Le feuilleton de l'été 2009

Le feuilleton de l'été 2009

Messagede kuhing le Dim 14 Juin 2009 11:09

Parce que c'est vous voici, en feuilleton, un petit roman que j'ai écrit en 1992 . C'est moi qui joue dedans 8-)
ça s'appelle "Big Bang"

1.1 Le Départ


Le verdict était prononcé : "Expulsé de la dimension 24 pour séjour irréversible dans un feuillet d'univers non encore exprimé".

En clair, le grand Magellan et son conseil m'envoyaient dans le néant, le vide total, le grand Rien.

La sentence ajoutait :

"Kuhing doit prouver qu'il est capable de recréer l'œuvre de Dieu comme il le sous-entend. S'il y parvient, il pourra revenir nous le dire par ses propres moyens dans notre feuillet d'univers d'angulation 24"

Je fus éconduit du palais du conseil par deux frères en formation de sagesse. Dehors, la clarté était toujours la même, La vie allait calmement et nous nous installâmes dans une bouée de transport pour rejoindre la vallée bleue. Le voyage fut bref, à peine deux unités pour survoler notre grande ville de Ghya et atteindre la base spatiale supra-galactique.

La bouée se posa près du site de départ. Les deux frères échangèrent un court regard qui exprimait leur peine de me voir partir puis me confièrent à l'équipe des ingénieurs navigants supra-G. Je fus installé sans un bruit, seul, dans le caisson lenticulaire à propulsion Magnéto-Hydro-Dynamique. Je regardais une fois encore à travers le hublot la vallée bleue qui s'étendait à perte de vue sans même plus porter attention aux Drhyz qui s'affairaient alentour. Après tout, je ne leur en voulais pas. Ils ne faisaient qu'appliquer la décision du conseil supérieur. Je dis adieu à la belle planète sur laquelle j'avais vécu, aux étoiles rouge-pâle qui nous chauffaient doucement, à la dimension 24 qui n'avait vu grandir.

Je n'eus pas plus de temps pour y penser. Le vaisseau télécommandé décolla sans secousse et deux unités plus tard, Drhyz 08 n'était déjà plus qu'une petite balle grise qui s'éloignait jusqu'à disparaître. Je passais bientôt sur l'axe de Wolf, l'étoile la plus proche, puis je vis Loan pointer à travers un hublot latéral de ce que les terriens appellent une "soucoupe volante". Ce n'était certes pas mon premier voyage supra-galactique mais, cette fois-ci, le retour n'était pas assuré. Je concentrais mon attention sur cette traînée d'étoiles brillantes vers laquelle mon aérodyne filait silencieusement. Ensuite était I 'inconnu.

En moins de sept unités je parcourus 29 années-lumière. J'avais pour cela déjà changé 2 fois de feuillets d'univers. Les ingénieurs auraient pu programmer le vaisseau pour m'exclure de la dimension 24 au premier basculement, mais le conseil préférait que je sorte d'abord de la galaxie Ixa, pour être bien sur. J'étais parti pour un voyage de 42 unités avant le renversement définitif ; cela me laissait le temps de penser à mon histoire. Je repassais dans ma tête la théorie et les calculs qui m'amenaient à la possibilité de recréer ce que Dieu seul avait pu réaliser : un big-bang avec la naissance d'un nouvel univers.

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Re: Le feuilleton de l'été 2009

Messagede willio le Dim 14 Juin 2009 11:33

La suite, la suite !!

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Re: Le feuilleton de l'été 2009

Messagede kuhing le Dim 14 Juin 2009 11:39

willio a écrit:La suite, la suite !!
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J'avais prévu un chapitre par jour mais devant tant d'insistance j'envoie le deuxième.
Mais la suite ce sera demain seulement !


1.2 Mon histoire sur Drhyz.


J'étais né voilà 33 N.U. sur la planète 08 du réseau Dhryz. Cela signifiait que j'avais consommé le quart de ma vie J'avais choisi un travail "abstrait". Mon père faisait partie de l'équipe de recherche du comité scientifique du grand Magellan, et c'est sans doute ce qui m'avait donné le goût du fondamental. Contrairement aux terriens, je n'eus qu'un seul parent. Il mourut 0,6 M.U. avant le début de cette aventure.

Les Drhyz n'utilisaient plus la sexualité pour se reproduire. Après une étape transitoire de type parthénogenèse, un pseudo-hermaphrodisme avait été transmis par manipulation génétique. Une dégénérescence des gamètes femelles avait menacé notre espèce d'extinction au début des temps téta2, et il avait fallu programmer la procréation. Pour garder une différenciation individuelle, une variation des codes s'opérait selon une technique de combinaison aléatoire de l'ADN des deux cellules mères - Les principes généraux de la vie organique demeurent en effet constants dans tous les angles cosmiques. Notre génie génétique avait sélectionné un clonage quasi-parfait, et chaque Drhyz se situait an même niveau que le Grand Magellan. Notre Grand Magellan restait cependant choisi par tradition dans la même lignée de descendance. Il servait de décideur suprême pour la population lorsque l'ordinateur central ne pouvait plus donner un avis.

Notre société Drhyz était de type égalitaire mais sans les désavantages des expériences connues par les Terriens ou les Vossiens dans leurs civilisations respectives. L'évolution vers un tel type de structure nécessitait une très longue maturation lorsque les événements se déroulaient naturellement. Nous appelions notre système social "société en bouquets ", parce que son fonctionnement schématiquement représenté, rappelait un assortiment de fleurs coupées connues de certains d'entre vous, et que nous aimions aussi dans notre réseau Drhyz. Son principe était élémentaire nais nous savions ici à quel point la simplicité est difficile à atteindre.

Je l'ai dit, les Drhyz jouissaient d'un niveau de compétence et de responsabilité sensiblement égal, chacun pouvait tout faire. Les centres d'intérêts et les affinités personnelles n'étaient cependant pas identiques tout au moins au même moment. L'ordinateur organisait les volontés individuelles en tenant compte de la bonne marche de la collectivité. Ce principe de fonctionnement atteignait une certaine perfection puisque, depuis son adoption par le conseil du grand Magellan Mu, la population, stabilisée à 30 milliards de Drhyz et répartie sur une centaine de planètes de notre système astral, ne connaissait plus de conflits sociaux. D'un point de vue économique, ce que des terriens appellent " plus- value " dans leurs sociétés primitives n'existait pas. L'ensemble de la richesse produite se répartissait selon un principe d'ailleurs retrouvé par le terrien Engels : " A chacun ses besoins, à chacun ses moyens ". Les moyens étant sensiblement homogènes, les besoins stabilisés étaient satisfaits à 100,02 % pour éviter toute pollution inutile. La capacité de production réelle correspondait à environ trente mille fois celle du nécessaire, forces productives à rendement maximal. Un Drhyz travaillait ainsi un vingtième de son temps disponible pour la collectivité, que ce soit à la production agricole, industrielle, culturelle ou scientifique - de quoi faire méditer les terriens Marx ou Taylor, ou encore le Vossien XIGA.

Notre espèce Drhyz avait donc résolu bien des problèmes au cours de son évolution. Il en restait cependant un qui perturbait sa sérénité : Dieu et sa problématique. Cette question qui avait amené à la destruction de toute la civilisation "Atlanta" dans une proche galaxie avait chez nous, provoqué le suicide de plus d'un milliard de Drhyz durant les temps téta3. Depuis, le conseil du Grand Magellan optait pour une sage fermeté. La position officielle, installée dans la mémoire de l'ordinateur central, se résumait ainsi :

" Dieu a créé tous les feuillets d'univers connus ou à découvrir. Il demeure cependant possible pour tout Drhyz d'avancer une théorie contradictoire à condition que l'impétrant s'engage à la démontrer par des faits palpables dans la réalité de la dimension d'univers de notre angulation 24."

J'aurais pu continuer à me taire. Je choisis pourtant de proposer ma théorie du feuillet synthétique à la collectivité, et l'ordinateur central inscrivit ces mots terribles.

" Problématique de Dieu, Impossible d'analyser les éléments présentés."

Alors commencèrent les interminables convocations, séances et délibérations du conseil du Grand Magellan, qui aboutirent à mon expulsion de notre galaxie et de la dimension 24.


