De la Jordanie au Liban, de la Syrie au Yémen

Re: De la Jordanie au Liban, de la Syrie au Yémen

Messagede pit le Sam 19 Oct 2013 13:38

Un dossier Syrie sur le site de l'OCL
http://oclibertaire.free.fr/spip.php?article1420
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Re: De la Jordanie au Liban, de la Syrie au Yémen

Messagede Antigone le Mer 24 Sep 2014 15:49

Pour comprendre quelque chose à l'implosion du Yémen

L'histoire du Yémen est assez complexe, mais elle s'est construite à partir d'un découpage nord/sud qui est toujours d'actualité.

Au XIXe siècle, le Yémen appartenait à l'Empire Ottoman, mais depuis le XVIIe siècle, il était administré par un sultan zaïdi. Le zaïdisme est une branche du chiisme dont les adeptes reconnaissent Zayd ben Ali (ou Zaïd), descendant de Mahomet et de Fatima, arrière-petit-fils d'Ali, comme le 5e et dernier imam. Zayd tenta de renverser le calife de la dynastie des Omeyyades vers 740, mais il fut vaincu et décapité, crucifié, brulé, réduit en petits morceaux et j'en oublie peut-être.

En 1838, le sultan céda Aden, qui n'était qu'un petit village, et les terres alentour à l'Empire britannique. La Compagnie des Indes orientales déclinante s'y établit l'année d'après. La disparition de la Compagnie dans la seconde moitié du XIXe siècle n'empêcha pas Aden de devenir un port prospère, une escale incontournable sur la route qui conduisait les bateaux de commerce du canal de Suez à Bombay.

En 1918, l'Empire Ottoman disparaît. L'Empire britannique, au sud, étend son influence vers Zanzibar à partir d'Aden. Plus à l'est, il propose sa "protection" aux souverains locaux, tandis qu'au nord, l'imam des zaïdites crée le royaume Mutawakkilite du Yémen dirigé par un imam-roi. Ce royaume (ou imamat) se maintiendra tant bien que mal. Il résistera aux tentatives d'annexion du roi Saoud d'Arabie, recherchant même le soutien de l'URSS qui commence déjà à s'intéresser à la région.

En 1952, le roi Farouk d'Egypte est renversé par un groupe d'officiers commandé par Nasser. En 1956 le canal est nationalisé et l'armée britannique doit se retirer de Suez sous la pression des USA et de l'URSS. Encouragés par la victoire politique de Nasser, des fronts de libération nationale apparaissent contre l'occupation coloniale britannique. Les partis Baas qui prônent un nationalisme arabe "anti-impérialiste" deviennent en Syrie, en Irak et au Yémen des forces politiques importantes. Ils prendront le pouvoir dans les années 60.

Le Royaume-Uni prend conscience qu'il faudra partir. Il prépare alors son retrait en réunissant la multitude des petits sultanats et émirats du sud au sein d'une entité sur laquelle il espère, après son départ, continuer à exercer une influence. C'est du moins son calcul. A partir de 1959 le protectorat d'Aden s'intègre dans une fédération d'émirats arabes qui devient en 1962 la Fédération d'Arabie du Sud (FAS). Dans la partie orientale, les sultanats et émirats de tradition féodale se regroupent dans un ensemble distinct, le Protectorat d'Arabie du Sud (PAS) dont la principale province est l'Hadramaout.

Le 27 septembre 1962, le parti nassérien renverse la monarchie Mutawakkilite et proclame la République arabe du Yémen (Yémen du nord). Une guerre civile éclate aussitôt entre les républicains soutenus par l'Egypte et les royalistes soutenus par l'Arabie saoudite. C'est aussi le début d'une période de troubles, de guérilla et d'attentats au sud où l'armée britannique est harcelée et où deux mouvements nationalistes (FLN et FLOSY) s'opposent. En 1964, la Grande-Bretagne annonce son intention de partir dans un délai de 4 ans, le temps de préparer l'indépendance de la FAS. Ce processus ira à son terme pour les Emirats Arabes Unis en 1971 mais il n'aboutira pas pour l'Arabie du Sud. Le 30 novembre 1967, les troupes britanniques quittent le pays un peu précipitamment, laissant Aden aux mains du FLN. Les sultanats sont renversés. Les territoires du sud (Aden + FAS + PAS) sont réunis au sein de la République populaire du Yémen du Sud, qui sera rebaptisée en 1970 République démocratique populaire du Yémen, régime à parti unique qui, comme vous vous en doutez, ne sera ni démocratique, ni populaire.

