au loin en lançant de petits cris stridents. Je les vis voler dans ma direction, puis ils s'approchèrent. J'en fus très étonné car tous les événements programmés dans ces voyages virtuels suivaient les règles des combinaisons aléatoires, et il y avait vraiment très peu de chances pour que ces cinq oiseaux au plumage vert et blanc se posent prés de moi comme ils s'apprêtaient à le faire. Je me redressais sur mes coudes: ils étaient tout proches. Ils me regardaient et semblaient vouloir s'installer pour de bon à mes cotés. Je ne pus m'empêcher de m'interroger sur cette coincidence qui réveilla en moi un sentiment proche de la peur.

Voyons, me dis-je, je suis actuellement dans une alvéole de l'Arche cosmique, et j'ai commandé un décor de synthèse dont je peux débrancher la source à tout instant. Ce que je vois n ' a aucune signification réelle, ces oiseaux ne sont que des images qui se sont posées là par le plus pur hasard mathématique qui sous-tend ce programme."

Je me trouvais dans un monde virtuel tellement sophistiqué que, si un de ces oiseaux venait me toucher, je sentirais sur ma peau le soyeux de ses plumes et, s'il décidait de me piquer de son bec, j'aurais l'illusion de la douleur sans qu'il puisse me blesser. Le sentiment de malaise continua à prendre corps en moi. Je n'étais vraiment pas venu ici pour ressentir cela, et je décidais d'interrompre ce voyage. Soudain, les oiseaux semblèrent comprendre mes intentions, et ils se mirent a pousser des piaillements de douleur comme s'ils allaient bientôt mourir.

-" Mais voyons, tout cela n'a aucun sens !" m'écriais-je fortement comme pour me rassurer.

D'un geste, j'interrompis ce programme tropical, et je revis les parois métalliques de l'alvéole.

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Re: Le feuilleton de l'été 2009

Messagede kuhing le Mer 22 Juil 2009 08:21

9.5 Visions.

Je me retrouvais assis sur un fauteuil de la cabine, encore secoué par ce qui venait de se produire. Même si je m'accrochais à cette éventualité comme à une bouée de sauvetage, l'hypothèse du hasard mathématique me semblait de moins en moins probable. Ces oiseaux, qui n'avaient de réalité que celle que nous avions bien voulu leur donner à travers un programme informatique, semblaient pourtant devenir des entités propres douées d'une véritable sensibilité. La frontière entre le réel et l'irréel, la matière et l'idée, semblait, après cette aventure, s'effacer peu à peu. Une confusion extrême envahit alors mes pensées à tel point que je fus pris d'une violente nausée. Celle - ci eut au moins le mérite de me rappeler mon appartenance au monde matériel lorsque je régurgitais le peu d'aliments qui restaient dans mon estomac.

-" Tu es une machine, Kuhing. Me dis-je, et tu as besoin d'une révision."

Après une toilette complète, je sortis de mon alvéole en direction de la plate-forme centrale. Je croisais quelques frères qui confirmèrent que j'avais une très mauvaise mine et chacun s'inquiétait de ce qui m'arrivait. A l'angle d'une allée, je rencontrais Jacqueline qui curieusement ne fit aucun commentaire sur mon état ni sur mon aspect. Je pris l'initiative de l'interroger :

-', T'es-t-il arrivé une chose anormale depuis que nous nous sommes quittés ?"

-" Non, rien de particulier, dit-elle, je me suis promenée dans les allées ; tout est si bien aménag6, on ne se croirait vraiment pas dans un vaisseau spatial."

J'acquiesçais sans enthousiasme à cette banalité. Depuis l'épisode de notre fusion organique, j'avais gardé quelque part le sentiment que cette Terrienne savait tout ce qui m'arrivait, et sa réponse ne me satisfaisait guère. Je n'insistais cependant pas, et je choisis de me rendre dans l'alvéole réservée aux examens physiologiques. Un frère soigneur s'y tenait assis devant une sphère de contr8le, occupé à la résolution de quelque problème théorique. En me voyant, il fut presque content d'accueillir son premier patient, peut-être le seul Dhryz de tout le voyage - Nos médecins, d'une manière générale, n'avaient plus beaucoup de travail. Il m'invita à m'installer à l'intérieur d'un cylindre à la paroi mince et translucide, puis en actionna la commande. La machine, destinée à mesurer les anomalies du rayonnement électromagnétique des organismes vivants, se mit à fonctionner ; et nous pouvions visualiser tous deux le voile vibratoire polychrome qui enveloppait, sur une bonne épaisseur, l'ensemble de mon corps. Le praticien examina en tous points la qualité de cette aura puis vérifia ses observations sur sa sphère de contrôle. Il donna ensuite ses conclusions :

-"Frère Kuhing, ni moi ni cet appareil ne détectons la moindre anomalie dans l'émission électromagnétique de ton corps. Tu es donc théoriquement, donc pratiquement, en parfaite santé mentale et physique."