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Re: Le feuilleton de l'été 2009

Messagede denis le Dim 14 Juin 2009 18:23

Excellent, génial, surtout le fait d'imaginer une société libertaire dans le future, Bravo Kuhing !

Je me permets d'illuster ton superbe feuilleton par une image saisissante de la galaxie Ixa (M31)

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Re: Le feuilleton de l'été 2009

Messagede conan le Dim 14 Juin 2009 20:36

Kuhing bravo ! Bientôt édité dans la collection "Nos futurs" des Editions libertaires ? :)
(Carnus, si tu aimes la sf philosophico-libertaire, je te conseille vivement la lecture de François Dibot !)
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Re: Le feuilleton de l'été 2009

Messagede kuhing le Lun 15 Juin 2009 07:01

conan a écrit:Kuhing bravo ! Bientôt édité dans la collection "Nos futurs" des Editions libertaires ? :)

Merci. Je suis effectivement + de la tendance "nos" que "no"
la suite :


1.3 Arrivée à la frontière


Arrimé sur le siège de la cabine de navigation de mon vaisseau spatial, je regardais défiler l'espace en vision directe, les récentes découvertes concernant le traitement en structures cristallines des métaux lourds permettaient une parfaite transparence de la partie supérieure du caisson. La loge qui m'enfermait contenait une substance minérale opalescente dans laquelle je baignais. Lorsque l'accélération devenait trop forte pour ma résistance cellulaire, cette gélatine se solidifiait et immobilisait ma combinaison spatiale. Grâce à cette technique, les premiers vols pro-luminiques habités devinrent possibles et nous pûmes explorer les galaxies pour découvrir les nombreuses espèces vivantes qui peuplent les univers.

Des soleils carmins et des astéroïdes gris se succédaient à grande vitesse à travers le dôme de mon vaisseau. L'ordinateur de bord calculait en permanence la trajectoire en fonction des obstacles se présentant sur notre chemin et, je surveillais les signaux de route représentés en hologrammes dans la sphère de contrôle. Un réacteur à fusion nucléaire propulsait la machine à une vitesse de 30 Dr/unité, mais le gros de la distance se parcourait par renversement dans un autre feuillet d'angulation d'univers. Temps ws6, l'ordinateur annonça ce prochain basculement. La représentation immédiate de la position de l'aérodyne s'inscrivit dans la sphère de contrôle. Je visualisais l'étoile FP 6Zl par un hublot à ma droite ainsi que son système planétaire que je traversais ; un clignotement bleu au bord de la sphère signala l'entrée du tunnel de basculement que les terriens appellent "trou noir". Celui-ci était particulièrement étroit puisque de la taille de trois de nos soucoupes. La nef prit alors une accélération supérieure pour amortir le choc de pénétration. Je fus encore immobilisé dans le gel solidifié de la coque de pilotage pendant que les planètes défilaient au-dessus de moi à une allure folle, laissant une pluie de brefs éclairs argentés. Le petit signal sonore m 'avertit que j'approchais du tunnel à vitesse maximale, le basculement était imminent. Le mouvement de la tramée d'éclairs ralentit, se stabilisa puis s'inversa, et je pus observer le flot des particules s'engouffrer avec moi dans le trou noir. Puis comme cela se produisait chaque fois, j'eus cette sensation de décorporation suivie du malaise indicible qui vint s'immiscer au plus profond de mon être. Mes ondes cérébrales furent alors stockées en attente pour éviter tout risque d'absorption. Ce sont là les derniers souvenirs que l'on pouvait avoir lors d'un basculement ; la mémoire se gelait, et les structures organiques se cristallisaient par cryogénie ondulatoire jusqu'à l'arrivée dans I 'autre, dimension. Toute la puissance énergétique de la soucoupe se mobilisait alors pour créer un champ magnétique d'isolement contre les forces considérables du trou noir.

Je repris conscience dans le feuillet d'univers 26, comme l'indiquait l'ordinateur de contrôle. Cette angulation était très semblable à la mienne parce qu'elle provenait d'une ère de formation homothétique. Galaxies discoïdes, étoiles en binômes, je me serais cru chez moi si les distances linéaires n'avaient pas été si contractées. Ma soucoupe volante cibla le tunnel de basculement 95463/126 qui me permettrait d'émerger en F24, à mi-chemin de la frontière d'Ixa. Le trajet ne dura pas plus d'une unité. Le trou noir, voie de passage entre les différents univers, m'avait permis de réaliser un bond que les terriens estiment à 370 années-lumière. Je devais maintenant parcourir un long trajet à vitesse sous-luminique, cette région d'Ixa ne présentant pas de tunnel. L'ordinateur de bord le rappela en indiquant " prochain basculement : 15 U ".

J'étais à nouveau libre de mes mouvements, et j'en profitais pour détendre mes membres engourdis. J'ai en effet des membres, des doigts et une tête comme les Vossiens et les Abliens ou même les Terriens. La forme humanoïde représente la structure vivante la plus avancée que le pluri-cosmos peut engendrer dans ses différents hologrammes vitrifiés. Je suis morphologiquement conçu dans ce moule, mon coefficient masse cérébrale/poids total est, à titre indicatif 1,07 fois supérieur à celui des terriens et, même si mon système pileux est atrophié - mes lointains ancêtres en étaient pourvus - je passerais presque inaperçu dans les rues de Paris.


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Re: Le feuilleton de l'été 2009

Messagede willio le Lun 15 Juin 2009 18:40

J'avoue que là je suis scientifiquement largué par les Drhyz. :lol:

L'histoire de la gélatine qui se solidifie pour ne pas ressentir l'accélération (ou un truc dans le genre si j'ai bien compris) me parait louche... enfin ceci dit pas plus louche que les ondes cérébrales "stockées" ou le champ magnétique d'isolement lors d'un passage d'un feuillet à l'autre via un trou noir... :confus:
Ils sont fous ces Drhyz ! :lool:
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Re: Le feuilleton de l'été 2009

Messagede kuhing le Lun 15 Juin 2009 18:52

willio a écrit:L'histoire de la gélatine qui se solidifie pour ne pas ressentir l'accélération (ou un truc dans le genre si j'ai bien compris) me parait louche... enfin ceci dit pas plus louche que les ondes cérébrales "stockées" ou le champ magnétique d'isolement lors d'un passage d'un feuillet à l'autre via un trou noir... :confus:

Et pourtant ça marche ! Tu verras que Kuhing va se sortir à peine diminué de ce passage par le trou noir.
Fous ces Drhyz ? oui peut-être.
Mais pas cons 8-)
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Re: Le feuilleton de l'été 2009

Messagede willio le Lun 15 Juin 2009 19:17

Hum... tant mieux si Kuhing s'en sort, mais faudrait quand même qu'un jour ils nous fassent un cours de physique tes Drhyz, équations à l'appui, sinon ils vont vite passer pour des charlatans ! :religion:
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Re: Le feuilleton de l'été 2009

Messagede denis le Lun 15 Juin 2009 19:43

Excellent, je suis suspendu au fil de l'histoire comme l'araignée en train de tisser sa toile sous le soleil du printemps provençal.

Et un trou noir, un :

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arf!
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Re: Le feuilleton de l'été 2009

Messagede kuhing le Mar 16 Juin 2009 06:55

La suite:

1.4 Dernier basculement


Cela faisait 38 U. que j'avais quitté Drhyz 08, mais Il me semblait avoir vécu une éternité de solitude. L'aérodyne poursuivait, lui, sa route sans état d'âme et le voyage allait arriver à son terme. L'ordinateur signala ma position dans la sphère de contrôle et le bip annonçait déjà ce tunnel d'où je ne devrais peut-être pas revenir. Un doute m'envahit soudain : je revoyais bien toute ma théorie du "feuillet synthétique" mais les équations se mélangeaient dans ma tête. Pourquoi avais-je osé affronter le Grand Créateur ? Pour cela, il me réduirait peut-être à néant dans moins de quatre unités.
L'entrée du tunnel approchait, et l'accélération du vaisseau m'immobilisa dans le gel. Tout se passa exactement comme pour les basculements précédents à la seule différence que l'ordinateur inscrivit :

" Système de stockage cérébral déconnecté I Angulation d'émergence Inconnue."

