la "gauche " reactionnaire, une longue histoire...

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Re: la "gauche " reactionnaire, une longue histoire...

Messagede conan le Mar 7 Déc 2010 16:51

C'est qui la fille en photo, je situe pas ?
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Re: la "gauche " reactionnaire, une longue histoire...

Messagede Polack le Mar 7 Déc 2010 17:13

c'est la fameuse nana des souchiens/sous-chiens qui avait fait polémique sur un plateau télé. elle causait pour les indigènes de la république si je me souviens bien.
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Re: la "gauche " reactionnaire, une longue histoire...

Messagede filochard le Mer 8 Déc 2010 00:22

conan a écrit:C'est qui la fille en photo, je situe pas ?

http://fr.wikipedia.org/wiki/Houria_Bouteldja
TRAVAILLER ? JAMAIS ! JAMAIS ! JE SUIS EN GRÈVE ! LE TRAVAIL EST CE QUE L'HOMME A TROUVE DE MIEUX POUR EXTERMINER LES JUIFS !!!
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Re: la "gauche " reactionnaire, une longue histoire...

Messagede fu hsang le Jeu 9 Déc 2010 14:24

Jacques Rancière : racisme d’État et racisme intellectuel «de gauche»
In Uncategorized on septembre 20, 2010 at 23:07

Samedi 11 septembre se tenait à La Parole errante, à Montreuil, un colloque intitulé « les Rroms, et qui d’autre ? », auquel participait, entre autres, le philosophe Jacques Rancière. Ci-dessous, le texte de son intervention.

Je voudrais proposer quelques réflexions autour de la notion de « racisme d’Etat » mise à l’ordre du jour de notre réunion. Ces réflexions s’opposent à une interprétation très répandue des mesures récemment prises par notre gouvernement, depuis la loi sur le voile jusqu’aux expulsions de roms. Cette interprétation y voit une attitude opportuniste visant à exploiter les thèmes racistes et xénophobes à des fins électoralistes. Cette prétendue critique reconduit ainsi la présupposition qui fait du racisme une passion populaire, la réaction apeurée et irrationnelle de couches rétrogrades de la population, incapables de s’adapter au nouveau monde mobile et cosmopolite. L’Etat est accusé de manquer à son principe en se montrant complaisant à l’égard de ces populations. Mais il est par là conforté dans sa position de représentant de la rationalité face à l’irrationalité populaire.

Or cette disposition du jeu, adoptée par la critique «de gauche», est exactement la même au nom de laquelle la droite a mis en œuvre depuis une vingtaine d’années un certain nombre de lois et de décrets racistes. Toutes ces mesures ont été prises au nom de la même argumentation: il y a des problèmes de délinquances et nuisances diverses causés par les immigrés et les clandestins qui risquent de déclencher du racisme si on n’y met pas bon ordre. Il faut donc soumettre ces délinquances et nuisances à l’universalité de la loi pour qu’elles ne créent pas des troubles racistes.

C’est un jeu qui se joue, à gauche comme à droite, depuis les lois Pasqua-Méhaignerie de 1993. Il consiste à opposer aux passions populaires la logique universaliste de l’Etat rationnel, c’est-à-dire à donner aux politiques racistes d’Etat un brevet d’antiracisme. Il serait temps de prendre l’argument à l’envers et de marquer la solidarité entre la «rationalité» étatique qui commande ces mesures et cet autre –cet adversaire complice– commode qu’elle se donne comme repoussoir, la passion populaire. En fait, ce n’est pas le gouvernement qui agit sous la pression du racisme populaire et en réaction aux passions dites populistes de l’extrême-droite. C’est la raison d’Etat qui entretient cet autre à qui il confie la gestion imaginaire de sa législation réelle.

J’avais proposé, il y a une quinzaine d’années, le terme de racisme froid pour désigner ce processus. Le racisme auquel nous avons aujourd’hui affaire est un racisme à froid, une construction intellectuelle. C’est d’abord une création de l’Etat. On a discuté ici sur les rapports entre Etat de droit et Etat policier. Mais c’est la nature même de l’Etat que d’être un Etat policier, une institution qui fixe et contrôle les identités, les places et les déplacements, une institution en lutte permanente contre tout excédent au décompte des identités qu’il opère, c’est-à-dire aussi contre cet excès sur les logiques identitaires que constitue l’action des sujets politiques. Ce travail est rendu plus insistant par l’ordre économique mondial. Nos Etats sont de moins en moins capables de contrecarrer les effets destructeurs de la libre circulation des capitaux pour les communautés dont ils ont la charge. Ils en sont d’autant moins capables qu’ils n’en ont aucunement le désir. Ils se rabattent alors sur ce qui est en leur pouvoir, la circulation des personnes. Ils prennent comme objet spécifique le contrôle de cette autre circulation et comme objectif la sécurité des nationaux menacés par ces migrants, c’est-à-dire plus précisément la production et la gestion du sentiment d’insécurité. C’est ce travail qui devient de plus en plus leur raison d’être et le moyen de leur légitimation.

