UN AUTRE FUTUR. 1936. Une guerre civile éclate en Espagne

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Re: UN AUTRE FUTUR. 1936. Une guerre civile éclate en Espagne

Messagede Zoom le Mar 13 Sep 2016 08:07

1936 : L’Espagne entre guerre et révolution

Quand la guerre d’Espagne débuta, en juillet 1936, il y avait non pas deux, mais trois camps : fascistes, républicains et révolutionnaires. La question était : lequel des trois devait l’emporter sur les deux autres ? Par la force des choses, la CNT-FAI a dû s’allier avec le gouvernement républicain pour faire face à Franco. Mais n’a-t-elle pas été dupée ? Alexandre Schapiro détaille les erreurs commises.

Moins d’un an après l’insurrection fasciste et la révolution ouvrière qui lui a répondu, Alexandre M. Schapiro (1882-1946), militant anarchiste et syndicaliste révolutionnaire, publie dans Le Combat syndicaliste du 28 mai 1937 un article intitulé « Guerre ou révolution ».

Au lendemain de la semaine des barricades à Barcelone, il fustige l’impréparation et la candeur de la CNT devant les impératifs d’une révolution à construire et consolider. Il revient aussi sur les capitulations à répétition de la ­direction de la centrale anarcho-syndicaliste ibérique.

Schapiro est une des figures marquantes du mouvement libertaire international de la première moitié du XXe siècle. Banni de la Russie bolchévique, il s’est réfugié en Allemagne puis en France où il a contribué activement à la construction de l’Association internationale des travailleurs (AIT), fondée en 1922 à Berlin. Dans les années 1930, il adhère à la CGT-Syndicaliste révolutionnaire et collabore activement à son journal Le Combat syndicaliste.

Son article revient sur les erreurs stratégiques qui condamnent le processus révolutionnaire.

Dès l’automne 1936, l’entrée aux gouvernements de la Generalitat catalane et celui de Madrid de ministres anarchistes ; ensuite, en avril 1937, la complicité tacite de ces mêmes « camarades-ministres » quand est promulgué le décret de militarisation des milices qui met fin à l’idée d’une armée révolutionnaire sous le contrôle des organisations ouvrières ; enfin, les événements sanglants de mai 1937 à Barcelone qui voient les militants et militantes de la CNT, des Jeunesses libertaires, des Amis de Durruti et du Poum s’affronter avec les forces contre-révolutionnaires (en premier lieu les staliniens du PSUC).

Alors que les combats font rage, les ministres anarchistes Federica Montseny et Garcia Oliver, figures illustres de la CNT-FAI, appellent leurs camarades à rendre les armes et à fraterniser avec leurs opposants. La coupe est pleine, d’où le ton acerbe d’Alexandre Schapiro.

La participation gouvernementale conçue comme moyen de contrôler les velléités contre-révolutionnaires des « partenaires » républicains est jugée devant l’autel de l’histoire. Les « camarades-ministres » n’ont rien contrôlé. Par leur seule présence dans les cabinets de Caballero et de Companys, par leurs appels répétés à la « responsabilité » et au « calme », ils se sont faits complices des reculs stratégiques et des capitulations politiques.

Jérémie (AL Gard)



Alexandre Schapiro

« GUERRE OU RÉVOLUTION »

Le Combat Syndicaliste, 28 mai 1937


La formation à Valence d’un ministère de concentration républicaine à l’exclusion, nominativement, de l’UGT et de la CNT, n’est réellement qu’une manœuvre habile pour se débarrasser de la CNT, car l’UGT continue à y être représentée – et combien ! – par trois ministres socialistes et deux ministres communistes. Nous croyons, d’ailleurs, que la CNT aurait dû prendre les devants. Car, avoir commis une faute très grave en exigeant la participation gouvernementale ne signifie pas qu’il faille, en continuant à l’approfondir, en faire une vertu.

Cette erreur fondamentale avait suivi de près les événements du 19 juillet 1936. La CNT avait cru qu’elle gagnerait la révolution en Catalogne et dans l’Espagne en participant ministériellement, et dans tous les autres domaines, avec les ennemis les plus acharnés de la révolution. Elle a, au contraire, obligé la CNT à s’éloigner de cette révolution pour laquelle elle avait fait tant de sacrifices physiques et moraux.

Dès le 19 juillet, le mot d’ordre était : Guerre contre le fascisme et révolution sociale à l’arrière. Les collectivisations agraires et industrielles, prenaient un essor admirable parmi les ouvriers et paysans. L’organisation des milices sous le contrôle de la CNT garantissait au peuple en armes la souveraineté de la classe ouvrière et paysanne dans la conduite de la lutte contre le fascisme. La création du Conseil économique, indépendant de toute emprise politique, permettait au prolétariat l’extension, jusqu’à ses limites ultimes, d’une collectivisation provisoire, préparant le chemin pour une socialisation totale de la terre et des moyens de production.

La révolution marchait vers la victoire, malgré les difficultés énormes, qu’elle devait rencontrer inévitablement de tous côtés : sur le front et à l’arrière.

Complicité de la Direction CNT

La participation de la CNT aux gouvernements de Barcelone et de Madrid a aussitôt changé la face des choses. Sous le prétexte de concentrer tous les efforts sur la lutte armée contre le fascisme, les éléments bourgeois et étatiques de ces gouver­nements – qui forment, après tout, contre les représentants de la CNT, une majorité écrasante – exigeaient le ralentissement des mesures révolutionnaires que le peuple entendait bien mener à bonne fin.

La CNT se plia à ces exigences : elle remplissait ainsi les conditions du pacte de collaboration. Ce fut ­d’abord la militarisation des milices qui amena, bien entendu, à leur complète abolition. Le prolétariat n’avait plus en ses mains l’arme principale qui le garantissait contre les traîtres de demain. Ce fut ensuite, avec l’assentiment, voire sur l’initiative d’un ministre de la CNT, que fut crée un ministère de l’Économie nationale faisant double emploi avec le Conseil économique, organe direct du prolétariat. Ce dernier dut plier bagages, sur l’ordre même du ministre anarchiste.

La CNT rentrait, petit à petit, dans le sillon législatif délaissant chaque jour davantage, la grande route révolutionnaire, non pas par la volonté de ses alliés qui étaient en majorité. « La guerre d’abord, la révolution ensuite » devint le mot d’ordre nécessité par les soi-disant exigences du moment, mais qui réellement étaient les conditions posées par la bourgeoisie et par les socialistes autoritaires à la collaboration de la CNT.

Celle-ci se plia de nouveau à ces exigences au nom du pacte de collaboration. Il ne restait, en somme, qu’à faire la guerre et à oublier la révolution. Or la guerre se faisait en dehors des frontières de Catalogne ; c’était le gouvernement de Valence qui en était responsable. Mais ici, les leviers de commande n’étaient pas aux mains de la CNT ? On affamait le front d’Aragon – clé de voûte de toute la guerre – parce qu’on ne voulait pas donner aux anarchistes qui détenaient ce front les armes qui auraient pu servir la révolution ?

La situation est donc celle-ci : en Catalogne, où la CNT avait, de l’avis de tous, les possibilités d’un développement révolutionnaire à la base du conseil libertaire, la révolution fut volontairement étranglée pour ne pas nuire à la conduite de la guerre. Dans le reste de l’Espagne républicaine, la guerre contre le fascisme fut, en premier lieu, une guerre contre la CNT, puisque la clef de la victoire, Huesca et Saragosse, était délibérément ignorée.

On est donc en train de vouloir délibérément perdre la guerre comme on a délibérément étouffé la révolution. D’ailleurs, le gouvernement Prieto-Negrin, loin d’être un gouvernement de guerre jusqu’au bout, s’avère déjà être un gouvernement de médiation, d’abord, de paix ensuite. Les événements des 4 et 5 mai à Barcelone ont hâté l’avènement de ce gouvernement de contre-révolution.

Mais la faute en est à ceux qui, le 5 mai, ont fait appel aux anarchistes en révolte de mettre bas les armes. Le gouvernement contre-révolutionnaire Negrin a été précédé par un appel antirévolutionnaire du front populaire de Barcelone. Car si cet appel n’avait pas été fait, nous aurions eu à Barcelone la révolution.

Mysticisme de la guerre

Aujourd’hui la conduite de la guerre tombe à l’arrière-plan de nos préoccupations. La révolution étouffée à Barcelone le 5 mai, toute victoire sur les fronts ne peut autrement se terminer que par la défaite complète de toute nouvelle tentative révolutionnaire au lendemain d’une telle victoire. Nous sommes donc aujourd’hui – si nous ne voulons pas un jour être traités de traîtres à la révolution – devant l’impérieuse nécessité de proclamer hautement : la révolution seulement, et elle seule, décidera du sort de la guerre.

Mais nous nous heurtons chez nos amis d’Espagne, à une nouvelle vague de mysticisme : la mystique de la guerre. Avant le 19 juillet, c’était la mystique de la révolution qui empêchait nos camarades de comprendre ­qu’une révolution s’organise. Incapables de la réaliser au moment psychologique du 19 juillet, ils la remplacèrent par la mystique de la guerre. Et comme toute mystique fanatise, nous sommes, aujourd’hui aussi, comme avant le 19 juillet, devant une incapacité de raisonnement. Dans le numéro du 4 mai, la Solidarirad Obrera, l’organe de la CNT catalane, publiait en manchette l’appel suivant :

La guerre, camarades ! Par- dessus toutes les misères de l’arrière, par-dessus la politicaillerie indigne, par-dessus les rivalités entre partis, il y a la guerre ! De dures journées se préparent pour la Catalogne que seulement ­l’union étroite de tous pourra surmonter. Camarades : la guerre, la guerre, la guerre !

L’union étroite de tous ayant été rendu impossible par la trahison complète et absolue de toutes les parties contractantes du pacte du 19 juillet, à l’exception de la CNT, l’appel de la Soli est plutôt celui d’une voix clamant dans le désert et que le peuple lui même ne comprend plus.

L’heure est aujourd’hui à l’audace révolutionnaire. Par-dessus tous les dangers d’une rupture, tous les dangers d’une rupture brutale avec les politiciens, par-dessus toutes les embûches semées par les traîtres socialistes, communistes et républicains, par-dessus tous les risques d’une guerre civile sur les fronts et à l’arrière, il y a la révolution !

Et les dures journées qui attendent la Catalogne seront surmontées par la volonté ferme du prolétariat des villes et des campagnes de réaliser sa seule planche de salut, aujourd’hui, comme elle aurait dû l’être hier, comme elle le sera certainement demain : la révolution, la révolution, la révolution !

Alexandre Schapiro



1936-2016 :
ACTUALITÉ DE LA RÉVOLUTION ESPAGNOLE


Le 19 juillet 2016, cela fera 80 ans que le « peuple en armes », de Barcelone et des principales villes de la péninsule ibérique, mit en déroute le coup d’État militaire de Francisco Franco.

Même si l’épilogue, en 1939, de ce qui allait devenir la guerre d’Espagne, est douloureux, cela n’en représente pas moins, pour nous, un événement important. En effet, du moins durant plusieurs mois (juillet 36-août 1937), le caractère révolutionnaire, sous le pli de la bannière rouge et noire de la CNT, est indéniable.

Exposition « La Révolution libertaire »

Loin de commémorer des temps révolus, notre ambition est de revenir sur cette révolution espagnole afin d’en tirer des enseignements pour enrichir notre pratique militante présente.

C’est dans ce sens, que nous avons décidé de proposer, pour le courant de l’automne 2016 et de l’hiver 2017, une série de réunions publiques dans les villes où des groupes de l’AL sont présents.