J'allais bientôt assister en direct à ce qu'aucun être matériellement vivant n'avait rapporté. Le sens de la pluie d'éclairs, attirée par le grand aspirateur, s'immobilisa à nouveau et prit la même direction que mon vaisseau. Je vis pour la première fois le champ magnétique entourer la soucoupe avec une telle puissance que les franges ondulatoires formées de particules de matière expulsée, donnaient au dôme transparent une étrange chevelure lumineuse. L'instant suivant, je franchissais le seuil du tunnel.

Je ne ressentis pas le malaise de décorporation, et je vivais encore. Le gel de la coque de pilotage se liquéfia puis fut instantanément aspiré dans ses conduits. J'en déduis l'arrêt du vaisseau. J'avais maintenant l'impression de reposer sur une matière stable mais le champ magnétique isolant m'empêchait de distinguer quoi que ce soit par le dôme ou les hublots latéraux. L'ordinateur du bord indiqua :

" Immobilisation : Zone indéterminé./ Température hors-champ : indéterminée. / Temps chronologique : : Indéterminé. / Pressurisation caisson : Normale / Gaz intérieur caisson : Normal. "

Je déconnectais le harnais de sécurité magnétique qui collait ma combinaison spatiale au siège, l'apesanteur artificielle permit de me lever. Enfin, je pus me débarrasser du casque transparent moulant les formes de mon visage et faire quelques pas dans la salle de navigation. Tout était étrangement calme, malgré, cette lumière intense que le champ magnétique projetait à l'extérieur. La première étape était franchie puisque j'étais resté vivant et conscient à l'intérieur même de ce mystérieux trou noir. Je devais cependant aller vite : La coque magnétique qui me protégeait ne serait plus alimentée dans 2 U. ; après je serais désintégré. Sans plus attendre, je saisis le petit conteneur où devaient se trouver les instruments que le conseil supérieur du Grand Magellan m'avait accordés pour l'expérimentation de ma théorie sur les feuillets synthétiques : un petit canon à nano-ondes pulsées, un réflecteur â fusion mésonique, et un simple prisme en nitronium stabilisé. Je l'ouvris.

Je dus me rendre à l'évidence de ce qui se présentait devant mes yeux ébahis : la boite était parfaitement vide, aucun de ces outils ne se trouvait là. J'étais stupéfait : le conseil du Grand Magellan avait failli à son engagement ; jamais un document n'avait rapporté un tel fait dans l'histoire de la civilisation Drhyz.

Ils avaient choisi de se débarrasser de moi, au prix de la violation du principe sacré de la parole donnée.

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Re: Le feuilleton de l'été 2009

Messagede kuhing le Mer 17 Juin 2009 08:43

2.1 Rencontre avec les Dieux

Il ne me restait qu'une unité de temps pour trouver la solution qui sauverait ma petite vie organique ; sans sa gaine magnétique, mon vaisseau serait réduit à néant instantanément. J'essayais de maîtriser ma peur, je m'assis devant la sphère de contrôle où ne s'inscrivait plus que le compte à rebours de l'extinction du champ qui me protégeait. Je mis les deux mains sur mon visage et je fermais les yeux en pensant encore à mon encombrante hypothèse. Ma théorie consistait à focaliser un faisceau d'énergie d'un trou noir, au moyen d'un réflecteur à fusion mésonique. Il me suffirait de le placer dans un petit caisson télécommandé et d'y associer un flot de nano-ondes pulsées. Alors, l'angulation du Big-bang créé par la fabuleuse énergie concentrée, devait être orientée, juste avant l'explosion, à travers un prisme de nitronium. Tout cela était finalement assez simple.

Les équations se succédaient à grande vitesse dans ma tête. J'y avais travaillé avec un tel acharnement que tout était mémorisé. Les gros calculs concernant la décompression spatio-temporelle avaient occupé presque 5 M.U. de ma vie. Ils défilaient pourtant avec une régularité qui finit par m'étonner.

Soudain, je vis mon père assis dans son laboratoire de recherche puis son image se mêla à celle du palais du conseil du Grand Magellan. L'instant suivant, la sphère de contrôle indiqua : " Extinction du champ -0,2 U."- Je n'avais cependant pas retiré les mains qui cachaient mes yeux.

Des visions se succédaient maintenant avec une vitesse croissante, et je percevais la planète Drhyz O8 à la fois dans sa globalité et dans le détail de tous ses reliefs, de ses mers, de ses villes, et même de chacune de ses habitations.

L'image s'élargit l'instant suivant à l'ensemble du système astral Drhyz avec nos deux soleils WOLF et LOAN que j'avais croisés quelques unités auparavant. Je percevais dans une intégralité spatiale et temporelle ces structures cosmiques qui s'élargissaient de plus en plus. Pourtant, je gardais la conscience de moi-même et je compris alors ce qui m'arrivait.

J'ouvris les yeux, Le vaisseau spatial avait disparu et je me trouvais en suspension dans un vide absolu. Seule la faible lueur que mon corps irradiait, me permit d'apprécier le noir complet qui m'entourait. Le silence était si profond qu'il me semblait pouvoir le toucher. Aucune angoisse ne me troublait cependant, j'étais plutôt envahi par un sentiment que je vivais pour la première fois : une complète certitude. Je regardais ma main et j'eus la confirmation de ce que j'avais compris : elle était devenue un reflet virtuel, un hologramme simplifié. Je l'approchais de mes yeux, et je pus distinguer à travers la peau, les structures osseuses, et mon sang circuler dans les veinules. Je pris ma main dans l'autre, mon corps avait perdu toute consistance matérielle. Ces observations validaient ma théorie du feuillet synthétique qui ne nécessitait plus d'outil pour l'expérimenter : sa simple formulation mentale avait permis d'accorder mes ondes cérébrales en phase avec la vibration essentielle du Grand Architecte. Je me trouvais dans l'antichambre de la demeure du Créateur qui projetait l'image vivante que je voyais de moi. Je levais les yeux et je me mis à regarder droit devant ; je savais que la porte ne tarderait pas à s'ouvrir. L'image d'un Vossien prit alors forme à ma droite, je reconnus Alia représenté sur les temples de la planète Vos, dans la dimension 56. Puis ce fut le Terrien Jésus dont le corps sortit du néant avec ses yeux qui me souriaient. Enfin CATEWOS de la planète Crya et l'Ablien Héxié se formèrent à mon coté gauche. Les quatre fils-achevés de Dieu, engendrés par le pluri-cosmos, m'entouraient d'une présence diaphane puis, je sentis mes ondes cérébrales se mélanger aux leurs. Alors, tout s'éclaira d'une lumière douce mais intense. Comme si je dominais la scène, je perçus nos cinq corps former un cercle. En son centre, le point d'où irradiait la lumière capta nos attentions. J'étais en présence de la source d'émergence de tous les feuillets d'univers, certaines civilisations l'appellent " Dieu ".

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Messagede denis le Mer 17 Juin 2009 20:25

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arf !
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Re: Le feuilleton de l'été 2009

Messagede kuhing le Jeu 18 Juin 2009 07:27


2.2 Dialogue avec l'essentiel.


"Bienvenue, Fils direct. Te voilà parvenu jusqu'à nous après de bien nombreuses d'épreuves surmontées. Kuhing, tu es la cinquième représentation achevée de ce que je suis, et il a fallu 77.000 Y.M.U. pour que nous puissions dialoguer directement. Ton cadet Jésus pourrait dire que 276 milliards d'années ont suffi pour t'engendrer et, si tu es le dernier arrivé ici, tu es le plus âgé de tes quatre frères. ".