Le gouvernement du Yémen du nord ayant contribué à chasser la puissance coloniale au sud, on s'attend à ce que les deux parties du Yémen fusionnent. Il n'en sera rien. C'est sans compter sur le contexte de guerre froide qui impose partout une délimitation des zones d'influence entre les USA et l'URSS. Le Yémen fera partie du découpage. Les USA (et l'Arabie saoudite) apporteront leur soutien au régime du nord en abandonnant leurs prétentions au sud, et l'URSS à celui du sud après avoir lâché ses partisans nassériens au nord. L'arrangement satisfait les deux parties. Il y aura bien deux guerres en 1972 et 1979 mais elles s'arrêteront vite sous la pression des grandes puissances. Il faudra attendre la chute du Mur de Berlin pour que la réunification des deux Yémen se réalise; ce sera en 1990.

Entre 1967 et 1990, le rapport de force politico-économique s'inverse entre le nord et le sud. Bien qu'Aden conserve un statut particulier qui la met à l'abri d'une application de la charia, le port n'a plus le même rayonnement ni la même activité que dans les années 60. Les communautés non musulmanes quittent le pays. Le sud s'appauvrit en même temps qu'il se vide malgré l'aide apportée par la Chine. En revanche, Sanaa, au nord, profite des largesses prodiguées par l'Arabie saoudite. La ville se remplit de travailleurs immigrés venus du sud, porteurs d'un islam conservateur, et devient la capitale naturelle de l'ensemble yéménite.

Lorsque Ali Saleh devient président du Yémen réunifié, il est déjà président du Yémen du nord depuis un coup d'Etat en 1978. Son pouvoir personnel, autoritaire, est rodé. Des révoltes éclatent sporadiquement dans les régions les plus pauvres, notamment dans la province de Saada, dans le coin nord-ouest où les chiites sont majoritaires. Elles sont réprimées avec l'aide de l'Arabie saoudite. La découverte de pétrole dans l'Hadramaout à la fin des années 80 sera à l'origine d'une résurgence séparatiste au sud avec la création d'une République démocratique du Yémen qui ne survivra que quelques semaines. Mais au bout de 32 ans de domination, le régime de Saleh est usé.

Tout va se précipiter à partir de janvier 2011. Des manifestations de masse se répandent à travers le pays. Elles réclament des meilleures conditions de vie et la chute du régime corrompu du président. S'inscrivant dans le "Printemps arabe", elles durent pendant des mois jusqu'à ce que Saleh, blessé par un tir d'obus, soit obligé de transférer le pouvoir exécutif à son vice-président en novembre 2011. S'ouvre alors une vacance du pouvoir que les dispositions constitutionnelles ne comblent pas. Peu à peu les manifestations sociales ont fait place à des conflits communautaires épars, comme en Syrie. Al Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA) s'est installé dans la région désertique de l'Hadramaout. Le sud (Aden) dénonce le centralisme du pouvoir à Sanaa et réclame son indépendance.

Le pouvoir a répondu à ces défis par un projet fédéraliste qui bouleverse l'actuelle division administrative en 20 gouvernorats. Il cherche à réduire l’influence des tribus, celle des chiites en particulier, qu'ils soient ismaélites ou zaïdites. Leur fief serait dilué, divisé entre plusieurs régions à majorité sunnites. Ils seraient minoritaires partout, perdant toute possibilité de faire valoir leurs droits tant en matière politique que pour l'éducation. Mais plus généralement les petits potentats locaux et chefs de tribus craignent de voir leur pouvoir disparaître.

Cette réforme prévoit de découper le pays en 6 régions autonomes:
Au nord, d'ouest en est:
- Tahama (Hajjah, Al-Hudaydah ou Hodeidah, Al-Mahwit, Raymah)
- Azal (Saada ou Sadah, Amran, Al-Mahwit, Sanaa, Dhamar)
- Saba (Al-Jawf, Marib, Al-Bayda)
Au sud, d'ouest en est:
- Janad (Taïzz, Ibb)
- Aden (Lahij, Ad-Dali, Zinjibar ou Zanzibar)
- Hadramaout (Shabwah, Al-Mukalla et Shir, Al-Ghaydah)

La tribu la plus remuante est celle des chiites zaïdites de Saada qui rêvent de refonder le royaume Mutawakkilite. Son chef s'appelle Abdel Malek al-Houthi. Ses partisans sont donc les Houthis. Ils sont membres du mouvement Ansarullah. Ce sont eux qui ont pris le contrôle de la capitale ce dimanche. Ils se sont opposés aux sunnites du parti d'Al-Islah de la tribu d'Hamid Al-Ahmar, l'une des plus puissantes du Yémen, fortement représentée au sein de l'appareil d'Etat et du gouvernement. Tawakkol Karman, activiste des rassemblements étudiants à Sanaa qui a reçu le Prix Nobel de la Paix en 2011, est membre de ce parti que l'on dit proche des Frères musulmans.