À cette occasion, au-delà de films et de débats portant sur ce thème, il sera possible de découvrir une exposition intitulée « La révolution libertaire ». Elle a été produite et nous a été prêtée par nos compañeros et companeras de la CGT de l’État espagnol.

Cette exposition, riche de 26 panneaux, aborde différentes thématiques, entre autre : les collectivisations agraires, l’autogestion ouvrière, les ­femmes et le mouvement des Mujeres Libres, les expériences pédagogiques antiautoritaires, un autre cinéma et théâtre, les publications de la CNT-FAI, l’exil…

Jérémie (AL Gard)



TRENTE ANS DE RÉVOLUTION
ET DE CONTRE-RÉVOLUTION


Février 1902 : Grève générale à Barcelone.

Juillet 1909 : « Semaine tragique » à Barcelone. Exécution du pédagogue libertaire Francisco Ferrer.

Octobre 1910 : Fondation de la CNT (voir « 1910 : la CNT, naissance d’une légende » dans AL n° 200 de novembre 2010)

10 mars 1923 : Assassinat du leader anarchosyndicaliste catalan Salvador Segui par des pistoleros du patronat. Le groupe Nosotros, composé de figures du mouvement libertaire ibérique (Francisco Ascaso, Buenaventura Durruti, Garcia Oliver), multiplie les représailles.

Septembre 1923 : Prétextant l’agitation anarchiste, coup d’Etat militaire et dictature de Miguel Primo de Rivera.

1927 : Au sein d’une CNT condamnée à la clandestinité, création de la Fédération anarchiste ibérique (FAI) censée regrouper les éléments les plus radicaux de la centrale syndicale libertaire.

14 avril 1931 : Proclamation de la république.

Janvier 1933 : Soulèvements en Catalogne et en Andalousie. Massacre du village andalou de Casas Viejas.

Octobre 1934 : Insurrection des mineurs de la CNT et de l’UGT et Commune des Asturies. L’armée conduite par Francisco Franco réprime le mouvement. L’Espagne compte alors 30.000 détenus politiques.

Février 1936 : Victoire du Front Populaire aux élections générales. Loi d’amnistie des prisonniers politiques.

Pronunciamiento et révolution sociale

18 juillet 1936 : Le soulèvement de l’armée au Maroc se propage à la péninsule.

19 juillet 1936 : Échec du pronunciamiento (coup d’État) dans les principales villes du pays, sauf Séville et Saragosse, pourtant bastions de la CNT.

Été-automne 1936 : Départ des milices ouvrières (principalement de la CNT-FAI et du Poum) constituées en Colonnes vers le front d’Aragon. Création du Comité central des milices antifascistes de Catalogne. Vague de collectivisations des terres et de l’industrie en Catalogne, en Aragon et dans le Levant.

25 septembre 1936 : Création du Conseil de la Generalitat (gouvernement catalan) avec la participation de la CNT.

Octobre 1936 : création du Conseil d’Aragon dominé par la CNT et s’appuyant sur les Colonnes anarchistes.

Priorité à la guerre

4 novembre 1936 : Largo Caballero forme un nouveau cabinet, surnommé le « second gouvernement de la Victoire », qui compte des membres éminents de la CNT tels que Juan García Oliver (Justice), Juan López (Commerce), Federica Montseny (Santé) et Joan Peiró (Industrie).

Avril 1937 : Décret de militarisation des milices.

2–7 mai 1937 : « Semaine des barricades » à Barcelone. Des militants de la CNT, du Poum, des Jeunesses libertaires et du groupe Les Amis de Durruti s’affrontent aux staliniens du PSUC. Garcia Oliver appelle au calme. Les libertaires italiens Camilo Berneri et Francesco Barbieri sont exécutés par des agents du NKVD.

Juin 1937 : Interdiction du Poum et assassinat par les staliniens d’Andres Nin.

Août 1937 : la contre-révolution est triomphante dans la zone républicaine. Le Conseil d’Aragon est définitivement dissous. Joaquín Ascaso, son président, est emprisonné. Création du SIM, police politique formée et encadrée par le NKVD.

Défaite de la république

Juillet-novembre 1938 : Bataille de l’Ebre et débâcle républicaine.

26 janvier 1939 : Chute de Barcelone. Les armées franquistes défilent sur les Ramblas. Début de la Retirada et fuite vers la frontière française de centaines de milliers de réfugié-e-s.

24 février 1939 : Le gouvernement français reconnaît le régime franquiste. Le maréchal Pétain est nommé ambassadeur de France en Espagne.

28 mars 1939 : Chute de Madrid.

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Re: UN AUTRE FUTUR. 1936. Une guerre civile éclate en Espagne

Messagede pit le Jeu 22 Sep 2016 20:50

Montpellier, vendredi 23 septembre 2016

« Les Giménologues ont dix ans »

dès 18h30, au Centre Ascaso Durruti, 6 rue Henri René, Montpellier

Myrtille et Vincent viendront fêter dix ans de giménologie.

18 h 30 : projection de photos

19 h 30 : Pause avec un petit « Fallait-pas »chacun apporte un petit truc à manger et à boire)

20 h 30 : Myrtille et Vincent racontent :

« Nous reviendrons sur le chemin parcouru depuis la sortie du feuilleton radiophonique en 2005, et sur les nouveautés contenues dans la réédition des Fils de la nuit parue chez Libertalia en juin 2016 (dont le CD du feuilleton justement).

Nous évoquerons notre travail de fonds et le matériau accumulé au fil des ans (témoignages, documents d’archives, liens avec d’autres travaux, recensions etc.) sur notre site, dont le volume a fait écrire à François Godicheau que nous proposions rien de moins qu’une « discussion permanente sur la révolution espagnole. »

Lors des présentations que nous fîmes après 2006, nous rencontrâmes tant des compañeros (ou fils et filles de) désireux que l’on parle de leur parcours que nous avons décidé de publier avec L’Insomniaque un deuxième livre : A Zaragoza o al charco !
C’est avec Petra, Engracia, Emilio, Hélios, Isidro et Antoine que nous avons tenté une fois encore d’articuler les histoires particulières et l’analyse des questions collectives.

Les deux livres se complètent : le second s’aventure cette fois au sud de l’Ebre, (face à Belchite), au sein de la colonne milicienne venue de Barcelone et conduite par Antonio Ortiz (membre du groupe Nosotros). Autant la personnalité de Durruti a été portée au pinacle et sacralisée, autant celle d’Ortiz a été expédiée dans les poubelles de l’histoire.

Et nous avons ajouté des développements de notre cru sur deux thèmes qui nous paraissent essentiels quand on se penche sur le processus révolutionnaire qui eut cours dans l’Espagne des années trente : le projet de société communiste libertaire, et la polémique, toujours entretenue aujourd’hui, sur une supposée cruauté spécifique des anarchistes espagnols ».


Et le vendredi 30 septembre à 20 h 30, le CAD proposera une Soirée « ALTARRIBA »

Antonio ALTARRIBA viendra nous parler des deux BD « L’art de Voler » et « L’aile brisée » dont il est le scénariste.

- « L’art de voler » (dessinateur : KIM) sortie en 2011
Bon, c’est l’heure...
L’heure de s’envoler... Le 4 mai 2001, le père d’Antonio Altarriba, âgé de 90 ans, saute du quatrième étage de sa maison de retraite... En relatant son existence intimement mêlée aux tempêtes qui ont ravagé l’Espagne et l’Europe du 20e siècle, son fils rend un vibrant hommage au courage, aux idéaux vaincus et à l’art si difficile de voler...

- « L’aile brisée » (dessinateur : KIM) sortie en avril 2016
Lorsque sa mère meurt en 1998, Antonio découvre le secret qu’elle a caché toute sa vie : un bras blessé dont elle n’a jamais pu se servir normalement... Partant de cette révélation liée à un terrible drame de naissance, il raconte le siècle au féminin dans une Espagne dure et cruelle. Un hymne aux souffrances, à l’émancipation et au courage des femmes...


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Re: UN AUTRE FUTUR. 1936. Une guerre civile éclate en Espagne

Messagede Zoom le Sam 1 Oct 2016 18:03

Histoire : Il y a 80 ans, la révolution espagnole sous le signe du communisme libertaire

C’est lors de la Révolution espagnole de 1936 que les libertaires touchent au plus près l’utopie que des générations de militants et militantes avaient porté au quotidien. Alors que l’Espagne est plongée dans une sanglante guerre civile, conséquence du coup d’état militaire (Pronunciamento), une expérience autogestionnaire exceptionnelle se fait jour. Un exemple quasiment unique dans l’histoire du mouvement ouvrier international.

Sitôt le Pronunciamento déclenché par le général Francisco Franco, le 18 juillet 1936, la résistance s’organise. Elle est avant tout le fait des syndicats et des organisations révolutionnaires. Le gouvernement de Frente Popular, élu en février 1936, reste impuissant devant le coup d’État. En Aragon, dans le Levant, dans une partie de la Castille et surtout en Catalogne, les armées « nationalistes » sont mises en déroute par la seule mobilisation de la classe ouvrière, organisée majoritairement au sein de la CNT [1] .

Autogestion populaire et cantines ouvrières

L’historien Agustin Guillamon, dans son ouvrage Barricades à Barcelone – 1936-1937, écrit : « Une fois le monopole étatique de la violence détruit, parce que l’armée avait été vaincue dans la rue et que le prolétariat était armé, commença une situation révolutionnaire qui imposait sa violence, son pouvoir, son ordre : le pouvoir d’une classe ouvrière armée. »

Une révolution sociale et économique se répand alors, avec plus ou moins d’intensité, changeant la structure sociale de ces régions selon un modèle de société égalitaire et antiautoritaire, fondamentalement opposé au « communisme de caserne » mis en place dans l’URSS de Staline où le GPU, les purges et les goulags ont définitivement tué tout idéal révolutionnaire.

Se rappelant les conseils de ­l’anarchiste russe Pierre Kropotkine, selon lequel, « un peuple révolutionnaire affamé sera toujours à la merci de n’importe quel aventurier démagogique », les révolutionnaires se mettent à l’ouvrage dès les premières heures du soulèvement populaire pour organiser la distribution des produits de première nécessité. Dans tous les quartiers, toutes les villes et villages, sont créés à cet effet des organismes appelés les « comités de ravitaillement ». Les premières cantines communales accueillent des centaines de travailleurs et travailleuses. À Barcelone, ce sont d’anciens palaces, jusqu’alors occupés par la bourgeoisie catalane et étrangère, qui sont transformés en d’immenses cantines populaires. Les grands hôtels sont parfois réquisitionnés à d’autres effets, comme le note un membre de la CGT-SR, organisation sœur de la CNT, témoin direct de cette étonnante réalité : « La CNT a délogé les tenants de la grande richesse qui affamaient depuis longtemps les travailleurs, transformant ces luxueux immeubles en maisons du peuple. Tout grand hôtel n’est plus qu’un souvenir ; c’est dans cette boîte aux logements spacieux que les gros bourgeois lassés de ne rien faire s’offraient seuls ce luxe, moyennant 100 pesetas par jour. Aujourd’hui, c’est l’hôtel des travailleurs et gratuit. » [2]

Le 28 juillet 1936, la CNT catalane estime la grève générale terminée. Le coup d’État militaire a été endigué. La machine économique se remet à fonctionner, mais cette fois sous la direction des ouvrières et ouvriers eux-mêmes. À partir du 23 juillet, les premières mesures de collectivisation d’usines ont lieu à Barcelone : service des eaux, de l’énergie, de l’éclairage, les ateliers de chemins de fer, le secteur métallurgique.