De là un usage de la loi qui remplit deux fonctions essentielles : une fonction idéologique qui est de donner constamment figure au sujet qui menace la sécurité; et une fonction pratique qui est de réaménager continuellement la frontière entre le dedans et le dehors, de créer constamment des identités flottantes, susceptibles de faire tomber dehors ceux qui étaient dedans. Légiférer sur l’immigration, cela a d’abord voulu dire créer une catégorie de sous-Français, faire tomber dans la catégorie flottante d’immigrés des gens qui étaient nés sur sol français de parents nés français. Légiférer sur l’immigration clandestine, cela a voulu dire faire tomber dans la catégorie des clandestins des «immigrés»légaux. C’est encore la même logique qui a commandé l’usage récent de la notion de «Français d’origine étrangère». Et c’est cette même logique qui vise aujourd’hui les roms, en créant, contre le principe même de libre circulation dans l’espace européen, une catégorie d’Européens qui ne sont pas vraiment Européens, de même qu’il y a des Français qui ne sont pas vraiment Français. Pour créer ces identités en suspens l’Etat ne s’embarrasse pas de contradictions comme on l’a vu par ses mesures concernant les «immigrés». D’un côté, il crée des lois discriminatoires et des formes de stigmatisation fondées sur l’idée de l’universalité citoyenne et de l’égalité devant la loi. Sont alors sanctionnés et/ou stigmatisés ceux dont les pratiques s’opposent à l’égalité et à l’universalité citoyenne. Mais d’un autre côté, il crée au sein de cette citoyenneté semblable pour tous des discriminations comme celle qui distingue les Français «d’origine étrangère». Donc d’un côté tous les Français sont pareils et gare à ceux qui ne le sont pas, de l’autre tous ne sont pas pareils et gare à ceux qui l’oublient !

Le racisme d’aujourd’hui est donc d’abord une logique étatique et non une passion populaire. Et cette logique d’Etat est soutenue au premier chef non par on ne sait quels groupes sociaux arriérés mais par une bonne partie de l’élite intellectuelle. Les dernières campagnes racistes ne sont pas du tout le fait de l’extrême-droite dite «populiste». Elles ont été conduites par une intelligentsia qui se revendique comme intelligentsia de gauche, républicaine et laïque. La discrimination n’est plus fondée sur des arguments sur les races supérieures et inférieures. Elle s’argumente au nom de la lutte contre le «communautarisme», de l’universalité de la loi et de l’égalité de tous les citoyens au regard de la loi et de l’égalité des sexes. Là encore, on ne s’embarrasse pas trop de contradictions; ces arguments sont le fait de gens qui font par ailleurs assez peu de cas de l’égalité et du féminisme. De fait, l’argumentation a surtout pour effet de créer l’amalgame requis pour identifier l’indésirable: ainsi l’amalgame entre migrant, immigré, arriéré, islamiste, machiste et terroriste. Le recours à l’universalité est en fait opéré au profit de son contraire: l’établissement d’un pouvoir étatique discrétionnaire de décider qui appartient ou n’appartient pas à la classe de ceux qui ont le droit d’être ici, le pouvoir, en bref, de conférer et de supprimer des identités. Ce pouvoir a son corrélat: le pouvoir d’obliger les individus à être à tout moment identifiables, à se tenir dans un espace de visibilité intégrale au regard de l’Etat. Il vaut la peine, de ce point de vue, de revenir sur la solution trouvée par le gouvernement au problème juridique posé par l’interdiction de la burqa. C’était, on l’a vu, difficile de faire une loi visant spécifiquement quelques centaines de personnes d’une religion déterminée. Le gouvernement a trouvé la solution: une loi portant interdiction en général de couvrir son visage dans l’espace public, une loi qui vise en même temps la femme porteuse du voile intégral et le manifestant porteur d’un masque ou d’un foulard. Le foulard devient ainsi l’emblème commun du musulman arriéré et de l’agitateur terroriste. Cette solution-là, adoptée, comme pas mal de mesures sur l’immigration, avec la bienveillante abstention de la «gauche», c’est la pensée «républicaine» qui en a donné la formule. Qu’on se souvienne des diatribes furieuses de novembre 2005 contre ces jeunes masqués et encapuchonnés qui agissaient nuitamment. Qu’on se souvienne aussi du point de départ de l’affaire Redeker, le professeur de philosophie menacé par une «fatwa» islamique. Le point de départ de la furieuse diatribe antimusulmane de Robert Redeker était… l’interdiction du string à Paris-Plage. Dans cette interdiction édictée par la mairie de Paris, il décelait une mesure de complaisance envers l’islamisme, envers une religion dont le potentiel de haine et de violence était déjà manifesté dans l’interdiction d’être nu en public. Les beaux discours sur la laïcité et l’universalité républicaine se ramènent en définitive à ce principe qu’il convient d’être entièrement visible dans l’espace public, qu’il soit pavé ou plage.