Surpris de cette normalité, je racontais ce qui venait de m'arriver et qui devait forcément témoigner d'un dysfonctionnement de mes fonctions vitales. Le frère soigneur m'écouta presque sans intérêt. Pour lui, le diagnostic était irréfutable : le détecteur d'aura ne se trompait jamais ; j'avais d~ vivre une illusion onirique aprés m'être endormi. Je sortis de l'alvéole médicale finalement plutôt rassuré. Une idée embarrassante vint tout de même me perturber un instant : le Dieu que j'avais rencontré dans le trou noir était-il intervenu dans cette histoire ? Il ne m'avait pas paru enclin à s'abaisser à ce genre de besogne, mais peut-être, se sachant menacé, voulait-il me rendre fou sans

éveiller de soupçons chez mes frères Drhyz ? Je fis l'effort de repousser cette éventualité, en me persuadant que j'avais seulement été victime d'une hallucination passagère due au surmenage ou, comme le pensait le frère soigneur, que j ' avais simplement rêve. Oui, ces deux dernières hypothèses me convenaient bien pour le moment et je décidais de boire une bonne rasade de jus de coléoptile histoire de fêter ça. Je marchais vers la plate-forme centrale avec pour objectif le bar à liqueurs. En chemin, je croisais des frères pilotes qui me saluaient maintenant sans faire d'autres remarques sur ma mauvaise mine ou mon teint. Tout paraissait être rentré dans l'ordre quand des bruissements lointains attirèrent mon attention. Ils semblaient provenir de l'extrémité du dôme de l'Arche cosmique et je me retournais pour en discerner l'origine. Une sueur glacée perla sur mon front lorsque que je reconnus les cinq oiseaux du décor de synthèse qui m'avaient causé tant d'émotions, J'interpellais deux frères qui flânaient non loin et, pointant mon doigt vers les oiseaux, je demandais :

-" Que voyez-vous là-haut ?"

Les deux Drhyz surpris par ma question regardèrent dans la direction que j'indiquais et l'un me dit enfin

-" Mais Kuhing, ce sont des oiseaux."

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Re: Le feuilleton de l'été 2009

Messagede kuhing le Jeu 23 Juil 2009 09:18

9.6 Apparition

D'après mes compagnons de voyage, ces volatiles faisaient partie de l'aménagement écologique de l'Arche cosmique: s'ils venaient à mourir, ils étaient les premiers à indiquer une défaillance du système de recyclage du gaz carbonique du vaisseau. En tout cas, leur présence réveilla les doutes qui venaient à peine de s'estomper en moi. Je suivais des yeux leur vol groupé et, quand ils me passèrent au-dessus de la tête, j'eus confirmation qu'il s'agissait bien de ceux du voyage virtuel. Je restais quelques instants songeur et les deux frères continuèrent leur chemin étonnés par mon attitude.

-" Suis-je en train de perdre l'esprit ?" me demandais-je. Cette question pouvait paraître exagérée après les événements extraordinaires que j'avais vécu nais, curieusement, l'apparition de ces oiseaux avait réussi à déstabiliser ma raison. Je me sentais glisser vers un chemin dangereux et je compris qu'il fallait vite se ressaisir.

-"J'ai l'habitude de jongler avec les abstractions et jusqu'à présent je m'en suis plut8t bien sorti. Me dis-je . Cette histoire a forcément une explication que je vais découvrir."

Je retournais dans mon alvéole pour programmer à nouveau un voyage virtuel; la solution s'y trouvait sûrement . J'opacifiais les cloisons et je m'installais sur un fauteuil . Je pris le soin, cette fois, de brancher des enregistrements vidéographiques de l'ensemble de la pièce. Une première caméra filmait la situation telle que j'allais la vivre tandis qu'une deuxième, spécifiquement filtrante, n'imprimait que la réalité . j'effleurais la commande du synthétiseur d'images virtuelles et après quelques ajustements, la même lagune au sable blanc s'étendait devant moi Je laissais maintenant le programme se dérouler de lui-même en attendant que ces drôles d'oiseaux réapparaissent. Je fixais l'horizon de ce ciel azur qui , hormis quelques nuages, restait vide. Pour patienter, je pris une poignée de sable dans ma main. L'illusion était parfaite; je sentais sa chaleur s'échapper peu à peu à mesure qu'il coulait entre mes doigts. Mais soudain, un crissement de pas attira mon attention. Je tournais la tête et, stupéfait, je vis, debout derrière moi , le Grand Magellan qui me souriait. J'eus d'abord un petit mouvement de recul puis je rompis le silence:

-" Grand Magellan, est-ce bien toi? Fais-tu partie de ce monde virtuel ou n'es-tu qu'une de mes hallucinations ?"