Le Yémen est en voie d'implosion. La division nord/sud paraît être un fait acquis. Toutefois le groupe Ansarullah a déclaré à plusieurs reprises que son objectif n'était pas de renverser le président Hadi mais de pousser le gouvernement à modifier ses réformes, annuler sa décision de libéraliser le secteur de l'énergie, garantir l'autonomie de la région chiite de Saada. Mais vu la situation de blocage qui s'éternise depuis plusieurs mois, le coup d'Etat n'est plus à exclure.

Le gros problème réside dans le sud. L'Arabie saoudite, fidèle soutien du pouvoir à Sanaa, a l'habitude de réprimer les Huthis. Elle ne souhaite pas l'éclatement du Yémen car cela pourrait encourager les séparatismes à l'intérieur du Royaume. Or l'armée yéménite étant incapable et divisée, ce sont les milices houthies qui combattent le plus souvent les jihadistes d'AQPA dans l'Hadramaout. Elles le font pour que l'Arabie saoudite ne soit pas tentée d'intervenir et, profitant de la faiblesse du pouvoir à Sanaa et de la décomposition de l'Etat, de forcer le débouché maritime sur l'Océan indien qui lui fait défaut... Toutefois une confrontation avec AQPA au sud, si elle se produisait, fragiliserait la frontière au nord avec la province irakienne d'Al-Anbar contrôlée par l'Etat Islamique. Derrière la question yéménite, on devine que c'est la stabilité du régime saoudien qui est en jeu.

Le Monde d'Antigone, 23/0/2014
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Messagede pit le Lun 24 Nov 2014 01:14

Raqqa : «Nous sommes anti-régime et anti-Daech»

Par Benjamin Barthe (Gaziantep/Turquie)

Une poignée de militants envoient clandestinement nouvelles et images de Raqqa, le fief de la milice djihadiste

Raqqa bouge encore. Dans la capitale syrienne de l’Etat islamique (EI), une poignée de militants syriens continue de dire non à l’ordre djihadiste. Armés d’un téléphone portable et d’une connexion Internet, ces risque-tout d’une vingtaine d’années s’entêtent à défier le silence médiatique imposé par les hommes au drapeau noir. Vidéos d’exécutions, photos des sites bombardés par l’aviation américaine, images d’une ville exsangue, désertée par sa population… Les pages Twitter, Facebook et YouTube qu’ils gèrent clandestinement, sous le label «Raqqa se fait massacrer en silence», racontent les dessous du «paradis» panislamiste promu par la propagande de l’EI.

Fin octobre, à la faveur de l’obscurité, ces rebelles se sont même filmés, le visage encagoulé, en train de taguer «A bas Daech» (l’acronyme arabe de l’organisation) sur des murs de leur ville. Un geste d’insoumission qu’ils pourraient payer très cher s’ils venaient à être démasqués. Peu après le lancement de leur campagne, à la fin avril, un prêcheur de la ville a officiellement appelé au meurtre de ces «apostats». L’un d’eux, un étudiant de 21 ans, Mu’taz Ibrahim, arrêté en possession de matériel vidéo, a été tué quelques jours plus tard. «Nous sommes des militants révolutionnaires, anti-régime et anti-Daech, raconte Abou Ward al-Rakkaoui, le pseudonyme d’un des militants, joint sur place par Skype. Depuis que l’Etat islamique a pris le contrôle de la ville en janvier, notre rôle consiste à exposer ses crimes.»