Dieu s'adressait à moi comme mon père aurait pu le faire. Il me semblait d'ailleurs reconnaître son intonation et son schème de pensée. Je savais que le feuillet 24 était l'un des plus anciennement créés, notre Big-bang ayant été évalué à 75.000 Y.M.U., mais son propre initiateur m'en annonçait maintenant l'âge exact. Je représentais le fruit d'une de ses plus anciennes semences et, avec les frères qui m'entouraient, le reflet le plus précis de ce qu'il était. Je compris que la tâche n'avait pas été si simple, même pour celui qui était à l'origine de tout ce qui existe. Il lui avait fallu prévoir les plus infimes détails du déroulement des événements pour qu'à partir de cet éclair d'intelligence pure, une vie organique engendre un jour une nouvelle spiritualité capable de s'adresser à lui, ce dialogue étant nécessaire. Je compris la cause de cette disparition supposée de deux feuillets d'univers antérieurs à la formation de ma dimension 24 : le rayonnement fossile d'un Big-bang avait bien été enregistré lors d'envois de sondes dans les angulations 12 et 18 mais F12 et F18 ne contenaient que du vide. Dieu avait, cette fois, mal fait ses calculs et ces univers instables s'étaient à nouveau contractés. Mon feuillet 24 avait été le premier capable d'engendrer la vie et l'intelligence mais le temps de maturation durait trop longtemps. Il fallut alors modifier les données jusqu'à la création de l'angulation 57 et l'apparition de la vie intelligente 14 milliards d'années seulement après son Big-bang. Les scientifiques de la Terre savaient bien qu'un seul milliard de leurs années après la formation de leur planète avait permis l'émergence de la vie organique dans ce plus jeune des univers. Toutes ces informations me venaient spontanément à l'esprit. Dieu osait nous avouer ses faiblesses, ses imperfections, et ses erreurs. Comme nous, simples mortels, il avait dû de nombreuses fois revenir sur le métier et, parmi les cinquante sept feuillets d'univers qu'il avait créés, 33 seulement avaient engendré une vie organique ; cinq, une vie intelligente. Les quatre enfants-Dieux sourirent lorsque cette information circula dans nos esprits connectés. Je venais de rejoindre le Grand Créateur après 33 N.U. d'existence sur la planète Drhyz 08, ALLA avait à son arrivée ici 33 Vig, Jésus 33 années. Nous avions tous quitté les mondes matériels à un âge correspondant au nombre d'univers féconds. Dieu ne manquait pas d'humour et nous étions cinq parce que ce chiffre correspondait au nombre de civilisations ayant conduit à la spiritualité, recherchée entre les trente millions de milliards d'espèces vivantes créées. Je faisais partie de ce substrat essentiel mais, plus encore, j'étais le dernier élément du puzzle qui pourrait enfin donner à Dieu son véritable jumeau, celui qui à son tour provoquerait le Big-bang de l'Unification Les regards de mes quatre frères convergeaient sur moi, j'étais le seul à être parvenu par mes propres moyens dans le royaume divin. Catewos, Alia, Jésus et Héxié avaient été amenés ici par le doigt du Créateur jugeant que leur spiritualité était accomplie ; mais celle-ci n'était que le résultat d'une combinaison favorable, par hasard, de leur génome. Seul, moi Kuhing qui avait retrouvé le principe de la synthèse d'un nouvel univers, représentait l'aboutissement naturellement mûri de l'œuvre divine. J'étais la clef du Projet Final.

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Re: Le feuilleton de l'été 2009

Messagede kuhing le Ven 19 Juin 2009 06:51

2.3 Revue

Le moment était venu de faire un tour d'horizon de la situation, et Alia rendit compte le premier de ce qu'avait produit le feuillet 56 d'où il venait La représentation holographique d'Alia s'approchait de la mienne. Debout sur ses deux jambes filiformes mais d'une taille inférieure à celle des autres, Alia arborait un visage aussi blême que glabre. Ses yeux légèrement exorbités, aux grands iris mauves, étaient caractéristiques de sa race issue de la planète Vos. Alia fusionna dans nos esprits la représentation de son univers formé d'amas galactiques relativement homogènes. Un zoom instantané nous amena dans la nébuleuse <G12 près d'un petit groupe d'astéroïdes en orbite autour d'un quasar en extinction. Là s'était développée l'espèce Vos, seul endroit du feuillet d'univers 56 ou la vie avait dépassé le stade de l'être unicellulaire. Le zoom nous approcha encore et nous étions maintenant dans des structures tubulaires construites en titane dépoli et en verre réflecteur. Les plans des zones occupées se succédaient à pleine vitesse, et cette même architecture se répétait partout. Je reconnaissais cette planète Vos que j'avais eu l'occasion d'observer et d'étudier lors de mes périodes d'apprentissage. Les Vossiens vivaient là dans une organisation collectiviste totale orientée vers le développement systématisé d'une technologie froide. Un peu à l'image de ces insectes Terriens que sont les fourmis, les Vossiens construisaient avec une parfaite rigueur un modèle de société carcérale. Nous passions d'une unité de production à des dortoirs interminables, tout était identique mais complètement serein. Avec une régularité sans faille, les Vossiens se rendaient par groupes de 7000 dans les temples du culte où dominait l'effigie de celui que j'avais devant moi : Alia

La prière était sans doute le seul élément qui unissait la civilisation Vos à celles représentées par mes autres frères - fils de Dieu ; tous les autres comportements s'apparentaient à des automatismes. Alia stoppa là notre voyage dans son monde d'origine pour nous transmettre son appréciation :

-" La civilisation Vos n'a certes pas suivi une évolution qui l 'amènerait à rejoindre naturellement le Projet Final cependant, je ne blâme pas mes frères d'origine car, si la maturation spirituelle Vossienne n'a pas la capacité de franchir ce stade embryonnaire de la dévotion, un Vos n'a jamais tué son semblable. Je suis moi-même un accident du phénotype de ma race, mais je revendique en être le représentant, et je reste fier de mon espèce."

Alia baissa les yeux et effaça progressivement sa pensée des nôtres. Mes trois frères semblaient satisfaits de sa déclaration. Pour ma part, tout cela me paraissait encore hors de portée de jugement.

Catewos dut ensuite défendre la cause de son espèce que je ne connaissais pas encore. Il venait de la planète Crya dans le feuillet d'univers 42. Les Drhyz n'avaient jamais voyagé dans cette angulation cosmique à cause de sa dilatation extrême ; l'effet Doppler mesuré par nos sondes y donnait une distance moyenne entre chaque tunnel d'au moins 8000 M.U., le rendant encore difficile d'accès pour notre technologie. L'image de Catewos offrait un aspect plus massif que celui d'Alia. Ses deux jambes étaient plus courtes, mais son torse puissant et droit rattrapait leur taille. Sa grosse tête chauve s'éclairait étonnamment par de beaux yeux aux pupilles argentées. Catewos sourît et enveloppa nos esprits de sa pensée. Nous vîmes la grande galaxie Trza et ses étoiles lourdes ; l'angle 42 était à l'image de Catewos : large. Nous nous arrêtâmes sur une planète gigantesque d'une masse bien supérieure à celle de notre étoile WOLF. Une atmosphère de gaz violet filtrait les radiations infrarouges du pulsar qui la réchauffait. Le relief de Crya était particulièrement mouvementé et ses agglomérations urbaines construites en marches d'escaliers sur les flancs des puissants massifs montagneux. Une végétation luxuriante, rappelant celle des forêts équatoriales terrestres, recouvrait la quasi-totalité du sol, et, de l'unique océan qui baignait les deux tiers de la planète, émergeaient d'extraordinaires arbres dont les lianes s'enchevêtraient. Ce paysage me marqua d'une impression nouvelle, moi qui étais habitué aux vallées en pente douce à dimension Drhyzienne. Catewos nous entraîna avec un zoom plongeant dans une des plus grandes villes, accrochée sur la montagne Sacrée. Les habitations pentagonales Cryennes étaient disposées en quinconce sur chaque palier artificiel et quelques bouées de transport animaient un ciel pastel exempt de nuages. La vie semblait s'écouler tranquillement mais Catewos nous conduisit dans le bâtiment central d'un groupe de maisons. Une femme Cryenne agenouillée assistait dans le plus profond désarroi au sacrifice de son dernier-né. L'enfant fut pulvérisé par le rayon sorti des armes des soldats restricteurs puis ils s'en allèrent simplement. Catewos donna la raison de ce drame en nous transportant temporellement au moment de sa vie sur Crya. Nous le vîmes au sommet de la montagne Sacrée; Une foule invraisemblable venait assister à son élévation dans le royaume des cieux. Catewos annonça que la grâce divine réaliserait la grande Unification lorsque le Créateur aurait ses cinq enfants puis Il se volatilisa dans une gerbe de feu étincelante. Ensuite apparut le visage de ce Cryen qui se proclamait " Prophète des cinq enfants divins ". Les maisons furent alors construites par groupes de cinq selon la nouvelle loi du prophète. Désormais, chaque famille Cryen devait engendrer cinq enfants ; si elle n'y parvenait pas, tous étaient exécutés. Si un sixième nouveau-né arrivait, il était sacrifié.