Le visage du représentant de la civilisation Drhyz, celui que j'avais découvert affreusement mutilé, rayonnait maintenant d'une sérénité parfaite . Il me regarda encore sans toutefois me répondre puis il se dirigea vers les vagues. il avança jusqu'à l'eau, se mit à marcher sur sa surface, et s'évanouit bientôt à l'horizon. J'en avais assez vu pour cette fois, et je débranchais le synthétiseur d'images virtuelles. Le décor de l'alvéole retrouvée me parut plutôt réconfortant. Je me levais de mon fauteuil et je me plantais sans attendre devant un écran de contrôle pour visionner les enregistrements. Le premier film me fît apparaître dans le décor virtuel. Je me voyais scrutant le ciel puis jouant avec le sable entre mes doigts mais, au moment de l'arrivée supposée du Grand Magellan, je constatais que son image ne s'était pas imprimée. Son apparition, tout comme celle des oiseaux, était donc indépendante du programme informatique; elle se situait sur une autre fréquence. Je mis en route la deuxième prise de situation réelle et je fus d'abord amusé par mes positions et mimiques qui, en dehors du contexte, perdaient tout leur sens. Une deuxième surprise m'attendait cependant quand , sur l'écran, l'image du Grand Magellan se forma derrière mon fauteuil. Toute la scène que j'avais vécu avec lui se répéta nais dans le réel enregistré. Le Magellan ne marcha pas sur l'eau comme je l'avais vu mais traversa seulement la pièce puis passa à travers sa cloison. Cette découverte ne simplifiait pas les choses. Je repassais un bon nombre de fois les vidéogrammes en tentant de comprendre la clef du mystère. Des entités vivantes ou ayant vécu reprenaient corps dans ma réalité en utilisant le support informatique des images de synthèse. En outre, elles pouvaient, comme l'avaient fait les oiseaux, passer dans notre dimension matérielle sans respecter la flèche du temps.

Ceci était la constatation brute des faits, et déjà une première étape dans la résolution d'un problème, qui me semblait encore bien lointaine.

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Re: Le feuilleton de l'été 2009

Messagede kuhing le Ven 24 Juil 2009 09:00

9.7 Détente.

Je décidais de mettre cette énigme en sourdine dans un coin de ma tête. L'expérience m'avait appris que les idées suivaient leur cours et aboutissaient plus vite de cette façon. Je quittais mon alvéole pour enfin déguster ce jus de coléoptile dont je ressentais maintenant vivement le besoin. Dans le bar à liqueurs, une atmosphère conviviale et feutrée témoignait du bon déroulement de l'expédition. Des frères Drhyz bavardaient dans cet environnement étudié pour la détente ; d'autres jouaient au bag-moon. L'air fortement ionisé embaumait d'une senteur fraîche, et la diffusion de fréquences d'ondes oméga finissait d'offrir un confort raffiné. Je m'installais seul sur un jet de gaz stabilisé, et je remplis à une fontaine un verre de cette liqueur que nous autres Drhyz aimions tant. La première gorgée fut un moment d'extase, et je la savourais pleinement. Lorsque je rouvrais les yeux, Jacqueline, en face de moi, m'observait avec un sourire en coin.

-" Dis donc, fit-elle, tu me rappelles le séjour à Amsterdam que j'ai fait l'année de mes dix-neuf ans. Nous avions passé la soirée au "Melkveg" et l'ambiance ressemblait à ton visage en ce moment."

Je ne connaissais pas assez en détail les us et coutumes régionales de la planète Terre, et d'une mimique, je fis part à Jacqueline de mon incompréhension. Le sourire de la jeune femme se fit plus appuyé encore et elle ajouta :

-" Ne t'en fais pas, le jus de coléoptile est bien meilleur pour ta santé que les volutes du Melkveg."

Cela ne m'éclairait pas davantage mais j'avais assez de devinettes à résoudre pour l'instant. Jacqueline semblait apprécier la croisière et affichait une mine resplendissante. Elle avait pris le poids inhérent à son état gravidique et arborait fièrement des seins qui avaient doublé de volume. Elle me dit qu'elle atteignait la moitié du terme de sa grossesse, et je remarquais que le temps avait passé plus vite qu'il m'avait paru. A ce moment, l'ordinateur du bord annonça d'ailleurs que l'Arche se situait à 30 U. du tunnel de basculement. Progressivement et sans brusquerie, les frères pilotes se levèrent pour rejoindre-leur postes. Je devais également prendre le mien, et je décidais d'abord d'aller voir Ryu, l'ingénieur chargé du stockeur d'ondes cérébrales. Jacqueline me suivit. Je l'informais au passage de mes dernières aventures et visiblement elle ne savait rien. A son avis, il n'y avait aucune intervention divine dans cette affaire et son intuition coïncidait maintenant avec la mienne. Nous entrâmes dans l'alvéole-laboratoire où Ryu et ses cinq collaborateurs se tenaient autour d'un plan de travail de verre organique. Quatre petites pyramides de métal enveloppées sous une coque cristalline opalescente, captaient toute leur attention et j'en conclus qu'ils regardaient le résultat de leur recherche. Dés qu'il nous vit, Ryu vint à nos cotes pour faire un compte-rendu de l'étude de son équipe :

-" Nous avons réalisé ces stockeurs d'ondes cérébrales qui fonctionnent selon le principe de la résonance nucléaire homothétique, dit-il. Chaque atome du métal de synthèse de ces pyramides se réglera en phase avec la vibration d'une pensée et deviendra la mémoire de chaque intelligence. Les entités spirituelles seront ainsi placées en sursis. Nous avons fabriqué une pyramide pour chacune des missions."

Jacqueline écoutait les explications de Ryu avec des yeux ébahis ; notre technologie parvenait tout de même encore à l'épater. Elle ne put réfréner une question :

-" Comment ce phénomène se déclenche-t-il ?"

-" Simplement par proximité, précisa Ryu, le métal que nous avons conçu fonctionne comme un puissant aimant mental. Placé dans l'atmosphère d'une planète habitée, et débarrassé de sa coque de cristal, il capte les esprits et laisse les organismes seulement pourvus de leur système végétatif, pareils à des automates. Il suffira ultérieurement de déclencher un processus inverse, le moment voulu, sur des clones de synthèse."