Le récit de l’hypocrisie

Cet ancien étudiant en biologie forme, avec une quinzaine d’autres reporters amateurs, la partie immergée de la campagne. Ce sont eux qui filment à la dérobée, prennent des photos incognito et glanent des informations auprès de contacts secrets, en lien avec l’Etat islamique. A l’autre bout de la chaîne, réfugiés à Gaziantep, une ville-champignon du sud de l’Anatolie, quatre autres militants traitent le matériel envoyé par Internet. Ils éditent les textes et les photos, montent les vidéos, avant d’y apposer le logo de la campagne et de télécharger le tout sur leur site (http://www.raqqa-sl.com) et les réseaux sociaux. «Nous avons récemment relaté comment des Tchétchènes et des Ouzbeks de l’EI se sont affrontés dans les rues de Tabka, près de Raqqa, pour une maison que l’un avait piquée à l’autre», expose Abou Ahmed al-Rakkaoui, l’alias d’un des exilés de Gaziantep.

Le titre de gloire de cette agence de presse de l’ombre est d’avoir révélé, début juillet, qu’une opération de sauvetage des journalistes américains prisonniers de l’EI venait d’être menée en lisière de Raqqa, sans succès, par des commandos américains. Ce scoop obtenu d’un villageois qui s’était retrouvé nez à nez avec les forces spéciales débarquées par hélicoptères et venues fouiller son domicile n’avait pas retenu l’attention des grands médias à l’époque. C’est à la fin août seulement, après que la décapitation du reporter James Foley eut incité Washington à reconnaître qu’un raid de libération avait été tenté, que ces révélations ont été prises au sérieux.

Des espions partout

Les citoyens journalistes n’ont pas réédité pareil exploit depuis cette date. Mais ils fournissent un flux régulier d’informations sur la vie dans le califat proclamé par Abou Bakr al-Baghdadi, le chef de l’EI. Les plus intéressantes ne sont pas celles dépeignant la sauvagerie de ses disciples, leur goût de la décapitation ou de la crucifixion étant désormais bien connu. Là où les militants touchent juste, c’est quand ils racontent l’hypocrisie des prétendus guerriers de l’islam et leurs accommodements avec la morale ultra-puritaine qu’ils professent. Ils les montrent par exemple, photos à l’appui, en train de s’empiffrer, quand un nombre croissant d’habitants de la ville ont recours à la soupe populaire pour survivre.

«Daech a distribué à ses membres un papier qui les dispense de faire la queue devant les boulangeries de Raqqa», affirmaient-ils dans un tweet daté du 12 novembre. Un autre message sur le site de micro-blogging assurait que la propension des djihadistes à poursuivre de leurs assiduités les femmes marchant seules dans la rue causait un nombre croissant d’incidents. «On entend beaucoup dire que Daech fonctionne comme un Etat, qu’ils offrent des services, etc., dit Abou Ahmed. C’est de la propagande. A Raqqa, actuellement, les habitants ne disposent que de quelques heures d’électricité par jour, alors que la ville est située à proximité d’un des plus gros barrages du pays. Des milliers d’habitants ont fui vers la Turquie.»

Sur le terrain, les militants clandestins risquent de se faire repérer à chaque coin de rue. Par les extrémistes, qui ont évacué leurs bases avant le début des frappes américaines et se sont fondus dans la population; par les caméras qu’ils ont installées dans les emplacements stratégiques de la ville; mais aussi par les indics voilées de l’EI, une unité de femmes qui se sont baptisées «Al-Khansa» et qui profitent du fait que leur niqab leur masque le regard pour mieux surveiller ce qui se passe autour d’elles. «Nos règles de sécurité sont draconiennes. Tout ce que nous envoyons à Gaziantep est aussitôt effacé», explique Abou Ward.

Pour l’instant, le réseau résiste. Piqués au vif, les fanatiques ont lancé une campagne concurrente, intitulée «Raqqa prospère en silence». Les photos diffusées montrent notamment des militants de l’EI organisant le trafic automobile dans le centre-ville. «Nous avons pris cela comme un hommage», sourit Abou Ahmed. (Article publié dans Le Temps, 15 novembre 2014, p. 6)

http://alencontre.org/moyenorient/syrie ... daech.html
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Re: De la Jordanie au Liban, de la Syrie au Yémen

Messagede pit le Jeu 19 Nov 2015 14:48

Syrie. Vent de révolte contre Daech dans la ville de Manbij

Les habitants de Manbij, dans la province d’Alep, sont descendus dans la rue pour protester contre les règles imposées par l’Etat islamique, qui contrôle la ville.