Je conclus: beaucoup d’énergie a été dépensée contre une certaine figure du racisme –celle qu’a incarnée le Front National– et une certaine idée de ce racisme comme expression des «petits blancs» représentant les couches arriérées de la société. Une bonne part de cette énergie a été récupérée pour construire la légitimité d’une nouvelle forme de racisme: racisme d’Etat et racisme intellectuel «de gauche». Il serait peut-être temps de réorienter la pensée et le combat contre une théorie et une pratique de stigmatisation, de précarisation et d’exclusion qui constituent aujourd’hui un racisme d’en-haut: une logique d’Etat et une passion de l’intelligentsia.

Jacques Rancière, 11 septembre 2010

[Source : Mediapart]

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Re: la "gauche " reactionnaire, une longue histoire...

Messagede fu hsang le Mar 21 Déc 2010 13:07

Extrême droite et gauche laïco-xénophobe

publié par Yves, le mardi 14 décembre 2010
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Depuis 2007, la revue Ni patrie ni fron­tières a dénoncé à plu­sieurs repri­ses les laïques et les athées qui flir­taient avec Riposte laïque ou avec la xénop­hobie – comme Mireille Popelin quand elle par­ti­ci­pait encore au site Respublica, site répub­licain de gauche où elle publia un arti­cle vicieu­se­ment xénop­hobe à partir d’un fait divers impli­quant des jeunes du 9-3 dans une colo­nie de vacan­ces, à la mon­ta­gne.

Cela nous a valu quel­ques éch­anges très vifs avec Jocelyn Bézecourt, res­pon­sa­ble du site atheisme.org et un ani­ma­teur de Radio liber­taire lors du Salon du livre liber­taire de juin 2008. Ce "débat-tra­que­nard" se trouve repro­duit sur le site http://anar­so­nore.free.fr/spip.php?...;; il est intér­essant parce qu’il montre qu’en juin 2008 Riposte laïque était encore en "odeur de sain­teté" auprès de cet ani­ma­teur de Radio Libertaire et de Jocelyn Bézecourt ; il montre aussi que sous prét­exte de rester, eux, dans le concret, contrai­re­ment à moi qu’ils accu­saient de planer trop haut dans le ciel des idées, ils ne voyaient pas ce que pou­vait avoir de per­ni­cieux le fait de col­por­ter des anec­do­tes sur le prét­endu "ter­ro­risme reli­gieux" musul­man (et chrétien pour faire bonne mesure) en France. Bézecourt se réc­lamait très séri­eu­sement de la tra­di­tion anar­chiste anti­clé­ri­cale appe­lant au meur­tre des prêtres, comme si ces posi­tions avaient le moin­dre intérêt aujourd’hui, de sur­croît face à l’islam et l’isla­misme actuel. Riposte laïque conti­nua d’ailleurs à être invité sur la radio de la Fédération anar­chiste par le même ani­ma­teur, long­temps après ce débat en avril 2009 comme en tém­oigne l’arti­cle des Luftmenschen http://luft­men­schen.over-blog.com/a..., à ce sujet. Une telle invi­ta­tion pres­que un an après notre confron­ta­tion prouve que cer­tains mili­tants de la FA n’avaient pas encore com­pris le danger que représ­entait Riposte laïque, et qu’ils l’ont com­pris seu­le­ment en juin 2010 quand Riposte laïque fit alliance avec les Identitaires. Il n’était dés­ormais plus pos­si­ble de prét­endre qu’il s’agis­sait de laïques qui se trom­paient, avec les­quels on pou­vait dis­cu­ter, il était devenu évident qu’ils avaient bas­culé de l’autre côté de la bar­ri­cade. Il aura fallu à cer­tains anar­chis­tes trois ans pour déceler le virus de la xénop­hobie et du racisme dans une prose pour­tant très expli­cite. Notre cri­ti­que de Riposte laïque nous valut aussi une cor­res­pon­dance viru­lente avec Jean-François Chalot, ce "tros­kyste" qui réa­lisa une ver­sion iné­dite du "Front unique ouvrier" avec l’UMP locale contre l’ouver­ture d’une mos­quée sala­fiste à Champs-sur-Marne.