Puis, montrant une petite capsule de ce cristal qui enveloppait les pyramides, il ajouta :

-" Bien sûr, nous serons dotés d'un système de protection."

-" Pensez à m'en garder un." Lança Jacqueline avec un sourire plutôt forcé.

Je félicitais l'équipe de Ryu pour la qualité de son travail, et je sortis satisfait du laboratoire. Les allées de l'Arche étaient vides, parce que chaque pilote se préparait, dans son aérodyne, au basculement à venir. Je restais quelques temps silencieux au milieu de cette structure déserte, et Jacqueline s'assit à même le sol sans mot dire. La voix de l'ordinateur du bord résonna alors sous le dôme de l'arche :

"Arrivée au tunnel de basculement dans 10 U."

Je sortis de ma léthargie, et j'appelais les trois responsables de mission pour un dernier briefing. Les frères Graw, Sfu, et Tuv arrivèrent sur la plate-forme centrale de l'Arche tandis que Ryu apportait les pyramides de stockage de pensées. Nous allions bientôt concentrer entre nos mains tout ce que le pluri-cosmos avait produit de plus avancé. Nous nous installâmes, Jacqueline et moi, dans un des aérodynes fixés sur la paroi de l'Arche. Nous nous trouvions maintenant en géostationnaire à proximité du tunnel de basculement et nous observions sur l'écran de contrôle cet étrange orifice aspirant, au milieu du scintillement brillant des milliards d'étoiles de notre dimension 24. Je lançais un appel vers Graw et son équipe. Une flottille d'une centaine de soucoupes se détacha alors du flanc de l'Arche pour s'aligner en direction du trou noir. Graw nous renvoya un salut amical puis les aérodynes furent engloutis les uns après les autres dans le tourbillon singulier. Ce fut ensuite le tour de Sfu, puis de Tuv et de leurs compagnons. La Terrienne et moi étions maintenant prêts et, avec ceux de notre mission, nous nous décrochâmes.

A l'approche du tunnel, le protocole habituel se mît en route, et nous perdîmes connaissance.

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Re: Le feuilleton de l'été 2009

Messagede kuhing le Sam 25 Juil 2009 09:53


2 épisodes pour le WE , le dénouement approche...


10.1. Retour sur Terre.

-" Insertion dans la dimension 57 réalisée."

La voix de synthèse de l'ordinateur de bord annonçait à notre réveil que le basculement s'était bien passé. Nous arrivions dans la dimension des hommes. Le gel des coques de pilotage fut alors aspiré, nous laissant à nouveau libres de nos mouvements. Je voyais dans la sphère de contrôle la centaine de soucoupes valantes qui nous accompagnait, et Je leur lançais un appel de reconnaissance. Elles se signalèrent sans exception par un clignotement caractéristique - tout allait bien. L'ordinateur précisa notre position. Nous nous trouvions au bord de la galaxie du Sombréro M.104, et il restait un bon chemin à faire Jusqu'au système solaire. Le trajet fut immédiatement calculé et nous atteindrions la planète Terre après deux basculements et 16 U. L'écran de contrôle nous montrait le paysage particulier de la dimension 57, avec ses galaxies en spirales qui s'enroulaient autour de leur centre compact. Devant ce spectacle, Jacqueline se sentait déjà chez elle et parla, dès qu'elle le put, d'envie de manger une "socca" dans le vieux Nice. Je n'eus pas le temps de demander plus de précisions car nous fûmes à nouveau baignés dans le gel des coques de navigation et les humains maîtrisaient mal la télépathie. Le voyage jusqu'à la " Voie lactée " fut bref. Après 4 U., nous émergeames prés de Sirius, une belle étoile de cette galaxie. Après le basculement suivant, l'astre solaire apparut dans notre sphère de contrôle. Je m'assurais de la présence de tous nos compagnons à proximité, et nous pûmes alors naviguer à vue. Nous croisâmes Neptune sous son atmosphère turbulente et ses anneaux de matière. Puis ce fut la planète Uranus et ses quinze satellites alors que Saturne et Jupiter, massives, approchaient. Passée la rougeoyante Mars la fameuse planète bleue se dessinait maintenant plus précisément sur l'écran frontal. Une U. suffit pour atteindre son petit satellite. Nous décidâmes de faire une halte sur la surface accidentée de la Lune et nous nous posâmes sur sa partie invisible depuis la Terre - La technologie humaine n'était pas bien avancée mais mieux valait-il minimiser les risques de repérage. Jacqueline s'approcha d'un hublot latéral et contempla le sol stérile et gris sur lequel nous nous trouvions. Puis, comme Si elle oubliait les distances extraordinaires qu'elle avait parcourues, elle murmura :

-" Si j'avais su que j'irais un jour sur la Lune."

La proximité de la planète Terre la ramenait sans doute aux dimensions de sa civilisation. La centaine de soucoupes volantes habillait maintenant les flancs de ce large cratère poussiéreux qui n'avait pas vu de touristes depuis bien longtemps. Je regardais aussi par un hublot, satisfait de ne pas habiter dans cette région.