Ce sont des manifestations “sans précédent”, explique le site d’information libanais Now., qui rapporte que les résidents de la ville de Manbij (75 000 habitants) ont manifesté jeudi 12 novembre “contre les règles draconiennes” imposées par l’organisation Etat islamique (EI). “Cette ville connaît un niveau exceptionnel de colère populaire”, précise le site.

C’est un groupe rebelle syrien, appelé Manbij Mubasher, qui a fait part de ces événements sur sa page Facebook, ajoute Now. “En réponse aux pratiques d’oppression de l’EI contre les habitants de Manbij, des dizaines de citoyens sont descendus dans la rue pour critiquer le groupe jeudi après-midi [12 novembre]”, ont expliqué les membres de Manbij Mubasher. Les manifestants ont défilé en petits groupes dans les rues, avant d’être arrêtés par des membres de Daech armés de mitraillettes, précisent-ils.

... http://www.courrierinternational.com/ar ... -de-manbij
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Re: De la Jordanie au Liban, de la Syrie au Yémen

Messagede Zoom le Sam 22 Oct 2016 17:10

Syrie : Au cœur de la mêlée impérialiste

La guerre civile syrienne est devenue, pour bonne part, le thé­âtre d’un affrontement indirect entre puissances étrangères. Russie, États-Unis, Iran, Turquie, France, pétromonarchies... Qui veut quoi  ? Et le Rojava dans tout ça  ? Essai de décryptage et hypothèses.

Pour la troisième fois cette année, la Syrie a vu l’échec, en septembre, d’une tentative de trêve parrainée par la Russie et les États-Unis. ­Échec principalement dû à la multiplication, au sein de la guerre civile, de forces armées aux objectifs contradictoires, aux alliances mouvantes, aux parrainages incertains. Difficile de faire respecter un cessez-le-feu dans ces conditions. Plus que jamais cependant, Moscou et Washington apparaissent comme le duo sans qui rien ne pourra se faire en Syrie. Au grand ­agacement des autres puissances ingérentes – Iran, France, Turquie, Arabie saoudite… – tenues à distance des conciliabules russo-américains, ou conviées à d’inutiles conférences multilatérales, comme celle de Lausanne le 15 octobre [1].

C’est essentiellement du fait des interventions étrangères que la révolution de 2011 a dégénéré, courant 2012, en guerre civile. Dans cette mêlée des impéria­lismes, chacun poursuit des objectifs, fait des paris, teste ses partenaires et concurrents... Et pendant ce temps, la population civile, otage de ce jeu cruel, fuit par milliers.

Ce que veut la Russie

Avant tout, Moscou veut conserver la Syrie dans son orbite. Ce pays, allié depuis 1971, accueille le seul relais de la flotte russe en Méditerranée : Tartous. Mais garder la Syrie ne signifie pas nécessairement garder Bachar el-Assad. Après cinq ans de massacres, tout le monde sait que le dictateur n’aura plus jamais l’autorité pour régner sur l’ensemble du pays. L’idéal serait donc d’obtenir des négociations et un compromis entre Assad et l’opposition non djihadiste. Puis une transition qui durerait un an ou deux, vers un gouvernement d’union nationale parrainé par Moscou... et débarrassé du compromettant Assad. On l’imagine très bien finir ses jours dans un exil doré en Russie ou en Iran. Ce compromis permettrait d’isoler et de désagréger les forces djihadistes – Daech et le front Fatah al Cham (ex-front Al Nosra, lié à Al Qaeda) – qui prospèrent sur le chaos ambiant.

Mais il y a plusieurs obstacles à ce scénario : primo, Assad peut se montrer indocile et, pour résister à son éviction, saboter un éventuel processus de paix ; secundo, les villes et les brigades rebelles qui ont enduré, depuis cinq ans les barils explosifs et les attaques chimiques, transigeront difficilement sur le départ de Assad ; tertio, sur le terrain (notamment à Alep) une bonne partie des brigades rebelles a besoin, pour tenir, de l’alliance avec le front Fatah al Cham, et elles ne sont pas prêtes à y renoncer pour de très hypothétiques négociations de paix.

Ce que voudraient les États-Unis

Washington n’a jamais fait du renversement de Bachar el-Assad une priorité. Quand François Hollande avait voulu attaquer Damas, en septembre 2013 Obama avait refusé de le suivre. Depuis l’été 2014, c’est encore plus clair : la priorité est la destruction de l’État islamique et, dans une moindre mesure, celle de Fatah al Cham. Dans cette mesure, le scénario russe d’une transition incluant Assad est accepté par les États-Unis depuis mars 2015.