Catewos dégagea nos esprits du sien, et parla à son tour à nos intelligences :

-" Mes anciens frères Cryens vivaient sans violence avant mon ascension sur la montagne Sacrée. Certes, l'évolution de l'espèce ne pouvait la diriger vers le Projet ; comme Alia je ne suis qu'un accident génétique. Les Cryens s 'entre-tuent aujourd'hui au nom de notre Initiateur, et j'en suis grandement responsable : ils n'étaient pas faits pour connaître l'issue dont Dieu m'avait informé. Je suis coupable du calvaire de cette femme Cryenne, et des souffrances que les autres subissent par ma faute."

Les grands yeux de Catewos brillaient du reflet de ses larmes, et des gouttes de son sang coulaient maintenant sur son visage Mes frères Héxié, Jésus, Alia et moi le regardions sans savoir que dire quand notre attention fut alors à nouveau captée par l'épicentre du cercle que nous formions et, Dieu parla :

" Non, Catewos, le responsable ne peut être que celui qui fut à l ' Initiative, et c'est bien moi. Le bien ou le mal perd son sens quand la direction est juste. Celui qui se prétend prophète sur Crya montre le mauvais chemin à ton espèce mais il est le produit de mes propres erreurs. Héxié vous en montrera d'autres qui affligent sa civilisation, quant à Jésus.

Dieu se tut, préférant appliquer le principe " une image vaut mille mots ", il projeta des photos apocalyptiques de la planète Terre, salissant la douce lumière dans laquelle nous baignions. Nous nous retrouvâmes aux abords d'une ville en ruines, près d'un abri de béton éventré ; des corps d'hommes et d'enfants mutilés débordaient d'un charnier devant leurs semblables en pleurs. Trois militaires à l'épaisse chevelure noire brandissaient sous un soleil de plomb des armes à balles métalliques en vociférant :

" Allah anéantira le Satan américain, Allah Akbar."

Les scènes qui suivaient à toute allure n'étaient pas plus belles. Des hommes au teint ocre et aux yeux bridés jetaient les cadavres de leurs semblables dans des fosses creusées dans le sol. Puis nous vîmes une foule immense d'hommes, de femmes et d'enfants très amaigris que des soldats bizarrement casqués menaient dans des bâtiments d'incinération sur lesquels était inscrit : " Gott mit uns ". Ensuite des Images d ' hommes à la peau pigmentée, pourchassés par des blancs hargneux, me bouleversèrent. Des équipes de Drhyz avaient rapporté de nombreuses informations sur les humains après plusieurs expéditions sur Terre temps Teta4/2 mais Je n'avais pu imaginer une telle sauvagerie chez cette espèce. Jésus baissait les yeux, il portait lui-même, sur ses paumes et sur son front les stigmates de la cruauté de ses frères. Nous étions tous consternés. Alors, la source divine m'informa de la tâche que je devais accomplir.

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Re: Le feuilleton de l'été 2009

Messagede kuhing le Sam 20 Juin 2009 08:56

2 épisodes pour le WE

2.4 La mission

" Kuhing, tu le sais maintenant, tu es le plus ancien de mes enfants achevés. Tes semblables Drhyz ont évolué sur la bonne voie même si l'approche du dénouement leur fait toujours peur. Tu as été la pointe avancée de ta civilisation, et tu es parvenu par tes propres moyens jusqu'à moi. Tu as retrouvé la théorie de la création d'un nouvel univers par les voies du raisonnement mathématique, mais tes objectifs ont été dépassés. Te voilà au carrefour où toutes les sciences convergent pour engendrer une nouvelle intelligence pure, l'image exacte de ce que Je suis. Mais le Big-bang de l'Unification demande une énergie supérieure à celle que tu peux trouver dans ce " tunnel de basculement ". Il te faudra rassembler la somme de toutes les spiritualités épurées des fréquences parasites qui causent les désastres auxquels nous assistons sur la planète Crya. C'est pourtant sur Terre que tu te réincarneras parce que là, j'ai commis ma plus grosse erreur. J'ai voulu brûler les étapes en programmant le carnivorisme pour accélérer le processus négentropique : l'homme a grandi en se nourrissant de ses proches cousins mammifères, et tu viens d'en constater toi-même les effets. Les Drhyz, eux, ont évolué en mangeant des particules organiques élémentaires ; leur maturation a certes été infiniment plus longue que sur Terre mais je sais maintenant que la patience doit être la plus haute qualité divine. Tu te matérialiseras donc sur Terre et laveras cette faute fondamentale. Quelques hommes ont déjà essayé de le faire, je les ai vus et grâce à la bonté de leur âme, tout n'est pas perdu."

La source de lumière qui nous unissait tous les cinq faiblit. Mes quatre frères se recueillaient remplis d'un nouvel espoir. Tous savaient que, une fois ma mission accomplie, le flot d'énergie mentale purifiée de la planète Terre aurait la puissance d'accorder les fréquences spirituelles de leurs civilisations d'origine. Jésus me regarda: le Jugement Dernier prédit dans ses Saintes Ecritures venait d'être annoncé.


2.5 Objectif Terre.

Mes quatre frères s'estompèrent et je me trouvais à nouveau dans cette obscurité totale. Il n'y avait rien ni devant ni derrière, ni en haut ni en bas, à moins que ce rien n'ait été le Tout. Je m'apprêtais à rejoindre ma nouvelle destination, la planète Terre située au bord d'une galaxie nommée " Voie Lactée" dans ce dernier feuillet d'univers que Dieu avait créé : l'angulation 57. Soudain, à travers mon corps d'hologrammes, un souffle fantastique aspira mon esprit vers une direction qui ne sembla être le haut. L'accélération fut instantanément si forte que mon image s'étira en une mince ligne vibratoire qui se mélangeait à la conscience que je gardais de moi. Je percevais maintenant ce tunnel dont les parois hyperboliques filaient à une vitesse vertigineuse. Je compris que j'étais moi-même cette onde tachyonique d'esprit propulsée entre ces quadriques d'énergie. Les tachyons, particules hyperlumineuses, avaient été un des supports mathématiques de mon hypothèse des feuillets de synthèse ; cependant aucune expérimentation n'avait pu confirmer leur existence effective, et pour cause : j'étais moi-même ici le résultat de cette expérience. Mon voyage à vitesse superlumineuse se déroulait en dehors du temps et je ne faisais que m'accorder à la fréquence correspondant à l'angulation 57. Les incursions dirigées plus tôt par mes frères fils-divins dans leurs dimensions respectives, n'avaient été que des projections virtuelles de leurs univers ; un peu comme l'image d'un objet retransmise par une lentille optique. J'étais propulsé maintenant dans un réel matérialisé, un éclair d'intelligence divine vitrifiée, et je devais d'abord me mettre en phase avec sa résonance pour m'y intégrer. Je perçus alors très fort l'écho de la fréquence 57 dont j'avais un souvenir lointain et, l'instant d'après, j'y émergeais par un tunnel de basculement situé entre le bras "Persée" et la spirale "Sagittaire" de la galaxie Voie Lactée, à quelque 350 années-lumière du système solaire. Ce jeune univers était aussi hétérogène qu'agité, comme si le Grand Architecte l'avait conçu un peu à la hâte. Je distinguais des galaxies en forme d'ellipses, d'autres en spirales ou encore complètement irrégulières. Par endroits, de gigantesques fournaises indiquaient la naissance d'une étoile, sinon d'autres explosaient pour créer des naines blanches". Tout cela se passait ici à un rythme infiniment plus rapide que ce que nous pouvions observer dans mon univers d'origine. L'angulation 57, âgée d'à peine 15 milliards d'années, subissait encore sa phase de chaos en rapport avec les scènes que je venais de voir de la civilisation humaine. Pourrais-je mettre de l'ordre dans tout cela ? Ma tache m'aurait paru bien lourde à supporter si Dieu ne m'avait pas insufflé ce nouveau sentiment que je gardais toujours en moi, la Certitude. Je filais vers le système solaire à vitesse supérieure à c. J'étais cet éclair de conscience plus rapide qu'un photon. Lui, tachyon matérialisé par la technologie divine, faisait partie de la réalité de son univers qui leur interdisait de franchir cette vitesse limite évaluée par les homes à 300.000 kms / sec. Je mis 0,5 U. pour parcourir ce que la lumière aurait fait en 1000 fois plus de temps. Je me stabilisais déjà près de cette boule incandescente d'hydrogène en fusion, le Soleil, entourée de ses compagnes de matière refroidie. Je voyais la fameuse " planète bleue " juste en avant d'une large ceinture d'astéroïdes, sagement placée en orbite entre ses sœurs telluriques Mars, Venus, et la petite Mercure. J'appréciais la beauté originale de ce paysage spatial quand, une fréquence parasite vint me perturber. Je compris que cette fréquence d'onde ne pouvait qu'être superlumineuse parce qu'elle parvint même à dévier légèrement ma trajectoire. Puis le calme revint. Il fut de courte durée car à quelque 2 millions de N.dt. de la Terre, je sentis des secousses si fortes que je dus prendre du recul. Je compris très vite que je me heurtais aux ondes de spiritualité que l'évolution de la vie terrestre avait engendrées. Je saisis immédiatement leur singulier principe de fonctionnement