-"Pas trop de bars à liqueurs ouverts par ici." Dis-je à la jeune femme et, à son léger sourire en coin, je sus que je commençais à cerner l'humour des Terriens. Heureusement, la nuit commençait à tomber sur la zone européenne de la planète bleue, ou nous comptions arriver le plus discrètement possible - Nous primes le temps de nous restaurer confortablement avant de décoller en direction de ces régions dites méditerranéennes. Les contours de la péninsule de l'Europe se dessinaient sous le voile des fluctuations météorologiques et nous pénétrâmes en douceur dans l'atmosphère terrestre. Après une U., notre flottille d'aérodynes survolait en silence, dans la pénombre, le relief de la région de Digne, une ville de la France du sud. Des témoins, il y en aurait sans doute mais, grâce à notre brouillage radar, les autorités feraient passer l'événement pour une quelconque manifestation météorologique. Jusqu'à présent elles avaient toujours procédé ainsi par prudence ou par orgueil, nous ne le savions pas trop. Nous nous posâmes sur une large colline non loin d'un village nommé " La Javie ". Le système de miroirs inversement réfléchissants, installé sur les parois de nos aérodynes, fondait parfaitement nos engins dans le décor environnant et, à ce camouflage visuel, s'ajoutait une émission radar ajustée sur celle des éléments du coteau Nous étions ainsi parfaitement invisibles aux sens et a la technologie humaine. Seul un promeneur hasardé aurait pu cogner sa tête contre un bord incohérent de ce paysage rocailleux mais, d'après Jacqueline, il ne passait jamais personne ici. Notre mission était cette fois d'importance, et elle ne permettait pas l'erreur faite lors d'un précédent voyage d'étude dans le petit village de Trans-en-Provence, situé non loin de là. Nous débarquions des soucoupes et, avec la centaine de mes frères Drhyz, nous nous mimes en cercle pour un dernier briefing.

-" Le plus simple est d'éclaircir les points encore sombres. Qui veut d'autres précisions ?" Demandais-je.

Un frère qui venait pour la première fois sur cette planète prit la parole :

-" Quels sont les critères de sélection des couples d'humains à ramener ?

-" Tu vas vite les trouver tout seul." Répondit aussitôt un autre qui connaissait déjà la Terre.

Un silence indiqua que tous étaient désormais au point.

-" Rendez-vous chacun avec deux couples d'humains ici-même dans 200 U." Dis-je,

Et notre groupe se disloqua.



10.2 stop




-" Tes amis ont apparemment tous parfaitement tout saisi mais, au risque de paraître stupide, peux-tu me préciser comment on va se rendre dans une ville, en restant inaperçus, alors qu'il est environ deux heures du matin ?" Demanda Jacqueline un peu désabusée.

Sans un mot, je sortis de ma poche une protection crânienne typique, confectionnée dans un tissu bleu-nuit, et je l'enfonçais suffisamment pour recouvrir la moitié de mes pavillons auriculaires. Jacqueline me regarda avec des yeux ahuris avant de s'esclaffer.

-" Mais ou as-tu trouvé ce béret basque ?" Réussit-elle enfin à articuler. Sans répondre, et avec le plus grand sérieux, je sortis de mon autre poche une prothèse oculaire, spécifique aux Terriens, faite d'une armature de plastique noir et de deux lentilles de verre épais. Je la plaçais sur mon nez et pour la Jeune femme, ce fut le coup de grâce - Elle faillit étouffer de rire.

-" Enfiles donc comme moi l'anorak qui se trouve dans la poche abdominale de ta combinaison, dis-je. Les autres frères Dhryz sont déjà' partis, nous n'avons pas de temps à perdre."

La jeune femme se ressaisit. Elle comprenait peu à peu en s'habillant.

-" J'espère que toute l'équipe n'a pas choisi le même déguisement." Lança-t-elIe.

-" Nous sommes peut-être de piètres guerriers, mais nous savons faire la différence entre stratégie et tactique." Répondis-je

Cette réponse parut suffire. Je consultais mon positionneur, une route se situait à moins d'une demi-U de marche. De là, La Javie était toute proche mais j'avais le sentiment que nous n'aurions pas besoin de nous y rendre. Noua dévalâmes le flanc de la colline, et l 'éclairage d'un véhicule de transport qui approchait sur ses boudins pneumatiques confirma mon intuition, J'expliquais brièvement la marche à suivre à Jacqueline et lorsque je sortis d'une autre de ses poches une liasse de tickets monétaires en cours dans cette région, son regard s'alluma.

-" Mais tu as au moins cent mille francs entre les mains," fit-elle hilare.

-" J'ai mieux !" Dis-je.

Je lui montrais alors une minuscule imprimante qui servait à synthétiser ces billets et son visage s'emplit d'une expression située à mi- chemin entre la joie et le soulagement.

Nous nous mîmes en travers de la voie et le camion s'arrêta. La transaction fut brève - Pour une trentaine de ces coupons verts que Jacqueline appelait Curie, le routier nous embarqua pour Nice sans hésiter, et insista lui-même pour nous conduire jusque devant l'immeuble de l'avenue Bourriglionne ou habitait précédemment Jacqueline.

L'homme avait exprimé bruyamment sa joie tout au long du trajet, et il noua remercia longtemps à l'arrivée. Comme les premiers de nos explorateurs l'avaient raconté les tickets monétaires avalent une influence quasi magique sur les humains et nos frères avaient eu la bonne idée d'en ramener quelques échantillons, convaincus qu'ils pourraient servir un jour.