Les obstacles à ce scénario sont cependant tels que, dans les milieux diplomatiques états-­uniens, une autre possibilité est parfois évoquée  : la partition du pays en un Kurdistan, un « Arabistan » et un « Alaouistan » – trois entités ethnico-religieuses dont chacune serait, par la force des choses, le protectorat d’une puissance étrangère. Ce scénario est cependant si dangereux – il amorcerait une remise en cause générale des frontières au ­Proche-Orient – qu’aucun pays voisin n’en veut. Au mot repoussoir de « partition », les Américains préfèrent donc celui de « fédéralisation » [2] – un fédéralisme dévoyé puisque assujetti à une stratégie impérialiste.

Ce que veut la Turquie

Pour Ankara, le renversement de Assad n’est plus une priorité, et la partition du pays – qui conduirait à un Kurdistan autonome – est exclue. Depuis la bataille de Kobanê, fin 2014, le principal souci d’Erdogan est d’enrayer la dissidence kurde en Turquie, et d’entraver l’émergence du Rojava. C’est dans ce but qu’avec le feu vert de Moscou et de Washington, l’armée turque a envahi une portion du territoire syrien pour refouler les milices kurdes à l’est de l’Euphrate.

La « zone tampon » dé­sormais sous son contrôle sert de base arrière aux rebelles subventionnés par Ankara et continue à abriter les filières de soutien à Daech [3].

Des camps de réfugiés pourraient également y être implantés [4]. Ces réfugiés que la Turquie retient sur son sol constituent son meilleur moyen de pression sur l’Union européenne.

À force d’être montré du doigt comme le principal soutien de Daech, Erdogan a néanmoins dû prendre ses distances avec Daech, mais il évitera de rompre complètement, de crainte de représailles sur le sol turc, où les réseaux djihadistes sont très présents.

Ce que veut l’Iran

La priorité de Téhéran est à la fois le maintien du régime syrien actuel, son unique allié dans le monde arabe face à l’Arabie saoudite, et la destruction de Daech. Sans une Syrie maintenue dans l’intégrité de ses frontières, l’Iran perdrait sa jonction territoriale avec son principal agent dans la région : le Hezbollah libanais. Et Daech, qui considère que les hérétiques méritent la mort, menace directement les populations chiites d’Irak et alaouites de Syrie, dont Téhéran se veut le protecteur. Des milliers de soldats iraniens et de miliciens chiites rémunérés par Téhéran sont déployés en Irak et en Syrie pour y faire face.

Ce que veulent l’Arabie saoudite, les EAU et le Qatar

Les pétromonarchies, qui rejettent toute partition du pays, ­voudraient le départ de Assad et sont dépitées du peu d’empressement de Washington sur ce point. En finançant et en armant les forces rebelles, dont le front Fatah al Cham, elles exercent néanmoins une pression sur l’allié américain.

Entre 2011 et 2013, de pieuses donations de businessmen et de princes du Golfe ont également alimenté Daech [5], avant que les pouvoirs publics ne mettent le holà – trop tard, le monstre avait pris de l’envergure et acquis les moyens de son autofinancement.

L’Arabie saoudite redoute à présent les attentats djihadistes sur son sol – trois ont été perpétrés en juillet dernier. La Syrie et le Yémen sont les principaux théâtres de la guerre indirecte que se livrent le bloc sunnite et l’Iran chiite mais, moins résolues, les pétromonarchies n’ont pas encore osé engager des troupes au sol.

Ce que veulent la France, la Grande-Bretagne, la Belgique...

La priorité de Paris, de Bruxelles et de Londres est de tarir le flot des réfugiés et d’éradiquer Daech, le départ de Bachar el-Assad étant clairement passé au second plan. Dès le début de la guerre civile, les services français et britanniques ont activement soutenu l’opposition armée. L’interventionnisme franco-britannique a culminé en septembre 2013, avec la préparation – avortée – d’une attaque contre Damas.

Puis l’attention s’est reportée sur Daech, d’abord en Irak, puis en Syrie. L’opération Chammal, menée par l’armée française, est montée en puissance, avec des forces aéronavales considérables – dont le porte-avions Charles-de-Gaulle –, loin devant les autres États de l’UE engagés dans la coalition (Pays-Bas, Belgique, Royaume-Uni, Danemark).