Les consciences se filtraient dans les cortex cervicaux des organismes vivants sur Terre et les âmes se distillaient ainsi au fur et à mesure des incarnations. Ici, le plus grand désordre régnait aussi à cause de la difficulté à trouver un hôte de chair. Je devais franchir cet obstacle vibratoire pour accomplir ma mission et sauter cette file d'attente indisciplinée. Je tentais une nouvelle approche plus prudente de Cet embouteillage d'âmes et je pus analyser un large spectre de fréquences. Aucune d'elles ne paraissait cependant pouvoir me détecter. Je remarquais que ces ondes de spiritualité obéissaient à une hiérarchie rigoureuse : les vibrations les plus désorganisées formaient une barrière difficile à passer pour les âmes les mieux structurées. Toutes cherchaient un nouveau corps organique à investir et les places se combattaient durement. Les vibrations primitives, plus agressives, se comportaient corne des rapaces et ne laissaient pas beaucoup de chance aux autres. Un instant, je crus percevoir mon propre écho dans ce fatras de spiritualités voraces ; je pus analyser les vibrations de deux esprits anciennement passés par la vie organique d'un home nommé Sakyamuni et d'un autre dit Confucius. Ces âmes stationnaient dans l'espace depuis plusieurs M.U. en attendant une ultime incarnation. Heureusement, mon origine exotique me permettrait de raccourcir considérablement le délai. Je pus repérer d'ici deux fréquences compatibles avec mes objectifs. Elles étaient connectées à deux organismes humains vivant dans une grande agglomération urbaine d'un continent central de la planète bleue. Après une recherche d'axe d'insertion, je projetais mon faisceau à la surface du sol terrestre. J'y fis un tour complet de repérage géographique avant de me stabiliser au-dessus de cette ville aux bâtiments extravagants qui s'appelait Paris, situation temporelle - norme humaine - 21 juin 1992.

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Re: Le feuilleton de l'été 2009

Messagede Polack le Sam 20 Juin 2009 15:54

trop cool la sf ! 8-) la suite !
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Re: Le feuilleton de l'été 2009

Messagede kuhing le Lun 22 Juin 2009 08:40

3.1 Rencontre presque fortuite

Paris était quatre fois en joie ce 21 juin de l'année 1992 : L'été célébrait son premier jour en habillant le ciel d'un soleil radieux pour fêter les pères et la musique. En plus, c'était dimanche. Jean-Pierre, ce jeune humain, ne se doutait pas, quand il ouvrit les yeux, que tout ce qui rendait cette journée si agréable le concernerait pleinement.

Il déplia les volets de son logement de la rue Lepic, située dans la partie nord de la ville. Il reconnut le chant joyeux des martinets, et un refrain fameux joué par un gros accordéoniste qui faisait la quête. La fête de la musique commençait bien. Le jeune homme se pencha par sa fenêtre, il était huit heures du matin et les étalages de fruits et légumes finissaient de se monter. Il se sentait d'excellente humeur contrairement aux jours précédents, et se hâta d'enfiler ses habits un peu usés. Je contrôlais la situation de mon poste car j'avais choisi ce jeune homme comme père adoptif. Jean-Pierre dévala les escaliers quatre à quatre avec l'intention de profiter de sa bonne humeur et de la belle journée. Dans la rue, le marché commençait à s'animer et des vendeurs de propagande politique essayaient déjà, vainement, d'accrocher les passants Il prit la côte dans te sens difficile avec comme objectif premier d'acheter deux préparations a base végétale dites "croissants", les meilleures se trouvant plus haut, " place des Abbesses ". En montant, ~ l'angle de la rue Véron, il croisa l'étal d'une des nombreuses boucheries avec son odeur de viande. C'était pour lui toujours un passage difficile et plus encore depuis les prises de position publiques d'un artiste végétarien de sa planète nommé Mc Cartney. De toutes façons, depuis son plus jeune âge, l'idée de se nourrir de cadavres d ' êtres qu'il considérait comme des amis, ne lui plaisait guère ; il préférait de loin manger des " croissants au beurre ". Le jeune homme tenait cette aversion de sa vieille âme, incarnée plusieurs siècles auparavant chez un humble paysan des montagnes tibétaines et mon choix en sa faveur tenait compte de cette expérience. Il arriva sur cette " place des Abbesses". Déjà une file de connaisseurs attendait devant la boulangerie, mais quelques minutes suffirent pour obtenir son butin. Sur le trottoir en face, il vit Maurice attablé, devant un soluté alcoolique, à la terrasse d'une buvette. Maurice ne correspondait pas au genre de personnages qui l'attiraient spontanément - juste une connaissance de quartier. Pourtant, ce matin, Il ne put s'empêcher de traverser la rue pour le saluer. Maurice flottait encore dans les vapeurs éthyliques de la veille. Il trouva cependant la force de lever les yeux, et il reconnut le jeune homme. A ses cotés, une jeune femme aux cheveux noués avalait une boisson noire à petites gorgées. Maurice s'acquitta des présentations d'usage, et proposa à l'ami de se joindre à eux. Jean-Pierre s'assit sans se faire prier ; il connaissait déjà le prénom de la ravissante demoiselle aux yeux d'ébène.

Jacqueline étudiait la peinture aux beaux-arts de la ville de Nice, et elle rendait visite à son cousin Maurice pour la fête de la musique. Elle expliqua qu'elle ne quittait sa belle ville ensoleillée qu'à cette occasion.

-" Pour ça, Paris c'est mieux." Dit-elle en riant à belles dents.

Jean-Pierre fut ravi d'acquiescer tandis qu'une fanfare colorée commençait justement à s'installer en face d'eux. Il commanda une boisson dite " crème bien blanc " en déballant ses croissants. La fille en accepta une moitié, et le cousin Maurice but son verre d'une traite avant d'en demander un autre (une légère impulsion électrique, précisément ciblée dans la région de l'hypothalamus, me permettait de provoquer chez lui cette belle soif ). Le serveur posait à peine le bock sur la table qu'il était déjà vidé. L'harmonie entama alors à pleine puissance les premières notes d'un flot de vibrations musicales après que le leader eut annoncé :

-" Du célèbre Cole Porter : " I love Paris "

Maurice pensa tout haut qu'il devrait mieux rejoindre son lit plutôt que de risquer une commotion cérébrale. Grâce à la stimulation des synapses hédoniques que j'opérais sur elle Jacqueline ne le retint pas et je n'eus même pas a intervenir sur Jean-Pierre. La jeune femme commanda un autre " express " avec la deuxième moitié du croissant qui lui était offerte. Comme les humains du sud, elle parlait beaucoup ; mais je n'étais pas complètement étranger à sa prolixité. L'atmosphère de la " place des Abbesses " favorisait à merveille la production d'un carburant de la reproduction humaine appelé " Amour " ; Elle incita le jeune couple à écouter pendant près d'une heure tout le répertoire et les rappels de la fanfare du 18ème arrondissement de Paris. Jacqueline se déclara très contente après la brillante prestation qu ' elle venait de voir mais la troupe des musiciens rangeait déjà ses instruments et elle devait trouver rapidement un prétexte pour rester en compagnie de ce garçon aussi sympathique que séduisant. D'autres stimulations électriques bien placées m'aidaient à entretenir "cette illusion destinée à perpétrer la race - l'Amour." selon l'expression même d'un éthologiste terrien nommé Konrad Lorenz, dont l'œuvre intéressa nos explorateurs.