Par la suite, d’autres entreprises sont à leur tour collectivisées, les brasseries, les salons de coiffure, les ateliers cinématographiques... Prenant l’exemple d’une tannerie de la banlieue de Barcelone, un syndicaliste révolutionnaire français écrit : « L’usine occupe 700 ouvriers et ouvrières. Les salaires ont été relevés comme dans toutes les industries. Le salaire unique n’existe pas encore, mais la prochaine assemblée des salarié-e-s doit en discuter. Quand un ouvrier est malade ou blessé : il touche 75 % de son salaire ; auparavant il ne touchait rien, l’Espagne n’ayant pas d’assurance sociale. La semaine de travail est de 36 heures sans diminution de salaire. Voilà comment fonctionne la tannerie Mollet : chaque atelier nomme ses délégués qui sont au nombre de dix-sept. Ce sont dix-sept hommes et femmes qui forment, ensemble, le comité d’usine chargé de l’organisation du travail. Un conseil d’usine ainsi que le directeur sont nommés par l’assemblée générale des ouvriers. Ces deux organismes se réunissent chaque fois qu’il y a nécessité. Chacun des membres de ces comités est révocable. » [3]

La question salariale est centrale. Dans un premier temps, il y a tentative de supprimer l’argent et le salariat. Un libertaire français s’arrête, à ce propos, sur l’exemple de la commune libre de Fraga en Aragon : « Après un séjour, de deux jours dans Lérida, nous repartons. Nous devons atteindre Fraga, grosse localité agricole de 8 500 habitants. Après une copieuse visite de la localité, nous nous réunissons au siège du comité du peule. Le premier renseignement que l’on nous donne, c’est que l’argent ne circule plus ; l’argent est supprimé ; l’argent, moyen d’échange et de la puissance capitaliste, n’a plus cours. Un livret de famille le remplace, sur lequel sont inscrites toutes les denrées alimentaires, ainsi que les autres produits nécessaires pour la vie. Le livret sert pour le contrôle et ne permet pas à un habitant plus de denrées qu’à un autre, tous sont égaux. Le comité du peuple est élu par l’assemblée générale de la population. » [4]

Si ces expériences de suppression du numéraire s’inscrivent dans la durée dans les collectivités agricoles de l’Aragon, où domine l’influence de la CNT, la centrale libertaire doit composer dans l’industrie avec l’UGT, le syndicat socialiste. On se dirige alors vers un compromis CNT-UGT et, dès lors, la pratique du salaire unique ou familial se généralise.

« Les femmes d’Aragon ne pleurent plus l’hiver »

À la campagne, la battue populaire contre les caciques (notables locaux), les propriétaires féodaux, les agents du fisc, les usuriers, laisse entre les mains des paysans de grandes étendues de terres qu’ils recouvraient après des siècles de spoliation. Comme à la ville, c’est l’urgence de la situation qui stimula la collectivisation.

Le collectivisme agraire est aussi la conséquence de plusieurs décennies de propagande libertaire dans les campagnes. Des militantes et militants itinérants faisaient des tournées de village en village, fournissaient des livres (Entre campesinos de l’anarchiste italien Errico Malatesta ou encore La Conquête du pain de Pierre Kropotkine) et des revues de la CNT (comme la Revista blanca) traitant des questions agricoles.

À partir de 1933 sont, en outre, systématiquement mis en exergue les exemples de collectivisations qui se généralisent. Même si ces expériences de communes collectives sont en règle générale de courte durée, la répression s’abattant rapidement sur les gens du village, elles font œuvre de propagande. José Peirats, dans Les Anarchistes espagnols – Révolution de 1936 et luttes de toujours, nous donne le type de témoignages de paysans collectivistes, publié dans la presse libertaire de l’époque : « Ici, il n’y a ni pauvres, ni riches, ni problèmes sociaux, ni ouvriers au chômage. Ici, on partage la production équitablement et tous ensemble, en travaillant, nous vivons tranquilles et heureux. »

Le 19 juillet 1936, les syndiqué-e-s de la CNT et de l’UGT rapidement mettent sur pied des « comités révolutionnaires » chargés d’organiser les premières saisies de terres qui sont aussitôt mises en commun. L’invasion d’une grande partie de l’Andalousie par les armées franquistes empêche les collectivisations massives dans cette région. D’autres régions connaissent des phénomènes de collectivisations de grande échelle. Mais c’est en Catalogne et surtout en Aragon que les expériences de collectivisations seront les plus nombreuses et surtout les plus achevées.

Un anarcho-syndicaliste français évoque l’avant-gardisme de ces collectivisations :

« Dans les campagnes aux environs de Barcelone et dans la Catalogne, la collectivisation a suivi son cours normal au même rythme que les usines, réorganisant complètement le travail en groupant toutes les petites propriétés dans un vaste rayon.

Dans chaque rayon, un “comité de culture” est constitué, chargé d’organiser le travail, la sélection des graines et des plants ; ce comité, désigné en assemblée générale des paysans est constitué des délégués de zones. Ils ont divisé chaque zone en groupes et à chaque groupe un camarade responsable est chargé de répartir le travail. Ils sont aussi bien organisés que dans l’industrie.

[...] En Aragon, les réalisations sont plus marquées de l’emprise du communisme libertaire, puisqu’en plus de l’organisation du travail en commun, l’argent a disparu comme moyen d’échange pour faire place au carnet de producteur, donnant droit à tout ce qui est nécessaire à la vie des hommes, selon les possibilités de la commune libertaire.

Nous nous faisons expliquer le mécanisme des échanges. Celui-ci est organisé en nature, entre les villages voisins ayant supprimé l’argent. Avec les villes où l’argent demeure, l’échange a lieu sur la base des cours existants et l’approvisionnement s’opère par voie d’achats acheminés sur les villages qui effectuent la distribution aux habitants, sur présentation du carnet de consommation.

Ce système donne pleine satisfaction aux intéressés. C’est la première fois, nous a-t-on dit, que les femmes d’Aragon ne pleurent pas l’hiver. En effet, autrefois, le produit des récoltes était insuffisant à payer les dettes aux "caciques" et au clergé. Les Aragonais défendront leurs conquêtes jusqu’à la mort s’il le faut, mais ils ne peuvent pas revenir en arrière. Pour eux le passé est mort et bien mort » [5]

Dépassement des anciennes classes sociales

Donnée importante de cette collectivisation des terres : elle réside dans un acte volontaire des intéressé-e-s. La révolution espagnole dans les campagnes n’est, à cet égard, en rien comparable avec la Révolution russe et l’épisode sanglant de la « dékoulakisation » à la fin des années 1920. Les paysans dits « individualistes », la plupart des petits métayers, font le choix de vivre en marge des collectivités. Leur choix est respecté par les « collectivistes » qui maintiennent avec eux des possibilités d’échanger des produits. Mais comme le note le militant français cité précédemment, ces petits propriétaires ne restent pas longtemps indifférents aux avantages offerts par le travail collectif : mise en commun des terres mais aussi de la volaille, du bétail, des engrais, de la semence et de la récolte. Et il n’est pas rare que les « quelques réfractaires du début aient rejoint par la suite l’organisation collective ».

Une autre réalité réside dans le dépassement des anciennes classes sociales. Si de nombreux ex-patrons ont choisi de rejoindre les rangs des armées de Franco, d’autres acceptent le nouvel ordre social. Un libertaire français donne l’exemple d’une collectivité agricole de la banlieue de Barcelone où un ouvrier et son ex-patron se côtoient désormais dans un effort commun : « Le comité technique d’agriculture est composé de cinq ouvriers et quatre ex-patrons. Tous les patrons ont accepté la collectivisation ; il y a eu davantage de réticences parmi les ouvriers qui croyaient perdre quelque chose. Une anecdote nous est contée par un ex-patron qui fait partie du comité technique avec un camarade ouvrier qui avait travaillé chez lui. En 1931, au cours d’une grève, les deux collaborateurs d’aujourd’hui s’étaient quelque peu boxés. L’un était patron, l’autre ouvrier, et l’ex-patron qui nous raconte cela nous dit que la crainte d’une nouvelle bataille n’existe plus, l’exploitation de son semblable n’existant plus. » [6]

Dans le même article, l’auteur met en exergue le rôle joué par les colonnes antifascistes dans la multiplication de ces expériences collectivistes : « Partout où sont passées les miliciens de la colonne Durruti, le même système de vie est organisé. »

Au fur et à mesure que les miliciens et miliciennes, avant tout de la CNT ou du POUM, libèrent les villages de l’emprise franquiste, le même débat a lieu entre partisans de la collectivisation et partisans de la parcellisation des terres. Et comme le montre le film de Ken Loach Land and Freedom, ils et elles sont invité-e-s par les gens du village à donner leur avis sur la question. Ces militants et militantes révolutionnaires aguerri-e-s ne manquent pas de convaincre des auditoires, déjà tentés par la voie collectiviste, des intérêts de la mise en commun des terres.

“Fiers de travailler enfin pour eux- mêmes”

À l’issue de son voyage en Espagne, Pierre Besnard, syndicaliste révolutionnaire français et secrétaire de la CGT-SR, témoigne : « J’ai vu partout des hommes au travail dans les champs, des femmes et des enfants dans les villages, des ouvriers et des ouvrières allant au labeur joyeux, fiers de travailler enfin pour eux-mêmes. La joie était peinte sur leurs visages sérieux et graves sans doute, mais sans traces d’inquiétudes. Ils savaient que quelque chose était changé et qu’ils allaient vers un avenir meilleur. [...] Une grande expérience est en train d’éclore. » [7]

La révolution espagnole, est, sans aucun doute, un des exemples les plus accomplis tant dans ses réalités économiques et sociales que dans son ampleur. Frank Mintz, historien et auteur de Autogestion et anarchosyndicalisme – Analyse et critiques sur l’Espagne (1931-1990), estime que 1 838 000 personnes ont vécu sous le régime collectiviste des révolutionnaires espagnol-e-s.

Jérémie Berthuin (AL Gard)


[1] Voir « En 1910, la naissance de la CNT » dans AL n° 200 de décembre 2010.

[2] Le Combat syndicaliste, n° 170, 21 août 1936.

[3] Le Combat syndicaliste, n° 169, 14 août 1936.

[4] Le Combat syndicaliste, n° 196, 19 février 1937.

[5] Le Combat syndicaliste, n° 192, 23 janvier 1937.

[6] Le Combat syndicaliste, n° 189, 1er janvier 1937.

[7] Le Combat syndicaliste, n° 175, 25 octobre 1936.

http://www.alternativelibertaire.org/?H ... -80-ans-la
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Re: UN AUTRE FUTUR. 1936. Une guerre civile éclate en Espagne

Messagede pit le Sam 15 Oct 2016 21:08

Charla sur les volontaires internationaux

Les Giménologues à St Etienne le 16 octobre 2016

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Charla sur les volontaires internationaux dans les colonnes Durruti, Ascaso et Ortiz

Alors que les bruits de bottes résonnaient partout en Europe et que chaque frontière devenait plus que jamais une souricière, des dizaines de milliers d’hommes et de femmes, internationalistes en acte, accoururent dès la fin juillet 1936 dans la zone restée républicaine pour participer à cette guerre sociale dont ils avaient saisi la qualité et l’ampleur. Certains laissèrent leur travail et leur famille pour aller dans le seul pays où une révolution était en marche, d’autres avaient dû fuir leur pays et vivotaient en exil, parfois même déjà en Espagne. Antoine Gimenez (Bruno Salvadori) était de ceux-là.

Antoine intégra l’un des groupes de volontaires internationaux qui se constituèrent sur le front d’Aragon, bien avant la création des Brigades Internationales. Il s’agit en l’occurrence du Groupe international de la colonne Durruti, créé par des Français.