Ce qu’espère la gauche kurde

La priorité du PYD syrien, c’est de consolider l’autonomie du Rojava, en tirant profit au maximum de la marge de manœuvre que lui donnent les événements : affaiblissement de Damas, aide matérielle de Washington et de Moscou, neutralité de Téhéran, bienveillance de Paris et Londres. Depuis octobre 2015, les milices YPG-YPJ ont formé, avec des brigades syriaques et arabes, les Forces démocratiques syriennes (FDS). Outre ses capacités militaires, l’alternative politique portée par la gauche kurde est un réel atout vis-à-vis des populations locales et de ses soutiens internationaux.

Fin août, lors de l’intervention turque en Syrie, Russes et Américains ont publiquement pris leurs distances avec les FDS [6]... puis ont continué de les aider sans excès de discrétion [7]. Une attitude qui consiste sans doute à tenir la dragée haute à la fois aux Kurdes et à Erdogan… La gauche kurde n’aura pas été surprise par la duplicité de ses alliés de circonstance ; cela constitue en tout cas un utile rappel de la nécessité pour elle de rester parfaitement indépendante dans ses objectifs, d’où que vienne ­l’aide qu’elle accepte.

La difficulté politique, pour les militantes et les militants kurdes est de revendiquer une fédéralisation de la Syrie sans passer pour des « antipatriotes », fourriers d’une partition du pays. Le PYD prend donc toujours soin de préciser que son projet de « confédéralisme démocratique » est compatible avec le maintien d’une Syrie unie. La Turquie, cependant, fera tout pour empêcher ce scénario, et les Occidentaux ne voudront pas contrarier Ankara sur ce point ; d’autre part, il y a un consensus entre Assad et son opposition pour exclure le PYD des négociations de paix, et Moscou comme Téhéran ne lui forceront pas la main sur ce point.

Ce que voudrait le régime de Damas

Partition ou maintien de l’intégrité du pays, ce qui intéresse le régime est avant tout la sécurisation de l’Alaouistan. Et, pour Assad et son clan, la sécurisation de son pouvoir ou, à défaut, de ses biens. Mais la « reconquête » revendiquée de l’ensemble du territoire semble totalement irréaliste. Ne tenant plus que par la volonté de Moscou et de Téhéran, le régime a une marge de manœuvre assez étroite.

Guillaume Davranche (AL Montreuil), avec Cem Akbalik (socialiste libertaire kurde)


[1] « La réunion de Lausanne sur la Syrie s’achève sans clash mais sans avancée » https://www.letemps.ch/monde/2016/10/15 ... sh-avancee, Letemps.ch, 15 octobre 2016

[2] Henry Kissinger, « A Path Out of the Middle East Collapse » http://www.wsj.com/articles/a-path-out- ... 1445037513, Wall Street Journal, 16 octobre 2015.

[3] Jusque-là, Washington et Moscou s’opposaient à une intervention turque. Pourquoi l’avoir avalisée en août 2016 ? En échange de l’arrêt du soutien turc à Daech ? En échange d’un assouplissement envers Bachar ?

[4]  Fehim Tastekin, « Is Turkey falling into its own Syrian trap ? » http://www.al-monitor.com/pulse/origina ... gmire.html, Al Monitor, 1er septembre 2016.

[5] Les États saoudiens et qataris eux-mêmes ont-ils participé à ce financement ? C’est ce qu’affirmait en privé le Département d’État américain en août 2014, dans un mail d’Hillary Clinton http://www.itele.fr/monde/video/dans-un ... que-171430 dévoilé par Wikileaks.

[6] « Remarks With Russian Foreign Minister Sergey Lavrov at a Press Availability », Genève, 26 août 2016 (sur le site du Département d’État américain http://www.state.gov/secretary/remarks/ ... 261303.htm).

[7] « Turquie : Erdogan accuse Washington d’avoir livré des armes aux Kurdes syriens », Lesoir.be, 23 septembre 2016


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Re: De la Jordanie au Liban, de la Syrie au Yémen

Messagede Antigone le Lun 5 Juin 2017 16:34

Mis au ban du CCG, l'avenir incertain du Qatar
Le M.A., le 05/06/2017
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Trois pays du Golfe, dont l'Arabie saoudite, ainsi que l'Egypte ont annoncé la rupture de leurs relations diplomatiques avec le Qatar, lundi, en invoquant des questions de sécurité nationale et en accusant Doha de déstabiliser la région et de soutenir des "groupes terroristes".
L'explication du "soutien aux groupes terroristes" est un écran de fumée qui ne sert qu'à justifier des positions idéologiques. En réalité, au delà de cette rhétorique dont la presse nous rabat les oreilles, la vraie explication de la rupture des relations diplomatiques entre les Etats du Conseil de coopération du Golfe (CCG) et le Qatar est économique. Dans le système capitaliste, tout s'explique par l'argent...