-" Ne donne-t-on pas un concert place de la Nation ?" Lança Jacqueline au hasard. Le jeune homme confirma qu'une grande représentation musicale aurait lieu mais "place de la Bastille"; Cependant, le spectacle ne commencerait pas avant 19 heures.

Dans un éclair de génie, il ajouta :

-" En attendant, je peux te faire visiter la capitale."

Je les aidais de moins en moins dans leurs travaux d'approche. Enfin, mes tourtereaux descendaient une rue "Houdon" et en découvrant la population, je convenais que, pour admettre des contrastes aussi remarquables l'humanité, et ce qui l'entourait, avaient été effectivement bien vite conçus. Ils arrivaient maintenant à la fontaine de la place mais je n'étais pas là pour faire du tourisme et j'activais, grâce à des stimuli électriques, la sécrétion d'hormone LHRH dans le sang de mes futurs géniteurs. Au lieu de continuer leur chemin tout droit, le garçon proposa de remonter le boulevard de Clichy jusqu'à la place Blanche. Jacqueline accepta sans se faire prier. Elle fut tout de même surprise par l'étalage d'une telle indécence dans les boutiques de sexe, avec quoi Pigalle s'était taillé sa meilleure réputation mondiale. Son confrère Germain Pilon, sculpteur du "Christ Ressuscité", représentait un autre aspect de la contradiction humaine, en donnant son nom à une des rues les plus sordides du quartier - ils la croisaient en ce moment même.

Chez l'humain, la chimie étant plus puissante que les grands sentiments, cette luxure affichée attisa plus encore l'excitation sexuelle que j'avais enclenchée chez mes deux cibles. Ni le souvenir de l'humble paysan tibétain qu'avait connu Jean-Pierre ni celui de la carmélite, que l'âme de Jacqueline avait habitée, ne résista aux libidos qui culminaient. Arrivés à l'angle de la rue Lepic, Jean-Pierre proposa une visite de son petit studio et quelques minutes après, j'assistais aussi intrigué qu'intéressé à une démonstration de colt Ininterrompu avec bientôt le résultat escompté.

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Re: Le feuilleton de l'été 2009

Messagede kuhing le Mar 23 Juin 2009 06:58

3.2 Réincarnation

Je devais faire vite : au-dessus de moi, l'armada des consciences avides de chair humaine était à l'affût et, je n'avais pas l'intention que l'on vole le fruit de mon travail. Après tout, ils avaient réussi à crucifier Jésus et je ne devais pas commettre d'erreur d'inattention. Je ciblais, avant même la fécondation, l'ovule récipiendaire. Comme tout cliché holographique, ce fragment infime de l'organisme humain qui l'avait généré en reproduisait l'écho général. Vingt trois spirales d'informations chimiques se préparaient à la rencontre la plus importante de leur vie, celle qui déterminait leur raison d'être. Et puis, ce fut le choc, violent comme un séisme, suivi du mécanisme enclenché Jusqu'à la mort matérielle. Je ressentis dans ce vacarme muet le même sentiment de certitude, de plénitude et de grandeur que J'avais vécue lors de ma rencontre avec l' Essentiel. Dieu était décidément, malgré ses faiblesses, un habile technicien de la vie.
Les chromosomes s'organisaient par couples d'affinités et déjà, la première cellule différenciée offrait, tel un capteur d'ondes radios, un réceptacle à une vibration de conscience compatible. Comme je me trouvais sur les lieux, je pris cette place.

Une intense activité préparait la première mitose et je m'aperçus que désormais, j'y participais pleinement. Les fréquences qui sous-tendaient la vitalité des cellules haploïdes avaient été rappelées par l'organisme de chaque parent et j'étais à présent seul maître à bord de cette nouvelle entité originale.
La cellule se divisa selon un protocole bien rodé, les fonctions physico-chimiques assuraient leur travail et il me semblait à ce stade ne leur servir que de caution. Mon rôle le plus important, et ce n'était pas le moindre, consistait cependant à veiller sur la cohésion d'ensemble de cette structure à complexité croissante - mais je n'assurais qu'un contrôle, une membrane vitelline s'occupait de la mécanique. J'allais maintenant accompagner mon hôte pendant cette première étape de la grossesse, accroché à la paroi utérine de sa mère, jusqu'à son expulsion dans le milieu extérieur. Mon association à cet embryon humain me contraignait désormais à une notion que j'avais oubliée : celle de l'écoulement du temps chronologique et, bien que gardant mon expérience d'intemporalité, Je devais patienter 36 semaines avant de voir le jour à travers ses yeux neufs. Je remerciais Dieu de n'avoir pas choisi les éléphantes avec leurs 640 jours de gestation pour représenter l'hégémonie spirituelle terrestre, objet de ma mission. La densité de l'activité ne m'avait pas laissé le loisir d'analyser le résultat de la combinaison génétique de mon nouveau compagnon organique. Je vis que se développerait un beau mâle, grand comme son père, avec les yeux noirs de sa mère. Outre ces caractéristiques morphologiques somme toute secondaires, le nouveau-né aurait une bonne mémoire, et une capacité de déduction logique située dans une moyenne honorable. Son intelligence suffirait pour tirer profit des messages que je lui enverrais. Je vis en lui une prédisposition à la mécanique des fluides et, je ne sais pourquoi, ce détail me frappa. Concernant le milieu dans lequel il évoluerait, le passé karmique des âmes parentales associé à leur situation matérielle précaire mettaient mon hôte à l'abri d'une éventuelle corruption acquise. L'argent et le pouvoir représentaient sur cette planète des facteurs importants de déviation des spiritualités ; Jacqueline et Jean-Pierre ne possédaient ni l'un ni l'autre et leur tendance végétarienne favoriserait le succès de ma mission.
Connecté à l'embryon humain dont le corps de Jacqueline alimentait la croissance, je suivais désormais ce binôme organique dans l'espace et le temps ; la bonne cohérence de l'onde spirituelle maternelle me permettait une cohabitation sans Interférence. Je restais attentif au déroulement des duplications de l' ADN du fils en élaboration tout en veillant à ce que vivait la mère. Les sécrétions naturelles d'endorphines post-orgasmiques avaient calmé les partenaires qui se rhabillaient. Le jeune humain laçait ses chaussures et Jacqueline remontait ses bas. Sans un mot, étourdis par un tel déchaînement génital, ils descendaient déjà les escaliers, envahis par une sensation de bien-être que je pus analyser - Dieu était décidément un fieffé chimiste.
Les commerçants de la rue Lepic avaient rangé leurs étalages, il était maintenant deux heures dans l'après-midi, et une belle fringale les conduisit chez un petit restaurateur asiatique sur la rue Fontaine. Ils commandèrent des crevettes au gingembre accompagnées d'un bol de riz blanc. Jean-Pierre expliqua qu'il ne mangeait plus la viande d'aucun mammifère depuis de nombreuses années, à cause des problèmes moraux que cela lui posait. Cependant il ne suivait pas de régime végétarien strict ; les désagréments sociaux connexes le dérangeaient et il n'aimait pas faire figure de marginal. Jacqueline comprenait cette position. Quand elle le pouvait, elle évitait aussi la viande. J'assistais à la scène sans plus intervenir sur les systèmes nerveux des jeunes gens. Les âmes qui les habitaient dont j'avais sondé l'écho depuis l'espace, présentaient une bonne compatibilité. Mon rôle de catalyseur était rempli. L'insouciance caractéristique des jeunes humains associée à leur passion naissante rendaient le couple euphorique et débordant d'énergie. Après leur frugal repas, Ils reprirent la marche en direction de la place de la Bastille où se déroulerait le grand concert. Pendant ce temps, la multiplication diploïde de l'embryon continuait dans le ventre de Jacqueline. Son âme avait déjà perçu l'arrivée d'un nouveau venu en elle et lui lança un message d'avertissement. Du plus profond de ce que certains humains appellent le subconscient, l'image d'un bébé, que sa raison lui fit associer au souvenir d'elle-même, passa dans sa tête. Elle se souvint alors que la période actuelle correspondait à celle de son ovulation et cela lui procura un léger malaise.

