Brésil: La révolte des classes moyennes change de dimension(Le M.A., 18/06/2013)
http://monde-antigone.centerblog.net/2799-240.000 personnes dans les rues hier soir d'après le quotidien O Globo. Des manifestations monstres partout dans le pays, même en Amazonie. Plus que l'expression d'un mécontentement, c'est un mouvement global de révolte qui est en train de prendre forme. Les hausses des prix des transports à l'origine des premières manifestations ont été reléguées au second plan. Ce sont à présent les dépenses somptuaires du Mondial 2014 qui sont dénoncées et qui ne passent pas, même au pays du football. A Belo Horizonte, la police a usé de gaz lacrymogène contre les manifestants qui tentaient de s'approcher du stade où se jouait le match de la Coupe des Confédérations entre le Nigeria et Tahiti. Mais hier également, fait rare, les sièges des gouvernements ont été pris pour cible et attaqués à Rio, à Brasilia, et en toute fin de soirée à Sao Paulo.
La fronde protestataire est menée sur les réseaux sociaux par des jeunes des classes moyennes, sans appartenance politique revendiquée. Néanmoins quelques thèmes reviennent fréquemment dans les témoignages: santé, éducation, démocratie. La petite bourgeoisie veut de l'argent pour s'épanouir, mais le pouvoir politique qui a contribué à son émergence n'en a plus à lui proposer. On lui a fait croire que les grands événements Mondial + JO allaient être la rampe de lancement d'une croissance miraculeuse, elle s'aperçoit aujourd'hui que le train de la croissance va taper dans le butoir et que le choc sera brutal.
La Coupe des Confédérations est habituellement une répétition générale qui sert au Comité d'organisation à vendre la Coupe du monde et à tester le fonctionnement de ses équipements, de sa billetterie et des mesures sécuritaires. Or justement les manifestations de rue bouleversent ce bel ordonnancement. Les sponsors sont mécontents. Le ministre chargé des sports a donc averti qu'il ne permettrait pas que ces manifestations perturbent les événements que le Brésil s'est engagé à organiser. Dilma Rousseff semble prise de court. Le mouvement prend chaque jour de l'ampleur. D'autres rassemblements sont prévus ce soir. Et ce n'est sûrement pas fini...
Cette révolte s'apparente à celles que l'on observe depuis le début de la dépression dans les Brics et autres pays émergents. Elle résulte d'une inadéquation entre les nouvelles aspirations des classes moyennes qui ont connu un développement important pendant la décennie 2000-2010 et l'autoritarisme d'un pouvoir qui impose en dépit de tout ses choix politiques, administratifs, sociétaux, religieux, moraux. Il suffit parfois d'un simple fait divers pour révéler les blocages et les maux de toute une société: une élection truquée en Russie, l'immolation d'un marchand ambulant en Tunisie, un viol collectif en Inde, et récemment un parc menacé en Turquie, ou encore l'identité d'un bébé en Bosnie. Chaque fois cela suffit pour que la petite bourgeoisie urbaine éduquée, surdiplômée, facebookée, descende en masse dans la rue en arborant son drapeau national, s'en prenne au gouvernement et à la corruption, crie son ras-le-bol d'un système dans lequel elle ne se reconnaît plus... et provoque en retour un déluge de gaz lacrymogène. Il faut s'attendre à ce que ces révoltes se poursuivent, peut-être en Afrique du sud, au Mexique, en Argentine, en Indonésie... Un jour ça va finir par arriver en Chine.
* * * * * * * *
La hausse du prix des transports enflamme le Brésil (Le M.A., 15/06/2013)
Pour celles et ceux qui ne s'intéressent pas à l'actualité sportive, qui détestent le football (je ne leur donne pas tort), je les informe qu'une coupe du monde de football aura lieu au Brésil, dans plusieurs grandes villes du pays, dans exactement un an, et que les Jeux olympiques seront organisés à Rio de Janeiro en 2016.
Pour accueillir ces deux événements planétaires dans les meilleures conditions (commerciales et sécuritaires), le Brésil s'est lancé dans un vaste programme de travaux mené de pair avec le nettoyage des favellas, de construction de stades, d'infrastructures (autoroutes, liaisons ferrées, aéroports, hôtels...), d'équipements divers et variés qui vont coûter plus cher que ce qui avait été indiqué sur le devis, et en plus ils ont pris du retard. Donc, comme tout cela coûte cher, qu'il faut le rentabiliser, que c'est la crise, que la croissance au Brésil est tombée à moins de 1 %, que l'inflation galope, que l'argent ne rentre pas dans les caisses, il faut que quelqu'un paye. Vous connaissez la suite: balles en caoutchouc et gaz lacrymogène.
Déjà la fin du "rêve brésilien" (Le M.A., 08/06/2013)
La situation économique au Brésil se dégrade. La croissance s'approche de 1 % alors que l'inflation s'élève à 6,5 %. Le relèvement des taux d'intérêt par la banque centrale va avoir pour effet de contracter encore plus l'activité économique. Les violentes manifestations contre la hausse des prix du transport annoncent déjà la fin du "rêve brésilien"... On peut s'attendre à voir maintenant les classes moyennes qui y ont cru descendre dans les rues.