La guerre de Syrie est une guerre de gazoducs. L'Iran souhaiterait ne plus dépendre du détroit d'Ormuz pour l'acheminement de ses hydrocarbures et avoir un accès direct et bien meilleur marché à la Méditerranée et au marchés européens. Pour cela il lui faut être relié à la Syrie d'Assad que soutient le Hezbollah libanais. Le Qatar l'aide dans cette entreprise. Mais le chemin est long pour connecter les tuyaux. Mais surtout, les territoires traversés sont sous le contrôle d'une multitude de groupes armés financés par différentes sources, venant par différents canaux. Les embûches sont innombrables. La bataille de Raqqa qui est en train de s'engager fait bouger les lignes entre la Turquie, les milices kurdes et les régimes sunnites. Les rivalités d'intérêts s'exacerbent, les alliances sont mises à mal...

Dans cette région où la moindre déclaration est amplifiée et utilisée comme moyen de pression politique, la remise en question de la "solution à deux Etats" par Trump à propos de la Palestine, puis l'assouplissement de la position du Hamas le mois dernier à l'égard d'Israël concernant les frontières de 1967, a indéniablement déstabilisé le Qatar qui était jusqu'à présent son principal allié (il héberge sa Direction à Doha depuis 2011). Pour enfoncer le clou, Trump a, pour son premier voyage à l'étranger, clairement fait le choix de l'Arabie saoudite contre l'Iran. La signature d'un contrat d'armements de 110 milliards de dollars a, il faut bien le dire, modifié quelque peu les rapports de force.

On observera à présent avec attention la réaction de la Turquie, seul pouvoir solide des Frères musulmans dans la région après avoir mis en prison tous les éléments de l'appareil d'Etat suspectés de liens avec le prédicateur Gülen. Erdogan est devenu une pièce centrale de l'échiquier politique régional. Encore sous contrat avec les USA, via l'OTAN et ses bases militaires; courtisé par Poutine mais en guerre contre les Kurdes (armés par les USA et par la Russie !), avec des intérêts stratégiques qui deviennent maintenant de plus en plus antagonistes avec ceux de l'Arabie saoudite. L'objectif de la Turquie est de figurer en bonne place à la table des négociations quand viendra l'heure du règlement final, et c'est bien le sens de sa présence aux tractations d'Astana avec l'Iran et la Russie, les vainqueurs de la bataille d'Alep.

Enfin, en marge de ce jeu d'imbrications complexes mais avec un pouvoir d'influence certain, Israël qui a régularisé ses relations avec la Turquie, ainsi qu'avec l'Egypte que Ryad soutient financièrement à bout de bras, et qui joue le jeu de repoussoir d'une diplomatie iranienne soutenue par Moscou, mais tournée vers les marchés européens. Les dirigeants du Hamas ont semblé ces derniers jours préférer cet argent-là à celui de Doha.

On comprend que la position du Qatar, s'il se confirme que l'émirat est mis au ban des monarchies du Golfe, devienne plus inconfortable, soumise à des intérêts dont il n'a pas la maîtrise. A la fois lié politiquement à la Turquie qui mange à tous les râteliers en attendant de choisir celui qui lui sera le plus profitable, et lié économiquement à l'Iran avec qui il partage un gisement gazier colossal dont il tire un grosse partie de ses revenus.

Il y avait par ailleurs un conflit d'intérêts flagrant au Yémen où le Qatar participait (en théorie) à la Coalition militaire arabe dirigée par l'Arabie saoudite contre les Houthis armés par l'Iran que Trump n'a cessé, à Ryad, d'accuser de soutenir le "terrorisme". Les autres monarchies du CCG et l'Egypte viennent de régler cette contradiction en plaquant sur l'émirat l'étiquette infamante de "terroriste".
Voilà. Désormais, pour le Qatar, ce n'est pas du PSG ni de beIN sports que viendra son salut...

Mathieu Mabin, sur France24, expliquait ce midi que les supermarchés de Doha étaient pris d'assaut. Les habitants qui craignent un conflit font des provisions.
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