Les premières lueurs du jour apparaissaient nous montâmes l'escalier étroit qui menait à l'ancienne chambre de. Jacqueline. Sur la porte ; une pastille de silicone rouge perforée par une petite ficelle attira mon attention. Je pensais à une quelconque symbolique rituelle dont Je savais les hommes friands, mais la Jeune femme précisa, sans paraître étonnée :

-" Ce sont des scellés, la police enquête."

Cela ne nous empêcha pas d'ouvrir ta porte. La pièce semblait telle que nous l'avions laissée. Une seule chose laissait un vide dans son souvenir : le tableau de la Vierge à l'enfant.

-" Cela me parait étrange de me retrouver ici, Je me demande bien ce qui s'est passé depuis mon départ." Dit Jacqueline en regardant le chevalet vide.

La femme tourna un peu dans la pièce fouillant et déplaçant les affaires qui lui étaient familières. Elle caressait les, poil de ses pinceaux comme si elle entretenait un rapport charnel avec eux, puis elle les abandonna pour tourner le potentiomètre d'un petit récepteur d'ondes radios. Un flot continu de vibrations musicales s'en échappa. Elle modifia la fréquence jusqu'à ce qu'une voix annonce :

-" vous écoutez Info-plus, la radio d'informations continues, il est six heures du matin nous sommes le mardi s novembre l99l."

La jeune femme écarquilla les yeux et me regarda d'un air ébahi

-" As-tu entendu ce qu'il vient de dire ?" Demanda-t-elle.

-" Rien ne m'a frappé en particulier" Répondis-je.

-" La date, Kuhing, elle est de six mois antérieure à celle de mon départ de la Terre !"

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Re: Le feuilleton de l'été 2009

Messagede kuhing le Lun 27 Juil 2009 07:57

10.3 Gourmette.

Le journaliste radiophonique poursuivit :

-" Nouvelle vague d'ovnis sur la France ; de nombreux témoignages concernant l'entrée dans l'atmosphère de mystérieuses taches lumineuses, dont certaines formaient un triangle très net dans le ciel, ont été rapportés partout en France. Cela se passait hier soir aux alentours de vingt trois heures. Mais que les rêveurs redescendent sur terre, d'ores et déjà, des scientifiques avancent l'hypothèse de la désintégration des restes de I 'étage d'une fusée russe captée par la gravitation terrestre."

Jacqueline me lança un regard complice, et je ne pus m'empêcher d'esquisser un sourire de satisfaction.

-"Nous pourrons opérer plus tranquillement." Dis-je en coupant la radio.

Cette question de date restait cependant une préoccupation. Notre voyage à vitesse pro luminique devait certes réduire l'écoulement du temps, mais an aucun cas en inverser la flèche - il n'était donc pas concevable de revenir sur verre avant même d'en être parti. Les scellés sur la porte participaient également du mystère et témoignaient de l'altération que les événements avaient subie dans leur déroulement. Dieu brouillait-il encore les cartes? Cette enquête policière nous obligeait en tous cas à quitter les lieux rapidement. La jeune mère s'assit en se tenant le ventre Elle exprima son désir de se reposer. Elle dépassait la moitié du temps de sa grossesse et sa demande était bien légitime.

Je proposais de la conduire dans un hôtel et de continuer mon travail seul.

Dehors le jour s'était levé, et la rue retrouvait son animation quotidienne. En taxi, je déposais Jacqueline devant l'hôtel Négresco. Là, il était possible de trouver une chambre litre à n'importe quelle heure.

Je lui donnais une liasse de Curie qui se trouvait dans ma poche, et l'assurais du revenir la chercher une fois ma mission accomplie.

Dénicher cinq couples d'humains possédant une bonne résistance physique et mentale, acceptant de surcroît de m'accompagner de leur plein grès et en toute connaissance de cause ne serait pas une mince affaire Je ne disposais pas d'une éternité pour les convaincre : il me fallait donc intégrer un milieu où se regroupaient des hommes à l'esprit plus ouvert. J'imitais de mon mieux la tessiture de la voix humaine, et je tentais de questionner le chauffeur du taxi avec lequel J'étais resté.

Il ne connaissait pas d'armée de l'unification et, à priori ni le Pape, ni le Dalaï-lama n'étaient venus à Nice à l'occasion d'un quelconque événement religieux. il appuya ses dires par une déclaration qui ne laissait la place a aucun doute :

"Oh pauvre, si le Pape il était venu du Vatican sur la promenade des Anglais, croyez bien que je le saurais. Fan, c'est que ça se déplace pas comme ça ce monde-là. Maintenant, pour Serge Lama, je peux pas trop vous dire. Par contre, Charles Aznavour. Je suis allé le voir à l'Acropolis avec ma femme le mois dernier. Ah ! , il chante bien, on n'a pas regretté nos quatre cents cinquante balles."

J'étais satisfait de constater que les hommes étaient toujours aussi bavards dans cette région. Je persévérais donc dans son interrogatoire, et j'appris vite qu'il existait un endroit, prés d'un village nommé Tourettes-sur-Loup où des fadas se réunissaient pour discuter d'histoires bizarres comme de la médecine avec des herbes, et même des extra-terrestres,

-" C'est sur les hauteurs, dans l'arrière-pays, précisa t il. On l ' appelle "Le domaine de la Gourmette" et croyez-moi que c'est une affaire qui marche ; à croire que les gens aiment jeter leur argent par les fenètres.