Nous parlerons de ces hommes et de ces femmes qui peuplent les « souvenirs » d’Antoine : Français, Italiens, Allemands et Autrichiens, Suisses… Mais aussi d’autres dont nous avons appris l’existence en cheminant avec les miliciens des colonnes anarchistes engagées sur le front d’Aragon. Nous signalerons les nouveautés sur les volontaires étrangers, publiées dans la réédition des Fils de la nuit (Libertalia) et dans A Zaragoza o al charco !

La plupart étaient anarchistes mais aussi socialistes, communistes et communistes d’opposition.

Les Français

Parmi les volontaires étrangers venus en Espagne pendant la guerre civile, plus de 250 miliciens français ont été identifiés, dont 150 engagés dans la colonne Durruti. D’autres constitueront le « Groupe International – Sébastien-Faure de la colonne Ortiz » qui combattra au sud de l’Èbre [1].

Le Groupe international de la colonne Durruti en est à ses débuts. Il est né du désir d’un petit noyau de volontaires étrangers de créer une formation de combat avec des éléments possédant un minimum d’instruction militaire et si possible une expérience de la guerre. Après avoir participé à quelques engagements (avance sur Osera, occupation de Pina, coup de main sur Gelsa), le trio Berthomieux – Carpentier – Ridel a compris que les centuries espagnoles auraient besoin de quelque temps pour apprendre l’ABC des combats sur le terrain et l’usage raisonné des armes lourdes. Dès l’origine, la fonction du groupe est claire et simple : servir de fer de lance pour permettre l’avance des milices. (Ridel au Libertaire août 1936)

Nous évoquerons Charles Ridel Charles Carpentier, Louis Berthomieu, Simone Weil, Mimosa, Suzanne Hans, Louis Recoule, Robert Léger…

Un noyau d’Italiens et de Français s’est constitué avec comme délégué un ancien officier de la Coloniale [Louis Berthomieu], dont l’absence de doctrine bien précise est suppléée par une intelligence très vive et sans préjugés. Ce sont tous des gars de Paris, de Toulon ou de Grenoble. […] Proscrits d’Italie et exploités de l’impérialisme français sont venus faire le coup de feu pour le vieux rêve, caressé depuis tant d’années, d’une société libertaire. Le groupe va se grossir peu à peu d’éléments nouveaux. Face à la Légion marocaine, ce ramassis de tueurs et de voleurs, venus en Espagne pour restaurer l’ordre bourgeois, se dresse la Légion internationale des sans-patrie, qui sont venus se battre dans la péninsule pour l’ordre ouvrier et révolutionnaire. (Louis Mercier, En route pour Saragosse avec la colonne Durruti)

Les Italiens

Si quelques Italiens sont allés dans la colonne Durruti à titre individuel, comme Antoine, Lorenzo Giua, Carlo Scolari, Giudetta Zanelli et Ilario Margarita, l’importante colonie transalpine réfugiée et organisée en France au sein du Comité révolutionnaire anarchiste se regroupe à Barcelone dès la fin juillet 1936. Le philosophe et théoricien anarchiste Camillo Berneri, rejoint par Francesco Barbieri et bien d’autres, organise l’arrivée des volontaires suivants. Ils forment le groupe « Malatesta » en liaison avec les militants de la FAI et de la CNT catalanes, dont Diego Abad de Santillán qui va activement participer à la constitution des milices italiennes :

Dans leur grande majorité, les antifascistes italiens qui s’étaient rendus à Barcelone provenaient de tous les secteurs du mouvement anarchiste. […] Répartis dans différents hôtels de la ville, ils vivaient, émus, enivrés, la résurrection spirituelle d’un passage soudain de la vie d’exilés pourchassés à celle de nouveaux citoyens d’une capitale de la révolution, encore empreinte de l’atmosphère ardente des formidables combats de rue. […] Les anarchistes non inscrits au « Groupe International » de la Colonne Durruti penchaient pour la constitution d’une colonne strictement anarchiste et désiraient partir immédiatement. L’impossibilité d’obtenir tout de suite des armes contrariait leur projet. Mais ils avaient déjà prévu de s’enrôler dans les milices confédérales. (Camillo Berneri, Epistolario inedito, volume 2, Pistoia, Archivio Familia Berneri, 1984.)


Le parcours de l’un d’entre eux, Gino Balestri, nous est connu grâce au livre de sa fille Alba, publié aux Editions Libertaires (Cf.article 634 ). Il nous informe précisément sur la constitution et l’activité de la section Italienne de la colonne Ascaso. Car le 5 août 1936, les anarchistes italiens acceptent la proposition du socialiste dissident Carlo Rosselli, du groupe Giustizia e Libertà, de constituer une colonne mixte regroupant toutes les tendances de l’antifascisme italien. Ainsi va naître la Section italienne de la colonne Ascaso, qui décide de suivre les directives politiques des organisations libertaires. Ses 120 hommes – Berneri en fit partie malgré sa surdité –, dont les deux tiers sont libertaires, partent au front de Huesca et reçoivent leur baptême du feu le 28 août 1936 sur le Monte Pelato.
Nous évoquerons aussi les Italiens de la Colonne Ortiz dont Bruno Castaldi, et les « Toulonnais » arrivés en groupe

Les Allemands et Autrichiens

La plupart font partie du DAS, Deutsche Anarcho-Syndikalisten, groupe fondé en exil en 1933-1934, dont le siège est à Amsterdam. Le bureau de Barcelone (18 rue d’Aribau) comprendra une vingtaine d’entre eux comme Helmut Rüdiger et Augustin Souchy, qui prennent en charge les nouveaux volontaires. Il faut préciser que parmi les Allemands et Autrichiens, seuls font partie du groupe DAS ceux qui appartenaient déjà à une organisation anarcho-syndicaliste auparavant (et donc souvent des Allemands résidant déjà en Espagne depuis 1932-1933). Les nouveaux volontaires n’en sont donc pas, en majorité, mais le groupe DAS s’occupe d’eux.

En tout, près de 200 volontaires allemands s’engageront dans les milices anarchistes. Quelques-uns intègreront individuellement la colonne Durruti, d’autres constituent le groupe Erich-Mühsam et se joignent à la dernière colonne anarchiste des Aguiluchos en partance pour le front de Huesca, fin août 1936. Le délégué Michaelis demande le 18 novembre 36 à ce qu’ils soient affectés au Groupe international de la colonne Durruti.

Nous évoquerons l’infirmière Augusta Marx, Michael Michaelis, Walter Gierke, les travaux de Dieter Nelles et le livre en espagnol et en allemand : Les Antifascistes allemands à Barcelone (1933-1939). Le Groupe DAS : ses activités contre le réseau nazi et sur le front d’Aragon (Cf. article 466 ).

Les Suisses

Le témoignage des Suisses Paul et Clara Thalmann nous a appris que peu de femmes réussirent à gagner le front après octobre 1936. Au cours de leur premier séjour sur le front d’Aragon, Clara n’avait rencontré aucune difficulté pour s’engager comme milicienne. À leur deuxième voyage en Espagne, début janvier 1937, le couple cherche à retourner sur le front d’Aragon :

[Souchy] nous conseilla de nous adresser [au] DAS (le groupe anarcho-syndicaliste allemand) qui avait formé une unité d’une centaine d’hommes sur le front d’Aragon. Souchy doutait qu’on donnât encore aux femmes la permission de se battre aux côtés des hommes : « Comme vous le savez, le gouvernement de Valence a publié un décret dans ce sens. Chez nous, en Catalogne, cependant, ce sont les comités qui prennent les décisions, et dans votre cas, ce sera le comité de la milice compétent. Bonne chance ! » […] Le groupe stationné à Pina nous accueillit chaleureusement. Tous étaient enchantés de notre arrivée et avides de nouvelles de l’étranger et de Barcelone. […] Les hommes admiraient Clara pour son courage et l’acceptèrent aussitôt. Dans ce groupe, il y avait encore une femme, la seule, une Espagnole dénommée Pepita qui assistait un médecin espagnol à l’infirmerie.


Nous évoquerons aussi le cinéaste Adrien Porchet, Eddi Gmür, Albert Minnig (grâce au livre de Marianne Enckell), Franz Ritter…


Les Giménologues, 6 octobre 2016.


[1] Voir l’article suivant sur ce même site avec un extrait du chapitre de A Zaragoza o al charco ! sur les Français dans le GI de la colonne Ortiz

http://gimenologues.org/spip.php?article685
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Re: UN AUTRE FUTUR. 1936. Une guerre civile éclate en Espagne

Messagede pit le Jeu 20 Oct 2016 20:15

Exposition, ventes de livres, films et conférence
du 17 octobre au 4 novembre.

"Les affiches des combattant.e.s de la liberté"

sur les affiches de la révolution espagnole.

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-17-29 octobre : FJT Les Oiseaux (48 rue des Cras,Besançon)
vernissage, lundi 17 octobre, à 19h

-29 octobre - 4 novembre : salle de l'Ancienne Poste (98 Grande rue, Besançon)
vernissage, samedi 29 octobre, à 19h

Organisé par le groupe Proudhon de la Fédération anarchiste et la librairie l'Autodidacte

http://groupe.proudhon-fa.over-blog.com ... berte.html
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Re: UN AUTRE FUTUR. 1936. Une guerre civile éclate en Espagne

Messagede pit le Mar 25 Oct 2016 20:55

Barcelone 1936. Un adolescent au coeur de la révolution espagnole

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Jamais révolution ne fut plus légitime : démocratie contre coup d’état militaire, pauvres contre riches, ouvriers contre patrons, athéisme contre catholicisme, milices ouvrières contre armées factieuses, autogestion contre capitalisme et révolution contre fascisme.
En 1936, Abel Paz a 15 ans, adhérent des Jeunesses libertaires, il vit dans le quartier du Clot à Barcelone. On n’entre dans les milices qu’à l’âge de 18 ans. L’auteur nous décrit la révolution au quotidien. Il travaille dans une usine collectivisée, puis dans une commune paysanne. Pendant que les colonnes anarchistes organisées par la CNT se battent sur le front de Madrid et en Aragon, à l’arrière, les catalanistes, les conseillers de Staline et le gouvernement républicain veulent arrêter la révolution pour gagner la guerre.
Le bref été de l’anarchie a vécu. C’est l’heure des liquidations : d’abord les militants du POUM, puis ceux de la CNT. Un dernier sursaut, ce sont les journées de mai 1937. Les quelques avions et blindés achetés chèrement aux Russes n’endigueront pas la déferlante fasciste soutenue par les régimes allemand et italien. L’abandon des démocraties occidentales va accroître le déséquilibre militaire au profit des putschistes.
On connaît la suite : les défaites successives, l’exode et les camps de la honte dans le sud de la France pour un peuple si courageux. Ce sera une guerre perdue et oubliée.

il semble utile de rappeler en 2016 que la révolution espagnole fut la seule réponse à la crise du capitalisme commencée en 1929 et au fascisme. Abel Paz nous livre un récit passionné sur la dernière révolution sociale européenne.

Barcelone 1936. Un adolescent au coeur de la révolution espagnole
Abel Paz, Éditions La Digitale, 254 pages, 17 euros

http://librairie-publico.com/spip.php?article2032





Le rêve égalitaire chez les paysans de Huesca 1936-1938
Pelai Pages

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Dans le présent livre, Pelai Pagès, spécialiste de l’anarchisme, a mené une recherche rigoureuse sur l’expérience collectiviste menée dans les campagnes de la province de Huesca, en Aragon, dès le lendemain du coup d’État militaro-fasciste de juillet 1936. Il s’est basé sur la documentation recueillie par le procureur du Tribunal suprême franquiste dans le but de réunir les preuves « des faits délictueux commis sur tout le territoire national pendant la domination rouge ».
C’est à partir de cette documentation que Pagès a pu montrer que, contrairement à ce que prétendaient les fascistes, les collectivistes n’étaient pas des « anarchistes pervers », mais des hommes ordinaires, des paysans qui avaient voulu améliorer leurs conditions de vie en tentant l’expérience d’un projet inédit de travail en commun.