Depuis 2007, la col­la­bo­ra­tion entre Riposte laïque, la droite et l’extrême droite n’a fait que s’appro­fon­dir et ce ne sont pas les der­nières déc­la­rations de Marine Le Pen, le ven­dredi 10 déc­embre 2010, qui nous contre­di­ront. En effet, la der­nière com­pa­rai­son de l’avo­cate fron­tiste entre la pér­iode de l’Occupation nazie et le fait que quel­ques rues en France soient "occupées" une fois par semaine quel­ques minu­tes par des musul­mans qui ne trou­vent pas de salle assez grande pour prier, cette com­pa­rai­son avait d’abord été rodée sur le site de Riposte laïque pen­dant des mois.

Riposte laïque agit donc bien en pois­son pilote, en pas­se­relle entre l’extrême droite et la gauche comme nous l’expli­quions dans le pre­mier de nos deux arti­cles sur les bases poli­ti­ques des pro­chai­nes Assises contre l’isla­mi­sa­tion du 18 déc­embre repro­duits sur ce même site http://www.mon­dia­lisme.org/spip.php... , le second por­tant sur la gauche réacti­onn­aire du XIXe siècle, dont Riposte laïque perpétue la tra­di­tion xénop­hobe. Ce groupe teste en direc­tion d’un public de gauche des for­mu­les xénop­hobes pour qu’ensuite le FN les balance dans les médias avec un effet dém­ul­tiplié par son poids élec­toral, évid­emment sans com­mune mesure avec le petit lec­to­rat de Riposte laïque.

Le samedi 11 déc­embre 2010, à Lyon, a eu lieu un débat sur le thème des conver­gen­ces poli­ti­ques entre l’extrême droite et la gauche laïco-xénop­hobe. Nous repro­dui­rons dans un second arti­cle les ques­tions très intér­ess­antes qui ont été posées par les par­ti­ci­pants à ce débat. Pour le moment, nous prés­entons ci-des­sous le cane­vas de la prés­en­tation .

Post scrip­tum : Selon deux jour­na­lis­tes du Monde (http://droi­tes-extre­mes.blog.lemond...[NL_Titresdujour]-20101214-[zoneb]), cette com­pa­rai­son est beau­coup plus vieille que je ne le pen­sais :

"le 15 mai 1993. Le FN, sous l’égide de son conseil scien­ti­fi­que, orga­ni­sait un “col­lo­que” inti­tulé “d’une rés­ist­ance à l’autre, l’Histoire en ques­tion de 1940 à 1993″. Le délégué général, Bruno Mégret, y avait alors fait une inter­ven­tion “remar­quée”, racontée par Renaud Dely dans son Histoire secrète du Front natio­nal (Grasset, 1999), traçant un parallèle abject entre l’occu­pant nazi de 1940 et les immi­grés. “Le combat de la rés­ist­ance visait à s’oppo­ser à la fois à l’inva­sion alle­mande et à l’oppres­sion nazie. Or, aujourd’hui il y a inva­sion et il y a oppres­sion.Certes, il s’agit de formes molles, non mili­tai­res de ces deux fléaux, mais les deux mots peu­vent être vala­ble­ment uti­lisés.” “L’inva­sion, c’est natu­rel­le­ment l’inva­sion liée à l’immi­gra­tion” pour­sui­vait Bruno Mégret, la France étant, à ses yeux, “vic­time, depuis de nom­breu­ses années, d’une authen­ti­que inva­sion silen­cieuse et pour le moment paci­fi­que. Il ajou­tait que si “l’établ­is­sement adopte une atti­tude de col­la­bo­ra­tion avec l’enva­his­seur”, “le Front natio­nal adopte, lui, une atti­tude de rés­ist­ance”."

Comme quoi, plus on creuse la ques­tion, plus les posi­tions de la gauche laïco-xénop­hobe ne sont qu’un copier-col­lier de la "pensée" d’extrême droite.