Je laissais là ce brave homme sur de son bon sens et, pour ne pas éveiller de soupçons, je pris un autre taxi, direction "le domaine de la Gourmette.

Mon nouveau chauffeur était cette fois beaucoup moins prolixe ; Un importé sans doute.

Il tourna sans un mot la manette de son compteur et monta le son de L'autoradio. Je n'insistais pas et

regardais le paysage qui, au sortir de la ville, gagnait en charme et en beauté.

Une chanson attira mon attention Elle réveilla en moi des impressions étranges qui s'apparentaient à un sentiment de malaise intérieur. Je tâchais d'analyser ce phénomène mais en vain.

La chanson e se termina et l'annonceur dit :

" Les nostalgiques auront apprécié la rediffusion du grand succès d'Alain Barrière " Je ne suis qu'un homme."

-" Ca nous rappelle notre jeunesse." Fit le chauffeur qui avait senti que quelque chose se produisait.

Nous passâmes un petit village nommé "Pont du Loup" et la voiture s'engagea sur une route à pente abrupte que rien n'annonçait.

Le paysage se dégagea peu à peu, et nous dominions maintenant une belle vallée de Provence.

Au bout du chemin, apparut enfin une large bâtisse calme entourée de verdure - " le domaine de la Gourmette".


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Re: Le feuilleton de l'été 2009

Messagede Polack le Lun 27 Juil 2009 12:30

Kuhing chez les raéliens ? :lol:
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Re: Le feuilleton de l'été 2009

Messagede kuhing le Mar 28 Juil 2009 07:58

Avant dernier épisode

10.4 Rebirth.

Je descendis du taxi. Les nombreux véhicules garés témoignaient de la grande activité de ce centre, Une pancarte de bienvenue accueillait agréablement les visiteurs, tandis qu'une autre indiquait un bureau de réception et de renseignements. J'en pris la direction. Je trouvais là un petit homme chauve aux yeux malicieux et au ventre rebondi. Il me salua poliment, se présenta comme étant Maurice Letuve, et demanda ce qu'il pouvait faire pour moi.

-" J'aimerais avoir des renseignements sur les activités du domaine de la Gourmette." Dis-je,

Il me tendis une petite brochure qui se trouvait sur sa table et répondit :

- " Vous trouverez là l'ensemble des stages et conférences prévues pour cette année. Un hébergement en pension complète est possible sur place, et la cuisine est préparée à base de produits issus de l'agriculture biologique."

Je feuilletais le livret, et je déchiffrais des termes comme " Chromo-kinèse"," Phosphénisme ", " Reiki" ou encore "Psycho-cybernétique essénienne".

Je tâchais de me remémorer les éléments rapportés de la culture des hommes mais ces qualificatifs n'évoquaient rien pour moi. Le petit homme vint à mon aide.

-" Nous avons un stage de " Rebirth " qui commence en tout début d'après-midi. Le conférencier y associe une technique d'hypnose profonde, J'en ai entendu dire beaucoup de bien. Si vous êtes intéressé, Il reste encore des places disponibles. Et ça ne coûte que 2000 francs " Interjeta-t-il.

L'opportunité ne pouvait pas mieux tomber, même si je ne savais pas de quoi il s'agissait.

-" C'est justement une discipline qui me passionne ; quelle merveilleuse coïncidence, dis-je, je désire m'y inscrire bien sur."

Je remplis quelques formalités et, déclinant une invitation pour le repas, je fus conduit devant une salle où quelques personnes attendaient déjà. Une jeune femme s'approcha de moi et me tendit la main :

-" Bonjour, je m'appelle Jennifer Mac-Graw Vous attendez le stage de rebirth ? " Demanda-t-elle avec un beau sourire. Elle était petite et jolie, et son regard me semblait familier. Sans savoir pourquoi, j 'ôtais mes épaisses lunettes à monture de plastique noir, et elle ne parut pas surprise de découvrir mes yeux pourtant hors de son commun.

Je répondis à son salut on saisissant la main qu'elle me tendait et je lui dis:

-" C'est la première fois que J'assiste à ce genre de séminaire vous aussi ?"

Elle leva les sourcils, et son visage prit une expression particulière qui indiquait que je n'avais pas affaire à une novice en la matière. Elle le précisa fièrement elle-même : elle se passionnait pour cette discipline depuis plusieurs années. Il s'agissait de se remémorer l'instant de sa naissance afin d'en évacuer tous les traumatismes, En ce qui la concernait, cette technique lui permettait d'atteindre des degrés de sérénité de plus on plus élevés. Elle me parla aussi d'autres expériences dans cette médecine holistique qui, selon elle, allait bientôt palier aux désastres de l'allopathie.

-" L'ère du poisson est finie, dit-elle. Les vibrations cosmiques que nous apporte l'ère du Verseau vont ouvrir à nouveau les douze sens que l'homme possède. Nous allons enfin comprendre que le monde matériel que nous croyons percevoir ne constitue qu'une infime parcelle de l' Unité Totale, du grand Tout. Nous saisirons pleinement le message laissé dans les pyramides égyptiennes et les sûtras tibétains. Hermès Trimégiste revient fêter sa victoire. Il nous indiquera la vraie valeur du nombre d'or et le sens du grand Projet cosmique

La jeune femme se tut comme 51 tout était dit puis elle s'éloigna de moi. Son discours m'avait surpris parce qu'il s'apparentait de près ou de loin à la raison qui m'amenait ici. A cela, s'ajoutait une impression bizarre de déjà-vu et même de déjà-su. D'autres personnes arrivaient maintenant devant la salle, et celui qui paraissait être un organisateur en ouvrit la porte. Une fois de plus, une surprise m'attendait: sur un des murs. Couvrant toute sa surface, une représentation de ce bleu que je connaissais, donnait à la pièce un reflet mystique. Trois empreintes de corps féminins s'imprimaient en blanc sur ce fond d'I.B.K.; en bas, à droite, la signature du peintre confirmait l'authenticité de l'œuvre : Yves Klein - I958. La même impression de confusion que j 'avais ressentie lors de mon voyage virtuel dans l'Arche remonta en moi. Comme pour la cacher, je remis mes lunettes, et je m'assis en tailleur comme les autres. Nous formions un cercle de nos corps, et j'entendis alors derrière une cette voix que je connaissais.


à suivre
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Re: Le feuilleton de l'été 2009

Messagede kuhing le Mer 29 Juil 2009 08:12

Dernier épisode

10.5 Retour à l'envoyeur 2


Je me sentis tout d'un coup secoué violemment. J'entrouvrais les yeux, et l'ombre de plusieurs silhouettes se découpèrent sur le plafond. Aux bribes de phrases que je saisissais, quelque chose de grave était en train de se passer.

Et puis les visages se firent plus nets jusqu'à ce que je commence à mieux les distinguer. Une voix lança : :

- Il revient à lui."

Maintenant. Je reconnaissais parfaitement l'homme qui m'avait saisi par les aisselles pour m'asseoir contre le mur. Oui il s'agissait bien de Jean-Charles Magellan, le célèbre praticien de rebirth hypnotique avec qui j 'étais venu faire ce stage. Lui qui, au début du séminaire, affichait tant d'assurance, semblait bien décontenancé.

A ses côtés, le visage de Maurice Letuve était blême, et il me regardait avec ses petits yeux ronds inquiets. Je bougeais mes membres engourdis et secouais la tète comme pour remettre mes idées en place.

-" Comment allez-vous, monsieur Hughien-Leroy ? " Demanda le maître de cérémonie.

J'esquissais un acquiescement qui parut rassurer tout le monde. Jennifer Mc Graw, dont la tête apparaissait derrière l'épaule de Letuve me dit dans un soupir de soulagement :

-" Je vous avais prévenu qu'il s'agissait d'une expérience très forte."

-" Certes, certes" Balbutiais-je en me massant le front.

Tous les éléments de ma vie me revinrent alors en tête ainsi que leurs corrélations avec le " rêve dont je sortais : l'histoire de ma mère Jacqueline, artiste - peintre, dont les plus belles toiles ornaient la plupart des suites de l'hôtel Négresco. Mon père, Jean-Pierre, qui avait bien été fonctionnaire mais dans la police. Il avait été abattu à Paris, au cœur du quartier Pigalle, en face du bureau de poste, lors d'une enquête dans une affaire restée célèbre dans les annales judiciaires. Moi-même, Karl Hughien-Leroy, ingénieur en mécanique des fluides, grand amateur de sciences dites parallèles , qui avait atterri là, dans ce stage de thérapie naturelle.

Jean-charles Magellan retrouvait peu à peu sa belle assurance alors que trois stagiaires m'aidaient à me relever.

-" Dites donc, vous avez été particulièrement réceptif à la séance. Certains stagiaires se sont presque inquiétés. Heureusement qu'en ce qui me concerne, j'ai l'habitude de ce genre d'incidents. J'espère que cela aura au moins produit l'effet recherché." Dit-il d'une voix encore incertaine.

-" Le fait est que je me sens plus léger." Répondis-je pour avoir la paix.

Je pris mon béret et mon anorak du portemanteau, et je sortis de la salle sous les regards interloqués des membres du groupe. Dans la cour, le soir commençait à tomber. Je secouais la tète en souriant. Je n'étais donc qu'un homme, " Rien qu'un homme ", comme disait la chanson, et je ne retrouverais pas les commandes de ce bel aérodyne dont j'avais pourtant un souvenir si précis. Les rires des enfants qui couraient dans l'herbe me firent presque oublier ma déception.

Instinctivement, Je levais les yeux vers ces nuages blancs aux formes multiples. Cinq oiseaux au plumage vert et blanc passèrent dans le ciel.

Fin .
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Re: Le feuilleton de l'été 2009

Messagede Polack le Mer 29 Juil 2009 11:44

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Re: Le feuilleton de l'été 2009

Messagede kuhing le Mer 29 Juil 2009 13:38

Merci.
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Re: Le feuilleton de l'été 2009

Messagede Lepauvre le Mer 29 Juil 2009 20:50

Ah, enfin je pourrais commencer à lire...
désolé c'est un tic qui m'oblige de commencer toujours par la fin.
...et à plus, je vous aime.
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