Le rêve égalitaire chez les paysans de Huesca 1936-1938
Pelai Pagès, Éditions Noir et Rouge, 204 pages, 20 euros

http://librairie-publico.com/spip.php?article2034
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Re: UN AUTRE FUTUR. 1936. Une guerre civile éclate en Espagne

Messagede pit le Mer 2 Nov 2016 01:34

Samedi 5 novembre 2016 à Paris

Rencontre et débat autour du livre
« A Zaragoza o al charco ! Aragon 1936-1938 »


à 16h30, Publico, librairie du Monde libertaire, 145 rue Amelot, Paris 11e

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Rencontre et débat avec Les Giménologues autour du livre
A Zaragoza o al charco ! Aragon 1936-1938. Récits de protagonistes libertaires
d'Antoine Gimenez, et les Giménologues (Editions L'Insomniaque)

Le 19 juillet 1936, Saragosse tombe aux mains des troupes franquistes soulevées contre la république espagnole. La chute de la « perle anarchiste » représente une terrible catastrophe pour le camp libertaire.

En Catalogne et en Aragon, des volontaires se mobilisent pour reprendre la ville - et, pour la plupart, l'offensive ne peut se dissocier de la mise en œuvre du communisme libertaire.

C'est ce que retrace cet ouvrage, ancré dans des récits d'hommes et de femmes engagés à divers titres dans ce processus à la fois militaire et révolutionnaire, que les anarchistes se retrouveront peu à peu seuls à poursuivre.

Chercheurs autodidactes mais extrêmement lettrés et méticuleux, les Giménologues ont rencontré ces rescapés - ou leurs enfants - dans la foulée d'un premier livre traitant de la révolution espagnole, Les Fils de la Nuit, élaboré autour des souvenirs d'Antoine Gimenez et également coédité par L'Insomniaque éditeur. Dans la continuité des Fils de la Nuit, les Giménologues tentent une nouvelle fois d'articuler les histoires particulières et l'analyse des questions collectives. Ils ont ajouté des développements de leur cru sur la nature du projet communiste libertaire, ainsi que sur la polémique, encore entretenue de nos jours, à propos d'une supposée cruauté spécifique des anarchistes espagnols.
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Re: UN AUTRE FUTUR. 1936. Une guerre civile éclate en Espagne

Messagede pit le Jeu 10 Nov 2016 21:53

Marseille samedi 12 novembre 2016

CHARLA des giménologues au CIRA

80 ans après, deux livres donnent la parole aux acteurs de la révolution sociale espagnole

causerie avec projection de photos

En 2004, quelques libertaires se proposaient de publier le tapuscrit des souvenirs d’Antoine Gimenez, Bruno Salvadori de son vrai nom, un Italien exilé à Marseille qui s’était engagé fin juillet 1936 sur le front d’Aragon dans le très peu connu Groupe international de la colonne Durruti. L’intérêt passionné suscité par la richesse exceptionnelle du récit de Gimenez donna naissance à l’entreprise collective, les Giménologues, qui aboutira deux ans plus tard à la parution chez l’Insomniaque des Fils de la nuit : souvenirs de la guerre d’Espagne, accompagnés d’un appareil de notes conséquent.

Traduit en italien, en castillan et bientôt en anglais, cet ouvrage donna lieu à des rencontres entre les Giménologues et des rescapés de cette épopée espagnole. Tant et si bien qu’une nouvelle édition revue et enrichie vient de paraître chez Libertalia, préfacée par l’historien François Godicheau (coffret contenant 2 livres et un CD-Rom, 1000 pages, 22 euros), et qu’un nouvel ouvrage vient de voir le jour à L’Insomniaque : ¡ A Zaragoza o al charco ! Aragon 1936-1938 : récit de protagonistes libertaires (447 pages, 20 euros).

Dans ce dernier, les Giménologues se penchent cette fois sur le vécu des miliciens et miliciennes combattant les troupes franquistes au sud de l’Ebre, face à Belchite, au sein de la colonne d’Antonio Ortiz, anarchiste dont le parcours est bien moins connu que celui de Durruti.

Fidèles à leur méthode (redonner la parole aux témoins tout en reliant questions singulières et questions collectives), ils rassemblent dans ¡A Zaragoza o al charco ! les témoignages d’ouvriers et de paysans, ou de leurs enfants, engagés corps et âmes dans une existence digne d’être vécue.

Il s’agit d’Engracia, fille de Florentino Galván, membre du Conseil d’Aragon, de Petra Gracia, jeune libertaire de Saragosse (et future mère du théoricien anarchiste Tomás Ibáñez), d’Emilio Marco, milicien de la colonne Ortiz, d’Hélios, fils de Juan Peñalver, centurion d’Emilio, d’Isidro Benet, milicien de la colonne Durruti et son fils César, et d’Antoine, fils de Manolo Valiña, homme d’action de la CNT-FAI.

Maintenant, ils ont quasiment tous disparu, et cet ouvrage leur rend un vibrant hommage.

Leurs récits forment la matrice chronologique et événementielle de cet ouvrage, développée et recoupée à partir de documents puisés dans les centres d’archives (IIHS d’Amsterdam, Archivo Histórico Nacional de Salamanque, archives policières et judiciaires), dans la presse des années 30 (La Vanguardia, Solidaridad Obrera…), dans les écrits d’auteurs libertaires (A. Paz, L. Mercier-Vega, R. Rufat, G. Leval, V. Richards…), et dans ceux d’historiens sérieux tels B. Bolloten, F. Godicheau et Chris Ealham.

Pour dégager toujours plus cette histoire de la chape de plomb qui s’est abattue sur elle, les Giménologues reviennent en fin d’ouvrage sur deux questions essentielles : celle de la mise en pratique du sueño igualitario [rêve égalitaire] en Aragon, et celle de la violence révolutionnaire, objet d’une polémique toujours actuelle en Catalogne, incriminant tout particulièrement de jeunes anarchistes des Ateneos, accusés de terrorisme et jetés en prison.

Recensions parues dans la presse : http://gimenologues.org/spip.php?article671

Émission diffusée par Radio libertaire le 22 mai 2016 : http://gimenologues.org/spip.php?article664

Le CIRA se trouve au 50 rue Consolat à Marseille (13001), à quelques minutes à pied de la gare Saint-Charles et de la Canebière.
09 50 51 10 89
cira.marseille(chez)gmail.com
http://cira.marseille.free.fr/

http://gimenologues.org/spip.php?article690
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Re: UN AUTRE FUTUR. 1936. Une guerre civile éclate en Espagne

Messagede Zoom le Jeu 17 Nov 2016 18:59

La guerre d’Espagne et l’autogestion, le 18 novembre au Puy-en-Velay

PROJECTION-DÉBAT
le vendredi 18 novembre 2016, à 19h30
Centre Pierre-Cardinal, 9, rue Jules-Vallès,
43000 Le Puy-en-Velay

Service garderie assuré

Il y a 80 ans débutait en Espagne une guerre contre le fascisme et pour l’émancipation. Dans les villes et les campagnes, l’autogestion se met en place à une échelle encore inégalée.

En cette période de montée des idées fascistes, d’élections représentatives bidons, il nous a semblé intéressant d’interroger cette période pour réinventer l’autogestion.

On projettera donc un extrait du film de Juan Gamero, Vivre l’utopie (1997), et l’on en débattra dans la foulée.

Afin que chacun et chacune puisse participer, un service de garde d’enfants sera mis en place le temps de la soirée.

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Re: UN AUTRE FUTUR. 1936. Une guerre civile éclate en Espagne

Messagede Béatrice le Ven 18 Nov 2016 19:51

samedi 19 novembre 2016 à MARSEILLE à 18 h

Manifesten, 59 rue Adolphe Thiers, 13001

Exposition, discussion, musique et tapas !
Fête des 80 ans de la révolution espagnole

La révolution espagnole fut une expérience unique dans l’histoire, à la fois dans son combat contre le fascisme et dans la construction du société autogestionnaire.

Pour fêter son anniversaire, nous aurons :
Une exposition prêtée par la CGT espagnole
Une discussion avec l’historien Frank Mintz
Des champs révolutionnaires avec la Lutte enchantée
Des tapas et de la musique !

Viva la Revolucion !

Alternative Libertaire
CNT 13
CNT-SO
Groupe Germinal de la Fédération Anarchiste

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Re: UN AUTRE FUTUR. 1936. Une guerre civile éclate en Espagne

Messagede pit le Mer 23 Nov 2016 00:03

Paris, vendredi 25 novembre

Projection- débat « Ma guerre d'Espagne à moi »
Documentaire de Fito Pochat et Javier Olivera - 80 minutes
Hommage à Mika Etchebéhère (Micaela Feldman), capitaine de la brigade motorisée du POUM

à 21h, Maison de l’Amérique latine, 217 Boulevard Saint Germain, Paris 7e

En ce mois de Novembre 2016, à l' occasion du 80è anniversaire de la Révolution et de la Guerre d'Espagne, La Casa de Santa Fe en Paris rend hommage à cette argentine rebelle qui en fut l' une des protagonistes:

1) Projection du film: "Mika, mi guerra de España" un film documentaire des réalisateurs argentins Fito Pochat et Javier Olivera- 80 Mn, avec Arnaldo Etchebéhère et la voix de Cristina Banegas- Production MotonetaCine, suivie de la

2) Présentation de la magnifique nouvelle édition des mémoires de Mika: "Ma Guerre d'Espagne à moi" (Une femme à la tête d'une colonne au Combat), coédition des Editions Libertalia et Editions Milena en présence de Charles Jacquier, l' auteur de la préface du livre.

3) Le Débat qui suivra sera animé par Charles Jacquier, Franck Mintz et Francis Pallares.

Entrée libre dans la limite des places disponibles
Réservations indispensables au 01 45 72 09 08 ou par internet: casasantafeparis@yahoo.fr

Présentation :

Extrait d'une Lettre de Julio Cortàzar à son amie Mika Etchebéhère en 1974 à propos de son livre:

"...rien n'est plus triste de trouver mauvaise l' oeuvre d'un ami et à l' inverse, on ressent une grande joie lorsque le texte est beau.

Beau, nécessaire et efficace, ton livre est le témoin de la guerre d'Espagne, mais également des ruines de notre époque, et de l' invincible espoir qui est le nôtre."

Nés en Argentine au début du XXè siècle, Mika et Hipòlito Etchebéhère décident de consacrer leur vie à la révolution. Après avoir voyagé en Patagonie, à Berlin puis Paris, ils prennent les armes aux côtés du peuple espagnol à Madrid en 1936, lorsqu' éclate la guerre civile. Capitaine d'une colonne de miliciens, la colonne motorisée du POUM, "maman-de-guerre", Mika assume un rôle inédit jusqu'alors. L'Espagne devient le terrain d'expérimentation de ses valeurs et de ses engagements de jeunesse, auxquels elle ne renoncera jamais.

Un documentaire passionnant et poignant de deux jeunes réalisateurs argentins Fito Pochat et Javier Olivera.

"Mika est venue nous chercher" racontent les réalisateurs, quand, en 2007 son livre de mémoires est tombé entre leurs mains. L' histoire était restée cachée dans la famille jusqu' à ce qu'ils rencontrent Arnold Etchebéhère fil conducteur et témoin dans le film, neveu de Hipòlito le mari de la capitaine. "Mika, mi guerra de España" devient ainsi un documentaire réalisé par Pochat et Olivera, petits fils-neveux de Hipòlito. Mais ils tarderont 5 ans à reconstruire et à chercher en profondeur son hisqtoire. Cependant ils ont respecté au maximum le regard de cette femme révolutionnaire à la forte personnalité et aux idées claires qui représente le pouvoir féminin parmi les républicains, une combattante d' extrême gauche qui vient d'Argentine et qui a trouvé en Espagne la lutte qu' elle avait toujours désiré mener avec l' homme qu'elle aimait, Hipolito Etchebéhère."Jamais je n' ai revu dans la vie un homme aussi lumineux" a telle affirmé....

https://paris.demosphere.eu/rv/51453

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Re: UN AUTRE FUTUR. 1936. Une guerre civile éclate en Espagne

Messagede Zoom le Lun 28 Nov 2016 17:33

NÎMES Alternative Libertaire fête les 80 ans de la révolution espagnole

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Ce samedi, au centre André Malraux à Nîmes, le mouvement Alternative Libertaire Gard a consacré une journée aux 80 ans de la révolution espagnole.

Une exposition « La révolution libertaire », une conférence-débat avec l’historien Frank Mintz, un apéro dînatoire et un concert de Flamenco avec Pepe Linares. C’est de cette manière que le mouvement anarchiste a voulu marquer l’anniversaire de la révolution espagnole qui a permis aux libertaires, en 1936, de toucher au plus près leur combat. Le coup d’Etat militaire de Franco mobilisera de nombreux syndicats et organisations révolutionnaires.

« Il ne faut pas oublier notre Histoire, explique Marie-Lise Girodon, une militante du mouvement présente au centre André Malraux ce samedi. Des gens se sont battus pour gagner des libertés. Aujourd’hui, le capitalisme est maître mais il faut combattre cette idéologie. Il ne faut pas se résigner. La lutte continue, tous les jours, petit à petit ».

http://www.objectifgard.com/2016/11/27/ ... espagnole/
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Re: UN AUTRE FUTUR. 1936. Une guerre civile éclate en Espagne

Messagede Zoom le Dim 11 Déc 2016 17:53

Vidéo : Alternative Libertaire Gard : “1936-2016 : Actualité de la Révolution espagnole” (Expo, conférence, concert)

Vidéo de la journée organisée par l’AL Gard consacrée aux 80 ans de la Révolution espagnole.

Images de la Conférence (Jérémie de l’AL 30 et de Frank Mintz, historien), du concert de flamenco de Pépé Linares et de l’exposition "La Révolution libertaire".

https://vimeo.com/193895547
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Re: UN AUTRE FUTUR. 1936. Une guerre civile éclate en Espagne

Messagede pit le Lun 19 Déc 2016 21:39

En Espagne entre 1936 et 1939, les communes sans état et sans argent.

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Re: UN AUTRE FUTUR. 1936. Une guerre civile éclate en Espagne

Messagede pit le Jeu 12 Jan 2017 00:11

Les Giménologues à Bruxelles • Conférence-débat • Le vendredi 13 janvier 2017

LES ANARCHISTES PENDANT LA GUERRE D’ESPAGNE

à 20h15, Au 61 Rue de la Victoire - 1060 Bruxelles

Ce sera l’occasion de tout dire sur « la mallette belge »

…remise à deux des « giménologues-avant-l’heure » dans les années 80 par Stéphane Huvenne, militant libertaire de la cause antifranquiste en Belgique, et dès la fin des années cinquante, membre actif de la section bruxelloise de la SIA (Solidarité internationale antifasciste), chargée notamment de l’accueil et du soutien aux réfugiés politiques [3].

C’est le précieux contenu de cette mallette qui a fait de nous des chercheurs compulsifs en matière de volontaires internationaux dans les colonnes anarchistes espagnoles.
On y trouva des numéros (en un seul exemplaire) de journaux anarchistes parus dans toute l’Espagne républicaine en 1936-1938, tel El Frente, porte-voix de la 26° Division Durruti, Titan !, des Jeunesses Libertaires d’Aragon, et bien d’autres très peu connus, ainsi que des numéros de L’Espagne antifasciste ou de L’Espagne Nouvelle.
Et aussi trois grandes photos ramenées du front d’Aragon, prises après deux batailles victorieuses auxquelles participa le Groupe international à la fin septembre 1936 : Siétamo et Le Monte Aragon.

Enfin et surtout, la malle aux trésors recelait le n°12-13 de l’été 1956 de la revue suisse Témoins, intitulé « Fidélité à l’Espagne ». L’article « Refus de la légende [4] » de Louis Mercier nous a permis de faire le rapprochement avec le Charles Ridel, co-confondateur à Pina de Ebro (Aragon) du Groupe International de la colonne Durruti, que nous a fait connaître Antoine Gimenez.

Ridel, Mercier, Mercier Vega, … autant de pseudos utilisés par l’anarchiste Charles Cortvrint né le 6 mai 1914 à Lièges, et qui sera à l’honneur en cette soirée.

Fin 1939, Ridel se rendit en Belgique, chez Hem Day, avant d’embarquer à Anvers pour l’Amérique du Sud.
On suppose que Stéphane tenait justement ces documents de Marcel DIEU (30/05/1902 – 14/08/1969) dit Hem DAY. « Ce libraire, franc-maçon, militant anarchiste depuis la première guerre mondiale collabora à de nombreuses revues durant toute l’entre-deux-guerres et finit par créer la sienne « Pensée et Action » pour y diffuser sa propagande anti-communiste, anti-fasciste et pacifiste. […]
Durant la guerre d’Espagne, il partit à Barcelone œuvrer à la propagande révolutionnaire anarchiste, de manière pacifique et non-violente. De retour en Belgique, il se consacra entièrement à la propagande, continua ses publications et fit jusqu’à sa mort de nombreuses conférences. [5] »

Parmi les anarchistes belges en relation directe avec ceux d’Espagne il faut aussi citer Jean DE BOË (20/03/1889 – 02/01/1974), typographe [6] . En 1937, il passa aussi les Pyrénées. En 1939, il adopta deux fillettes des Asturies dont le père avait été fusillé par les franquistes.
Quant à Nicolas Lazarévitch et Ida Mett, avec Hem Day, ils soutiendront et relaieront inlassablement depuis Bruxelles le processus révolutionnaire en Espagne.

Tout ceci pour rappeler que la Belgique de l’entre-deux-guerres fut une terre d’exil, et que les militants anarchistes belges de cette génération accueillirent et aidèrent de nombreuses personnes dans la semi clandestinité : des militants anarchistes italiens et espagnols (dont Ascaso et Durruti), des Allemands, des Juifs, des objecteurs de conscience, des anarchistes néo-malthusiens...

À Bruxelles en ce 13 janvier, nous évoquerons aussi l’anarcho-syndicaliste Roger Madrid, grand ami de « Ridel ». Lors de la guerre d’Espagne, il a traversé la France en bicyclette pour soutenir les Espagnols et s’est engagé dans une coopérative.
Et nous reviendrions sur le parcours et la personnalité de quelques-uns des volontaires internationaux, hommes et femmes qu’Antoine Gimenez nous a fait connaître. Nous projetterons des photos que nous avons trouvées aux archives, ou que nous ont données les familles de certains d’entre eux, rencontrés après la parution en 2006 de la première édition des Fils de la nuit.

Notre deuxième ouvrage, paru en 2016, est également tissé de témoignages à la première personne, car nous avons eu la chance incroyable de rencontrer des protagonistes ou témoins directs entre 2006 et 2008 :

A Zaragoza o al Charco ! Récits de protagonistes libertaires. Aragon 1936-1938 (en co-édition avec L’Insomniaque).

Nous y avons consacré un chapitre sur le processus révolutionnaire mené au nom du communisme libertaire dans les campagnes aragonaises.
Car en ce 80e anniversaire de la révolution espagnole, il s’agit encore et toujours de tisser le fil continu qui nous relie à l’intense guerre sociale du début du XXe siècle, et qui fit de cette contrée la seule en Europe où s’engagea une lutte frontale contre le capitalisme, le fascisme et le communisme autoritaire.

Les Giménologues, 4 janvier 2017.

[1] Au 61 Rue de la Victoire - 1060 Bruxelles
[2] http://upjb.be/agenda/culture/article/l ... -d-espagne
[3] Voir http://www.cegesoma.be/docs/Invent/Huve ... AA2204.pdf
[4] article 254 http://gimenologues.org/spip.php?article254
[5] https://revuesshs.u-bourgogne.fr/dissid ... hp?id=1546
[6] Ibid.


http://gimenologues.org/spip.php?article700



Le samedi 14 janvier 2017

Les Giménologues en Picardie • Soirée à La Grange Erquery

à 20h30, 16 rue de la République 60600 Erquery

Nous vous convions à une rencontre et à un débat avec Myrtille des Giménologues autour du livre Les Fils de la Nuit : Souvenirs de la guerre d’Espagne (juillet 1936-février 1939) d’Antoine Gimenez, aux Éditions Libertalia (2016)

Nous terminerons la soirée avec un concert de René Binamé, le mythique groupe Anarcho-punk Belge !
• Entrée à prix libre.
• N’hésitez pas à ramener un petit miam-miam ou glouglou à partager après le spectacle !

Petite note sur les anars en Picardie

C’est à Vaux, commune d’Essômes-sur-Marne, qu’eut lieu la première expérience de vie communautaire anarchiste en France, de 1902 à 1909.

Elle fut suivie, en 1911, par une autre tentative, à Bascon, à 800 mètres de Vaux. Il s’agit cette fois d’une colonie naturiste et végétalienne.

De 1919 à 1926 de nombreux adeptes, de différentes nationalités, affluent à Bascon : des écrivains comme Hélène Patou [1] et Georges Navel [2] …

Deux volontaires dans la colonne Durruti que nous évoquons dans Les Fils de la nuit…

Les Giménologues, le 3 janvier 2016

[1] http://maitron-en-ligne.univ-paris1.fr/ ... ticle73976
[2] https://militants-anarchistes.info/spip.php?article9835

http://gimenologues.org/spip.php?article699
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Re: UN AUTRE FUTUR. 1936. Une guerre civile éclate en Espagne

Messagede pit le Ven 3 Fév 2017 17:13

La question du féminisme

Texte original : The Question of Feminism Lucia Sanchez Saornil

L’extrait suivant a été traduit de l’espagnol en anglais par Paul Sharkey, à partir de l’article de Lucia Sanchez Saornil, “La question de la femmes parmi nos rangs” publié, à l’origine, dans le journal de la CNT, Solidaridad Obrera, en septembre-octobre 1935

* * *

Il ne suffit pas de dire : “Nous devons cibler les femmes à travers notre propagande et les attirer dans nos rangs”; nous devons aller plus loin , beaucoup plus loin que cela. La grande majorité des camarades masculins — à l’exception d’une demie douzaine d’entre eux bien pensants — ont l’esprit infecté par les idées reçues bourgeoises les plus courantes. Même si ils pestent contre la propriété, ils ont foncièrement l’esprit de propriété. Même si ils fulminent contre l’esclavage, ils sont les plus cruels des « maîtres ». Même si ils déversent leur fureur contre le monopole, ils sont les monopolistes les plus purs et durs. Et tout cela provient de l’idée la plus fausse que l’humanité ait jamais réussi à concevoir. La prétendue « infériorité de la femme ». Une idée erronée qui est susceptible d’avoir retardé l’évolution de la civilisation pendant des siècles.

L’esclave le plus modeste, une fois franchi le seuil de sa maison, devient seigneur et maître. Son moindre caprice devient un ordre catégorique pour les femmes de son foyer. Lui qui, dix minutes plus tôt seulement, devait avaler la pilule amère de l’humiliation bourgeoise, se dresse comme un tyran et fait avaler à ces malheureuses créatures l’amère pilule de leur prétendue infériorité…

De temps à autre, j’ai eu l’occasion d’engager la conversation avec un camarade masculin qui m’était apparue comme plutôt sensible et que j’avais entendu souligner le besoin d’une présence féminine dans notre mouvement. Un jour, il y avait une conférence au Centre et je lui ai demandé :

“Et ta partenaire? Comment se fait-il qu’elle n’assiste pas à la conférence?” Sa réponse me laissa sans voix.

“Elle a assez à faire en s’occupant de mes enfants et de moi.”

En une autre occasion, j’étais dans les couloirs du tribunal. J’étais en compagnie d’un camarade qui détenait un poste de responsabilités. D’une des pièces est sortie une avocate, peut-être celle d’un prolétaire. Mon compagnon lui jeta un long regard oblique et marmonna, un sourire narquois aux lèvres: “ J’enverrais balader des gens de cette sorte.”

Ces deux épisodes, en apparence si banale, en disent long sur une triste réalité.

Avant tout, ils nous disent que nous avons négligé quelque chose de très important: que, pendant que nous concentrions toute nos énergies dans le travail d’agitation, nous négligions l’aspect éducatif. Que notre propagande destinée à recruter des femmes ne devrait pas être dirigée vers les femmes mais vers nos camarades masculins. Que nous devrions commencer par bannir de leur esprit l’idée de supériorité. Que lorsque l’on dit que tous les êtres humains sont égaux, les « êtres humains » comprennent aussi les femmes, même si elles sont jusqu’au cou dans les travaux ménagers et entourées de casseroles et d’animaux domestiques. On doit leur dire que les femmes possèdent un intellect comme le leur et une vive sensibilité et une folle envie de progrès; qu’avant de mettre de l’ordre dans la société, ils devraient le faire dans leurs propres foyers; que ce qu’ils rêvent pour le futur – l’égalité et la justice – ils devraient le pratiquer ici et maintenant envers les membres de leurs propres familles; qu’il est absurde de demander à une femme de comprendre les problèmes auxquels est confrontée l’humanité si il ne l’autorise pas d’abord à regarder en elle-même, si il ne s’assure pas que la femme avec qui il partage sa vie est consciente de son individualité, si, en clair, il ne lui accorde pas avant tout le statut d’individu…

Il existe de nombreux camarades masculins qui souhaitent honnêtement voir les femmes apporter leur pierre à la lutte; mais ce désir ne provoque aucun changement dans leurs idées sur les femmes; ils cherchent leur coopération comme un moyen d’envisager la perspective de la victoire, comme une contribution stratégique, en fait, sans s’accorder un moment pour penser à l’autonomie des femmes ou sans cesser de se considérer comme le centre de l’univers…

Une certaine réunion syndicale de propagande, à laquelle je participais, est gravée dans ma mémoire. Elle avait lieu dans une petite ville de province. Avant que ne commence la réunion, j’avais été accostée par un camarade, un membre du plus important comité local… A travers son enthousiasme débordant au sujet de la « vocation sublime » de la femme, se distinguait, clair et précis, l’argument brut avancé par Oken — qu’il ne connaissait sans doute pas, mais avec qui il était relié par le lien invisible de l’atavisme — “La femme ne représente que le moyen, et non la fin de la nature. La nature n’a qu’une fin, qu’un objet : l’homme.”

…Il se plaignait au sujet de quelque chose qui était, autant que je pouvais le constater, les principaux motifs de satisfaction: Que les femmes avaient rompu avec la tradition qui les avait faite dépendante de l’homme et qu’elles intégraient le monde du travail à la recherche d’une indépendance économique. Cela le désolait et me réjouissait parce que je savais que le contact avec la rue et une activité sociale entraînerait un stimulus qui, ensuite, éveillerait la conscience de son individualité.

Sa récrimination avait été la récrimination universelle il y a quelques années de cela lorsque les femmes ont d’abord quitté la maison pour l’usine et l’atelier. Peut-on en déduire que cela a causé du tort à la cause du prolétariat? L’intégration des femmes à la force de travail, coïncidant avec l’introduction de la machine dans l’industrie, a seulement intensifié la concurrence parmi la main d’œuvre et a conduit à une baisse sensible des salaires.

Si l’on s’en tient à une vision superficielle, nous pourrions dire que les travailleurs masculins avaient raison. Mais si nous voulions creuser un peu et explorer le fond de la question, nous découvririons que l’issue aurait pu être très différente si les travailleurs ne s’étaient pas laissés égarer par leur hostilité envers les femmes, basée sur quelque prétendue infériorité féminine…

Le combat a été mené sur la base de cette prétendue infériorité, des taux de salaire inférieurs ont été tolérés et les femmes exclues des organisations de classe au motif que le travail salarié n’était pas la vocation de la femme et, c’est sur cette base que s’est construite une compétition déloyale entre les sexes. L’idée de la femme, comme surveillante de la machine, s’accordait bien avec l’idée que l’on se faisait de l’esprit féminin à l’époque et donc, ils commencèrent à employer des femmes qui, convaincues de l’idée colportée à travers les âges qu’elles étaient inférieures, n’ont pas tenté de fixer des limites aux abus capitalistes. Les hommes se sont trouvés relégués aux tâches les plus dures et les plus spécialisées.

Si, au lieu de se comporter ainsi, les ouvriers avaient fait un peu de place aux femmes, en les encourageant et en les mettant sur le même niveau qu’eux, en les acceptant dès le début dans les organisations de classe, imposant aux patrons des conditions égales pour les deux sexes, le résultat aurait été radicalement différent. Dans un premier temps, leur supériorité physique leur aurait donné la priorité face à un employeur, puisqu’il lui aurait coûté la même chose d’employer une personne plus faible qu’une forte, et pour les femmes, leur désir d’évolution aurait été éveillé et, unies aux hommes dans les organisations de classe, ensemble, ils auraient pu faire de plus grands et rapides progrès sur le chemin de la libération…

A l’heure actuelle, la théorie de l’infériorité intellectuelle des femmes a été rendue obsolète; un nombre important de femmes de toutes conditions sociales a fourni des preuves concrètes de la fausseté de ce dogme, disons, en démontrant l’excellent niveau de leurs talents dans tous les domaines de l’activité humaine…

Mais, alors que la route semblait se dégager, un nouveau dogme — cette fois avec un semblant de fondement scientifique — se dresse sur le chemin des femmes et érige de nouveaux remparts contre le progrès…

A la place du dogme de l’infériorité intellectuelle, nous avons maintenant celui de la différenciation sexuelle. Le point controversé n’est plus, comme il l’était un siècle auparavant, de savoir si la femme est supérieure ou inférieure; l’argument est qu’elle est différente. Il ne s’agit plus d’une question d’un cerveau plus ou moins lourd ou d’un volume plus ou moins grand mais plutôt d’organes spongieux, appelés glandes sécrétoires, qui attribuent un caractère spécifique à l’enfant, déterminant son sexe et, par conséquent, son rôle dans la société…

D’après la théorie de la différentiation, la femme n’est ni plus ni moins qu’un utérus tyrannique dont les influences néfastes se font sentir jusque dans les coins les plus reculés du cerveau; toute la vie psychique de la femme obéit à un processus biologique qui n’est que le processus de la gestation… La science a bidouillé les termes sans toucher à l’essence de cet axiome: “Naissance, gestation et mort.” La seule et unique perspective féministe.

Manifestement, on a tenté de formuler cette conclusion en l’enrobant d’éloges. “La vocation de la femme est la plus élaborée et la plus sublime que la nature puisse offrir,” nous dit-on; “elle est la mère, la guide, l’éducatrice de l’humanité du futur.” Mais le sens en est de diriger chacun de ses mouvements, sa vie entière, toute son éducation, vers ce seul objectif : le seul en cohérent avec sa nature, semble-t-il.

Nous avons donc maintenant les notions de féminité et de maternité réunies à nouveau. Parce qu’il apparaît que les sages n’ont pas trouvé un terrain d’entente; à travers les âges, l’usage a été un éloge mystique de la maternité; jusqu’ici, les louanges étaient réservées à la mère prolifique, celle qui donnait naissance aux héros, aux saints, aux rédempteurs ou aux tyrans; à partir de maintenant, elles seront réservées à la mère eugénique, la conceptrice, la femme enceinte, la mère biologique immaculée…

J’ai dit que nous avions les notions de féminité et de maternité réunies, mais j’avais tort; nous avons d’ores et déjà quelque chose de pire: la notion de maternité éclipsant celle de féminité, la fonction annihilant l’individu.

On pourrait dire que, à travers les différentes époques, le monde masculin a oscillé, dans ses rapports avec les femmes, entre les deux notions extrêmes de la putain et de la mère, entre l’abject et le sublime, sans s’arrêter à l’aspect strictement humain: la femme. La femme en tant que individu, rationnelle, douée de pensée, autonome…

La mère est le produit de la réaction masculine brutale contre la putain, qu’il voit en chaque femme. C’est la déification de l’utérus qui l’a hébergé.

Mais — et ne soyons pas scandalisés, parce que nous sommes entre anarchistes et notre engagement fondamental est d’appeler les choses par leur nom et de mettre à bas les idées erronées, aussi prestigieuses soient-elles — la mère comme atout pour la société n’a donc été que la manifestation d’un instinct, un instinct tout ce qu’il y a de plus virulent parce que la vie de la femme y a été réduit pendant des années; mais un instinct, malgré tout, à l’exception de quelques femmes supérieures qui ont acquis le statut de sentiment.

La femme, au contraire, est un individu, une créature pensante, une entité plus complexe. En se focalisant sur la mère, on cherche à bannir la femme alors que l’on pourrait avoir la femme et la mère, parce que la féminité n’exclut jamais la maternité.

Vous regardez de haut la femme comme un facteur déterminatif de la société, lui assignant le statut de facteur passif. Vous regardez de haut la contribution directe d’une femme intelligente, lui préférant celle peut-être inepte d’un homme. Je le répète : nous devons appeler les choses par leurs noms. Les femmes sont des femmes avant tout. C’est seulement si elles sont des femmes que vous aurez les mères dont vous avez besoin.

Ce que je trouve choquant, c’est que des camarades masculins, qui se définissent comme anarchistes, peut-être éblouis par le principe scientifique sur lequel le nouveau dogme prétend reposer, sont capables de le défendre. A leur vue, je suis assaillie par ce doute: si ils sont anarchistes, ils ne peuvent pas être sérieux, et si ils sont sérieux, ils ne peuvent pas être anarchistes.

Selon la théorie de la différentiation, la mère est l’équivalent de l’ouvrier. Pour un anarchiste, un ouvrier est avant tout un homme, et avant tout, la mère devrait être une femme. (Je parle au sens générique). Parce que, pour un anarchiste, l’individu vient avant tout…

Cela est peut-être regrettable mais les campagnes pour une plus grande liberté sexuelle n’ont pas toujours été correctement comprises par nos jeunes camarades masculins, et, en de nombreuses occasions, ils ont attiré dans nos rangs un grand nombres de jeunes des deux sexes, qui se désintéressent totalement des questions sociales, et qui sont juste à l’affût d’aventures amoureuses. Il y en a certains qui ont interprété la liberté comme une invitation à l’excès et qui regarde chaque femme qui passe comme une cible pour leurs appétits…

Dans nos centres, rarement fréquentés par les jeunes femmes, j’ai remarqué que les conversations entre les sexes ne tournent jamais autour d’une question, encore moins d’un sujet lié au travail; du moment où un jeune rencontre quelqu’un du sexe opposé, la question sexuelle les ensorcelle et l’amour libre semble être le seul sujet de conversation. Et j’ai constaté deux types de réponses féminines à cela. L’une, reddition instantanée à la suggestion; dans ce cas, il ne faut pas longtemps pour que la femme se retrouve le jouet des caprices masculins et perde complètement toute conscience sociale. L’autre est le désenchantement: de sorte que la femme qui est arrivée avec des ambitions et des aspirations élevées, s’éloigne, désappointée et finit par quitter nos rangs. Seules, quelques femmes de caractère, qui ont appris à mesurer la valeur des choses par elles-mêmes, parviennent à surmonter cela.

Quant à la réponse des hommes, elle est toujours la même, malgré son éducation sexuelle tant vantée, et cela est évident lorsque, dans ses différents démêlés amoureux avec la femme qu’il considère comme une « camarade », la figure du Don Juan se transforme en Othello, et la femme- sinon le couple – est perdue pour le mouvement…

Mon opinion réfléchie, en définitif, est que la résolution de ce problème dépend uniquement de celle de la question économique. De la révolution. Et de rien d’autre. Tout autre chose signifierait nommer le même vieil esclavage par un nouveau nom.


https://racinesetbranches.wordpress.com ... z-saornil/
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Re: UN AUTRE FUTUR. 1936. Une guerre civile éclate en Espagne

Messagede pit le Sam 11 Fév 2017 21:29

Paris dimanche 12 février 2017

Projection débat « Land and Freedom »

Film réalisé par Ken Loach, sorti en 1995

à 17h, Bibliothèque La Rue, 10 rue Robert-Planquette, Paris 18e

Image

Une jeune femme, fouillant de nos jours dans les affaires de son grand-père décédé, découvre le passé militant de celui-ci, et notamment sa participation en tant que soldat du POUM, engagé au côté des républicains, anarchistes et communistes, à la guerre d'Espagne en 1936.

Ken Loach

Kenneth « Ken » Loach, né le 17 juin 19361 à Nuneaton (Warwickshire), est un réalisateur britannique de cinéma et de télévision.

Il ouvre la voie, d'abord à la télévision, puis dans les salles, au renouveau des années 1980 et 1990 du cinéma britannique qui a notamment révélé Mike Leigh et Stephen Frears2.

Son style naturaliste s'axe sur une étude sans concession de la misère en Grande-Bretagne, des tares socio-familiales et du ravage des politiques publiques (Riff-Raff, Raining Stones, Ladybird, Carla's Song, Sweet Sixteen, Moi, Daniel Blake). Il explore également les heures sombres de l'histoire outre-Manche (Secret défense, Land and Freedom, Le Vent se lève, Route Irish). Son œuvre, très militante, laisse entrevoir son engagement à gauche dans les conflits sociaux et la lutte pour le droit des travailleurs ou des immigrés clandestins (Les Dockers de Liverpool, Bread and Roses, The Navigators, It's a Free World!...)2. Son radicalisme politique, ses sympathies marxistes et ses prises de position publiques ont souvent déclenché la polémique au Royaume-Uni2.

Projection organisée par le ciné club "La Lanterne Noire" du groupe Louise-Michel

https://paris.demosphere.eu/rv/52589
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Re: UN AUTRE FUTUR. 1936. Une guerre civile éclate en Espagne

Messagede pit le Mer 15 Fév 2017 03:57

Buenaventura Durruti

(textes de Manuel Buenacasa, Liberto Callejas, D.A. De Santillán, Karl Einstein, Fernand Fortin, Emma Goldman, Federica Montseny, H. Rüdiger, A. Souchy…), CNT-AIT-FAI, Barcelone, [1937], 31 p.

Doc PDF : http://anarlivres.free.fr/pages/documen ... AitFai.pdf
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Re: UN AUTRE FUTUR. 1936. Une guerre civile éclate en Espagne

Messagede pit le Jeu 16 Fév 2017 21:31

Toulouse, samedi 18 février 2017

Une journée autour des Mujeres Libres et des Femmes en/et Révolution

Au Bar des Farfadet-tes en Pays Cathare (ancien amical bar)
19 bis Faubourg Bonnefoy, Toulouse

Image

=> Ouverture des portes à 14heures : présence du Kiosk, du CTDEE (Centre toulousain de documentation sur l'exil espagnol), de la librairie itinérante Amalante ...

=> 17heures, projection du film Indomptables (Indomables, una historia de mujeres libres) ;

=> vers 18h15, on enchaîne avec une AG/débat autour du thème "Femmes et Révolution";

=> 19h30, concert d'El Comunero.

Entrée Libre.

https://toulouse.demosphere.eu/rv/14677
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Re: UN AUTRE FUTUR. 1936. Une guerre civile éclate en Espagne

Messagede Zoom le Sam 18 Fév 2017 18:57

Mémoire des luttes : Femmes libres contre machisme libertaire

Organisation féministe fondée un peu avant la guerre d’Espagne, les Mujeres Libres ont contribué au combat libertaire, mais aussi mis en avant la lutte pour la place des femmes dans la société et dans le monde militant. Un combat encore actuel.

Des Mujeres Libres, on sait souvent certaines choses. Que cette organisation qui revendiquait dans son nom même la liberté des femmes exista dans un contexte révolutionnaire et de guerre civile, en Espagne, ­entre 1936 et 1939. Qu’elle était autogestionnaire et fédéraliste. Que ses militantes furent nombreuses (20 000 en juillet 1937). Qu’elles s’adressaient à la classe ouvrière et en étaient souvent issues. Qu’elles s’exprimaient sur des sujets aussi divers que les conditions de travail et les salaires, la grossesse, le plaisir féminin, la structure familiale. ­Qu’elles refusèrent de s’allier avec les féministes communistes, mais ne trouvait que peu d’appui également chez les libertaires. Qu’elles considérèrent ­l’éducation des femmes comme un outil indispensable de leur émancipation. Qu’ainsi, elles assurèrent des formations techniques, générales et militantes pour les femmes. Surtout, ­qu’elles avaient la volonté d’articuler classe et genre pour ­contrer les féministes bourgeoises de ­l’époque.

On sait parfois aussi, mais pas toujours, que c’est en premier lieu face à leur organisation libertaire, la CNT, qu’elles se dressèrent. En particulier, c’est à cause des pratiques de certains militants qu’elles voulurent créer cet espace militant réservé aux femmes (on dirait aujourd’hui non mixte).

La CNT prônait l’égalité des sexes et de nombreuses femmes s’y syndiquaient. Certaines y avaient même des responsabilités. Les idées de Proudhon, qui voulait laisser les femmes à la cuisine, étaient rejetées. Mais l’écart entre la théorie et les pratiques des militants était trop important.

Compagne laissée à son rôle traditionnel

Ainsi, une militante, Pepita Carpena, rapporte : « Il y avait alors beaucoup de machisme chez les hommes en général. Les copains de la CNT, eux, acceptaient volontiers qu’une femme vienne au syndicat. (…) Le problème des féministes de la CNT s’est posé au contact du militantisme : elles se sont aperçues que ces hommes qui étaient libertaires l’étaient un peu moins quand ils étaient dans leur foyer. Ils ne le faisaient pas exprès. Ils avaient été élevés comme ça et n’en avaient pas conscience. » D’après ce témoignage, il s’agissait moins d’un problème d’intégration au milieu militant que du rapport que les militants entretenaient avec les femmes de leur entourage.

La différence exercée entre la militante volontiers acceptée et la compagne laissée à son rôle traditionnel est explicitée dans ce témoignage : « Les copains étaient très contents d’avoir une compagne qui les comprenne, eux, en tant que militants, mais pas qu’elle soit militante. Ils pensaient toujours que les femmes n’en étaient pas capables, sauf quelques-unes. (…) Les hommes pensaient qu’elles ne comprenaient rien aux problèmes économiques et sociaux. La plupart, d’ailleurs, n’avaient pas de compagnes militantes. Ceux qui avaient des femmes militantes… eh bien, elles étaient là pour recevoir tous les copains qui arrivaient, faire la bouffe, faire les hôtesses. »

Ce fossé nie l’existence d’une cause commune à toutes les femmes ouvrières, militantes ou non : la nécessité d’une double émancipation. La résistance de beaucoup de militants aux pratiques féministes, malgré un discours progressiste (surtout par rapport au contexte) peut être expliquée de deux manières. Certains militants restaient enfermés dans une vision traditionnelle de la famille dans laquelle l’homme travaillait et la femme s’occupait du foyer, quand d’autres s’attachaient à l’idée selon laquelle ce que l’on nomme aujourd’hui patriarcat [1] disparaîtrait avec le capitalisme.

Lucia Sanchez-Saornil [2] , future cofondatrice de Mujeres Libres, combattit ces deux conceptions. Militante de la CNT depuis le début des années 1920, elle publia en 1935 plusieurs articles dénommés « La question des femmes dans nos milieux » dans le journal Solidaridad Obrera, qu’il faut relire aujourd’hui. En réponse à son camarade Mariano Vazquez qui avait écrit sur « la question féminine », elle note : « L’anarchiste (…) qui demande à sa femme sa collaboration pour la tâche de subversion sociale doit commencer par reconnaître en elle son égale, avec toutes les prérogatives de l’individualité. »

Il n’est ainsi pas question d’attendre la fin du capitalisme pour accorder les mêmes droits aux femmes : elle doit pouvoir les prendre dès à présent. En fait, alors que certains militants souhaitaient que les femmes rejoignent leur lutte afin d’augmenter la force de l’organisation, c’est d’abord l’éducation des femmes que demande Lucia Sanchez-Saornil. Elle continue ainsi : « Je me suis proposée d’ouvrir pour la femme les perspectives de notre révolution, en lui offrant les éléments pour qu’elle se forme une mentalité libre, capable de discerner par elle-même le faux du vrai, le politique du social. Car je crois qu’avant de l’organiser dans les syndicats – sans pour autant que je dédaigne ce travail – il est plus urgent de la mettre en condition de comprendre la nécessité de cette organisation. »

Un groupe exclusivement féminin

Ce débat était difficile car les résistances étaient bien présentes, mais il ne faut pas négliger également le fait que beaucoup de militants considéraient simplement ces questions comme secondaires. C’est peut-être finalement pour cette raison que Sanchez-Saornil conclut sa série d’articles par l’annonce de la création d’un « organe indépendant ». Les Mujeres Libres se sont donc constituées en groupe exclusivement féminin non seulement pour pouvoir construire une réflexion spécifique à ce que l’on appelait « condition féminine » et réaliser un véritable travail d’éducation des femmes, mais aussi parce que les questions féministes n’avaient pas d’espace d’expression suffisant pour permettre de les poser de manière urgente dans le milieu libertaire.

Les Mujeres Libres avaient ainsi exposé cette idée fondamentale qui veut que, comme on ne peut pas construire une société libertaire au sein d’une organisation autoritaire, on ne peut construire une société où l’égalité des sexes serait la norme au sein d’une organisation machiste.

Lucia Sanchez Saornil exprimait dès 1935 la responsabilité des militants face au sexisme : « Hors de nos milieux (…), il est très compréhensible, très excusable et même si l’on veut très humain que, tout comme le bourgeois défend sa position et son privilège de commandement, l’homme désire conserver son hégémonie et se sente satisfait d’avoir un esclave. Mais moi (…), je parlais pour les anarchistes exclusivement, pour l’homme conscient, pour celui qui, ennemi de toutes les tyrannies, est obligé, s’il veut être conséquent, d’extirper de lui, dès qu’il le sent poindre, tout reste de despotisme. »

Adèle (AL Montreuil)


[1] Le patriarcat est le système d’exploitation des femmes.

[2] Les citations de Lucia Sanchez-Saornil ont été recueillies grâce à l’ouvrage de Guillaume Goutte, Lucia Sanchez-Saornil – Poétesse, anarchiste et féministe.

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