" Jean-Pierre, demanda-t-elle, que se passerait-il si nous avions conçu un enfant tout à l'heure ?"

Le jeune homme la regarda, d'abord surpris, puis il sourit et dit :

" Ce serait formidable."

Après un silence, les deux jeunes gens se prirent par la main ; ils savaient leurs destins désormais liés. Sur la place Saint-Georges déserte, une grande boutique d'antiquités où étaient exposés les objets les plus extravagants donnait à cette scène une connotation surréaliste, presque naturelle.


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Re: Le feuilleton de l'été 2009

Messagede kuhing le Mer 24 Juin 2009 08:58

4.1 Nice

Le concert place de la Bastille fut une réussite selon l'avis de tous, mais la belle journée du 21 juin 1992 touchait à sa fin, et après une courte nuit, j'accompagnais la jeune femme qui devait rejoindre sa ville de Nice. La promesse de se revoir fut prise sur le quai de la gare et, lorsque le train s'ébranla, le jeune couple pensait qu'elle serait tenue. Le voyage parut court à Jacqueline qui dormit pendant toute sa durée. Il prit cependant mille fois plus de temps que si nous avions embarqué dans une bouée de transport collectif drhyzienne. La propulsion magnéto-hydro-dynamique n'était pas encore généralisée sur la planète Terre à cette époque, mais surtout, plus que le retard technologique, la mauvaise organisation sociale des hommes freinait : de nombreuses manifestations d'agriculteurs et de transporteurs sur routes qui bloquaient une bonne partie de la circulation de cette zone témoignaient d'un malaise qui aboutirait à un immense chaos. Mais, pour le moment, la jeune femme se satisfaisait d'arriver à bon port dans sa ville de Nice près de la mer, et de retrouver ce qu'à Paris on ne voyait jamais : des plages et des palmiers. Elle rentra dans sa petite chambre située au début de l'avenue Borriglionne avec son fatras d'esquisses et de pinceaux toujours autant en désordre que lors de son départ. Le silence qui pesait la rendit un peu nostalgique de toute 1' agitation parisienne. Elle ouvrit ses volets, et la nuit tombant sur les collines de cette France du sud ajoutée aux sensations qui lui venaient de ses entrailles en transformation, l'amenèrent devant son chevalet où elle posa une toile blanche. Il fallait qu'elle peigne cette apparition de la Vierge à l'enfant qui passait dans sa tête. Jacqueline était une véritable artiste, un élément avancé de cette espèce humaine que j'avais pu classer en cinq catégories.

Il y avait d'abord "les simples d'esprit" et leurs multiples variantes ; ceux-ci ne pouvaient appréhender leur réalité à cause de vibrations spirituelles trop puissantes pour leurs facultés organiques : leur âme pesait lourd pour leur cervelle trop légère. Après, venaient "les producteurs" présentant le défaut inverse: une spiritualité jeune pour un cortex souvent chimiquement performant. Les producteurs ne trouvaient d'intérêt qu'en exploitant directement la matière, ils représentaient une grosse partie de la population humaine et s'approchaient en quelque sorte de ce que sont les Drhyz qui ne possèdent pas d'âme.

Je trouvais ensuite une catégorie que j'appelais " les découvreurs ". Ceux-ci étaient dotés d'une âme bien affinée associée à une excellente capacité de cortex. Ils formaient le lot des scientifiques et chercheurs de bon niveau qui faisaient progresser la connaissance humaine.

"Les créatifs", catégorie minoritaire et marginale, possédaient quant à eux une spiritualité en voie d'achèvement et une intelligence honorable, Ils parvenaient à reproduire, par leur art, une image du Projet divin et représentaient en quelque sorte les messagers du Créateur. Certains jouissaient même d'une vision prophétique des événements.

Enfin, j'avais reconnu "les destructeurs". Leurs intelligences souvent bonnes semblaient peu déterminantes pour leur classification ; leurs âmes importaient. Les destructeurs cristallisaient en eux toutes ces erreurs de Dieu que certains appelaient " Diable ". En souche résistante, ils dirigeaient le tragique destin de la planète Terre. Je devais éradiquer cette catégorie d'hommes mais le combat ne pourrait se mener qu'à l'intérieur de l'espèce ; je devais passer par cet embryon humain qui grandirait pour regrouper les bons et détruire les nuisibles. Jacqueline promenait ses pinceaux entre les bords du châssis, les silhouettes se profilaient déjà, éclairées par la seule lumière que la Lune projetait. Soudain, la sonnerie du téléphone perça le silence et la fit sursauter ; elle échangea les couleurs de sa palette contre le gris du combiné téléphonique, et reconnut la voix de Jean-Pierre. Le jeune homme se languissait déjà d'elle et il ne parvenait pas à s'endormir. Il proposa de la rejoindre immédiatement plutôt que de se retourner sans arrêt dans son lit vide. Jacqueline le réconforta de quelques mots tendres. Elle était heureuse de l'entendre et l'aurait accueilli à bras grands ouverts mais comment pourraient-ils vivre ? Ses deux journées de travail par semaine lui suffisaient à joindre péniblement les deux bouts. Le taux de chômage dans sa région valait bien celui de la capitale et ni leur Premier ministre André Coignart, ni le grand argentier Michel Bougnat n'y changerait quoi que ce soit ; plus personne n'était dupe. Jacqueline avait un tempérament bohème, mais elle savait également garder les pieds sur sa Terre. Après une négociation serrée, elle persuada le jeune homme de patienter au moins trois mois avant de la rejoindre. Il annulerait ses projets de vacances pour travailler tout l'été dans ce bureau de poste de Pigalle, qui lui sortait pourtant par tous les pores de sa peau. Les deux jeunes gens, rassurés par leur décision, se souhaitèrent bonne nuit et chacun put enfin trouver le sommeil. Les jours suivant s'écoulèrent calmement. Bien sur, une violente guerre civile ravageait une zone voisine, mais elle restait ici une abstraction dont on voyait des images télévisuelles. Les terriens vivaient très habitués à ce genre de conflits et leur histoire pouvait se raconter à travers les massacres qui, de tous temps, les avaient déchirés. On annonça aussi, début juillet, des émeutes et la mort d'un chef de clan, assassiné, de l'autre côté de la mer : un différent mystique. La nouvelle agita des ondes ; la violence faisait partie du quotidien, banale. Certes, des hommes se révoltaient parfois, s'engageaient même, mais tous savaient les "destructeurs" plus puissants et la résignation finissait par remplacer l'indignation. Jacqueline avait fait partie du lot des résistants. Elle avait milité quelques années plus tôt dans un regroupement de pacifistes mais, après beaucoup d'énergie et de temps dépensés, quand elle apprit que des responsables volaient l'argent du mouvement, elle conclut que " le Diable était plus fort que le Bon Dieu ". Alors elle choisit de se réfugier dans l'art en essayant de sauver sa petite vie quotidienne, et " advienne que pourra

Les cours aux beaux-arts se terminaient, et Jacqueline entreprit une tournée des galeries de la région pour vendre ses tableaux. Le reste du temps, elle installait son chevalet sur la place Saint-François dans le vieux Nice ou montait en car dans le village de Saint-Paul, prés de Vence, pour traquer le touriste. Elle savait maintenant qu'elle attendait un enfant et préparait la venue du père et du fils, - comme représentant du Saint-Esprit, j'étais déjà là.

à suivre
Un jour peut-être l'association des intelligences remplacera les rapports de force
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