Y.C.

****************************************

Avant de com­men­cer je crois qu’il faut se mettre d’accord sur 6 points fon­da­men­taux qui devraient per­met­tre de fixer un cadre et un contexte au débat de ce soir :

1. Les reli­gions et les Eglises ont évolué, leur place dans les sociétés occi­den­ta­les a changé, et on ne peut plus les cri­ti­quer de la même façon qu’au XIXe siècle – ce qui n’enlève rien à l’impor­tance de l’athé­isme et du matér­ial­isme scien­ti­fi­que, bien au contraire ;

2. L’idéo­logie de l’extrême droite a subi des chan­ge­ments impor­tants, notam­ment sous l’influence de la Nouvelle Droite. L’anti­fas­cisme tra­di­tion­nel – quel­les que soient par ailleurs ses limi­tes démoc­ra­tiques-bour­geoi­ses – doit donc renou­ve­ler son argu­men­taire s’il sou­haite être convain­cant ;

3. Il existe en France, depuis le XIXe siècle, un cou­rant « socia­liste-natio­nal », à la fois athée et anti­ca­pi­ta­liste, laïque, chau­vin et raciste, en clair une « gauche réacti­onn­aire », que l’on ne peut réd­uire ni à l’extrême droite ni au fas­cisme, ce qui ne la rend pas moins nocive.

4. Derrière les dis­cus­sions sur la laïcité et l’islam, ce sont des conver­gen­ces ou des diver­gen­ces sur la nature de la nation et la per­ti­nence de la déf­ense de l’Etat-nation qui jouent un rôle essen­tiel.

5. La montée des « natio­nal-popu­lis­mes » en Europe coïn­cide avec la cons­truc­tion de « l’Europe for­te­resse ». C’est dans ce contexte social et poli­ti­que qu’il faut situer les débats sur la laïcité et l’islam, les contrôles des « flux migra­toi­res » et la défi­nition de qui est « européen » et qui ne l’est pas.

6. À l’éch­elle inter­na­tio­nale, le débat sur le « conflit de civi­li­sa­tions » est inti­me­ment lié aux inter­ven­tions des Etats-Unis et de leurs alliés au Koweit, en Irak et en Afghanistan ; à la volonté des gran­des puis­san­ces de contrôler les sour­ces d’énergie et les grands axes com­mer­ciaux ; au jeu des puis­san­ces intermédi­aires (Iran, Turquie) et des Etats pét­roliers (du Golfe ou pas) qui sou­hai­tent obte­nir une part des béné­fices de l’exploi­ta­tion des matières pre­mières et des prolét­aires ; et, last but not least, aux acti­vités mili­tai­res ou poli­ti­ques des mou­ve­ments isla­mis­tes au Proche-Orient, au Moyen-Orient et au Maghreb qui don­nent une tona­lité reli­gieuse à ce qui sont avant tout des conflits d’intérêts matériels.

Si l’on prend en compte ces différents éléments, d’iné­gale impor­tance, et si l’on dén­once le natio­na­lisme et le patrio­tisme comme des idéo­logies mor­tifères, et l’Etat comme le représ­entant natu­rel des intérêts du Capital, alors il sera peut-être pos­si­ble de cla­ri­fier les cli­va­ges poli­ti­ques. Sinon la confu­sion per­du­rera.

On assi­mile tra­di­tion­nel­le­ment la droite franç­aise à la dén­onc­iation des Lumières, à l’obs­cu­ran­tisme reli­gieux, à l’homo­pho­bie, au sexisme, à l’antisé­mit­isme, au racisme et à la déf­ense d’un « Etat fort », voire des dic­ta­tu­res mili­tai­res ou fas­cis­tes ; et on assi­mile la gauche à la déf­ense de la laïcité, de la République, de la démoc­ratie, du fémin­isme et des droits des homo­sexuels, et de toutes les mino­rités natio­na­les ou eth­ni­ques. Or, depuis quel­ques années, les fron­tières idéo­lo­giques sem­blent s’être brouillées entre la droite, l’extrême droite et la gauche en France, notam­ment à l’occa­sion des débats pas­sionnés sur le contenu « tota­li­taire » de l’islam comme reli­gion et de l’isla­misme comme doc­trine poli­ti­que.

La tenue de plu­sieurs « apéros sau­cis­son-pinard » dans différ­entes villes en juin et juillet 2010 a été l’occa­sion d’obser­ver une inquiét­ante conver­gence entre des répub­licains de gauche (Riposte laïque), des gaul­lis­tes, des vil­liér­istes, des sou­ve­rai­nis­tes de droite et de gauche, et des « Identitaires (1) » (en clair des natio­na­lis­tes fas­ci­sants ou néof­asc­istes) au nom de la déf­ense de la laïcité et du fémin­isme, et de l’expul­sion des immi­grés – musul­mans ou pas (2). Cette coa­li­tion hété­roc­lite prétend ras­sem­bler de pseudo-« rés­istants » face à « l’inva­sion » sup­posée des immi­grés et de l’islam. Et ils n’hésitent pas à trai­ter leurs adver­sai­res de « col­la­bos », ou de « col­la­bo­bos ».

Comment expli­quer de telles conver­gen­ces entre mili­tants de droite et de gauche ? Sont-elles vrai­ment nou­vel­les ?

Il nous semble que cette évo­lution (appa­rem­ment) réc­ente a été précédée et préparée, à droite, par le long tra­vail sou­ter­rain des idéo­logues de ce qu’il est convenu d’appe­ler la « Nouvelle Droite » ou les « nou­vel­les droi­tes ». Cette étiqu­ette a été inventée pour qua­li­fier une mou­vance aux contours vagues, qui va du GRECE (et sur­tout de son ani­ma­teur Alain de Benoist, atteint d’une « inconti­nence de l’encrier » comme le dit l’un de ses copains fachos) au Club de l’Horloge en pas­sant par de nom­breux clubs, revues et col­lo­ques. Les indi­vi­dus formés ou influencés par ces différ­entes struc­tu­res ont à leur tour réint­erprété les mes­sa­ges qu’ils lisaient ou enten­daient, ce qui a donné nais­sance à une cer­taine caco­pho­nie idéo­lo­gique – par­fois volon­taire, les néodr­oitiers se plai­sant à pro­cla­mer tout et son contraire et à puiser chez des intel­lec­tuels aussi divers que Georges Dumézil, Claude Lévi-Strauss, Julius Evola, Louis Rougier, Robert Jaulin et Carl Schmitt.

Je n’entre­rai pas ici dans le détail de tous les cou­rants et sous-cou­rants de la « Nouvelle Droite ». Il importe seu­le­ment de sou­li­gner ici qu’un cer­tain nombre d’intel­lec­tuels et de cadres mili­tants des grou­pus­cu­les d’extrême droite ont effi­ca­ce­ment contri­bué à « brouiller les lignes » et à semer la confu­sion entre droite et gauche, en récupérant beau­coup de thèmes que la gauche avait mis à la mode dans les années 60-70, même si la droite avait déjà exploité cer­tains de ces thèmes : éco­logie pro­fonde, rég­io­nal­isme anti-jaco­bin, anti-impér­ial­isme, bien sûr, mais aussi alter­mon­dia­lisme, mul­ti­cultu­ra­lisme (3) et fémin­isme (4).

C’est sans doute aux Pays-Bas (5) que ce brouillage des lignes est allé le plus loin, puisqu’il existe dans ce pays un parti d’extrême droite, « natio­nal-popu­liste », impor­tant (24 députés sur 150), le PVV, Parti pour la liberté (6), qui prône l’expul­sion de tous les immi­grés musul­mans (ce qui est plutôt banal), mais défend aussi les Lumières, les droits des gays et des les­bien­nes, ce qui est plus rare à l’extrême droite : Théo Van Gogh, le déma­gogue qui succéda à Pim Fortuyn (7), et pré­céda Geert Wilders dans la dén­onc­iation du mul­ti­cultu­ra­lisme néerl­andais, de l’immi­gra­tion et de l’islam, avait cou­tume d’apos­tro­pher ses cri­ti­ques de gauche en leur lançant : « Vous prét­endez connaître les immi­grés maghrébins, mais moi, je les connais mieux que vous car je les baise régul­ièrement dans les back-rooms. » On ima­gine mal Jean-Marie Le Pen, Bruno Mégret ou même Marine Le Pen tenir ce genre de propos, quelle que soit leur volonté de moder­ni­ser leur dis­cours et leur look…

Pourtant, si l’on par­court la pro­duc­tion « théo­rique » des grou­pus­cu­les racis­tes et fas­ci­sants de la « Nouvelle Droite » franç­aise depuis les années 60, par­ti­cu­liè­rement des « néo-païens », on déc­ouvre que cer­tains d’entre eux ne s’oppo­sent pas à l’homo­sexua­lité… tant qu’elle est dis­crète (8). