Puisqu'ils se trouvent devant la question de survivre au "lider maximo", les dirigeants de La Havane tentent depuis quelque temps d'anticiper une "décastrisation" en bon ordre en assouplissant un peu le système, en libérant au compte-goutte quelques prisonniers politiques, en acceptant l'usage du téléphone portable, en introduisant une part d'économie de marché. Il s'agit de mesures symboliques sans réelle portée car après un demi-siècle d'immobilisme, de contrôle étatique et de délabrement, cette mue parait davantage être imposée par la nécessité, et résulte des effets de la crise économique mondiale. La manne pétrolière vénézuélienne ayant été réduite (en affaires, pas de cadeaux entre "camarades"), le carburant manque, les transports se raréfient, les rayons des magasins se vident, les prix sur les marchés augmentent. L'Etat a donc décidé de ne plus subvenir aux besoins de la population et de laisser les gens goûter aux joie de l'économie privée en se démerdant par eux-mêmes, et tant pis si les vols et les trafics illégaux prolifèrent, ce sera dans quelque temps un prétexte tout trouvé pour rétablir l'ordre.
Que va-t-il se passer après la disparition de la vieille garde castriste ? On peut s'attendre à ce qu'une dictature s'impose qui se substituera à l'ancienne. La seule incertitude sera de savoir la forme qu'elle prendra dans le degré de corruption. S'inspirera-t-elle du modèle angolais ou vietnamien, ou bien va-t-elle ressembler aux régimes oligarchiques de la zone Caraïbes ? A moins qu'à force d'avoir été nourris pendant toutes ces années par l'idée de la révolution, les opprimés cubains se mettent dans l'idée de la faire vraiment ?
AFP, France24 - 14 sep 2010
http://www.france24.com/fr/20100914-cub ... -commerces
Cuba: Raul Castro supprime 500.000 emplois publics et autorise de nouveaux commerces
En supprimant 500.000 emplois publics dans les six mois à venir, le gouvernement de Raul Castro cherche à réduire une bureaucratie pléthorique, tout en autorisant l'ouverture de nouveaux petits commerces privés, dans le cadre de son "actualisation" du modèle cubain.
L'annonce de ces coupes massives dans le secteur public, qui contrôle 9 5 % de l'économie de l'île communiste, a été faite lundi par la Centrale des travailleurs de Cuba (CTC).
La mesure s'appliquera "immédiatement" jusqu'au "premier trimestre 2011", "de façon graduelle et progressive", et "aura un impact sur tous les secteurs", précise le syndicat unique dans un communiqué.
"Notre Etat ne peut pas et ne doit pas continuer à entretenir des entreprises et des services dont les effectifs sont en surnombre et où les pertes sont contre-productives", ajoute la CTC.
Selon elle, ces nouveaux chômeurs devraient pouvoir trouver du travail dans le secteur privé, au sein de coopératives ou en travaillant en indépendant.
A l'heure actuelle, quelque 148.000 Cubains - sur une population active totale de 4,9 millions -, travaillent à leur compte comme coiffeurs, chauffeurs de taxis ou restaurateurs en échange du versement d'un impôt à l'Etat et de cotisations sociales.
Mais selon des documents officieux circulant sur les lieux de travail, le gouvernement prévoit d'accorder 250.000 nouveaux permis pour l'ouverture d'environ 120 types de commerces (cordonniers, cireurs, coiffeurs, horlogers, mécaniciens, jardiniers, traducteurs...).
Même si Raul Castro s'est engagé à ce que "personne ne soit abandonné à son sort", la population est divisée.
Beaucoup s'inquiètent, tandis que d'autres se félicitent de la délivrance de permis pour pouvoir travailler à leur compte, une mesure annoncée en août pour assurer la reconversion d'une partie des chômeurs et dynamiser l'économie.
Yvonne Molina, 27 ans, espère ainsi gagner davantage que le salaire mensuel versé par l'Etat (20 dollars, 16 euros) avec le petit atelier de couture qu'elle a pu ouvrir dans le garage de sa maison, à La Havane.
"Je paye 300 pesos par mois (12 dollars) pour le permis et j'ai gagné 250 pesos en une semaine. J'ai toujours retouché des vêtements. Avant, je le faisais illégalement. Maintenant, je peux faire des vêtements, les vendre et gagner ma vie sans craindre de recevoir une amende", a-t-elle déclaré à l'AFP.
Depuis qu'il a succédé à son frère Fidel en juillet 2006, Raul Castro cherche à augmenter la productivité, qui a diminué de 1,1 % l'an dernier. Il a notamment annoncé en avril que le gouvernement cherchait à reconvertir plus d'un million d'employés.
L'économie cubaine, fortement dépendante des importations, est minée par la corruption alimentant un imposant marché noir, une bureaucratie pléthorique et le plus vieil embargo au monde, imposé en 1962 par les Etats-Unis.
Dans ce pays où 50 % des terres sont improductives et 80 % des aliments sont importés, la construction, l'agriculture ou l'industrie manquent en outre régulièrement de bras.
Depuis des années, le gouvernement assurait aux chômeurs jusqu'à 60 % de leur salaire dans l'attente d'un nouvel emploi. Mais la CTC a aussi annoncé lundi qu'elle "modifierait l'actuel traitement professionnel et salarial" des chômeurs, qui ne pourront "plus profiter d'un régime de protection et de subvention de forme indéfinie".
Ces annonces surviennent peu après la controverse autour des déclarations de Fidel Castro, selon lesquels "le modèle cubain ne marche plus". Il avait cependant assuré vendredi que cette phrase, publiée dans le magazine américain The Atlantic avait été mal interprétée.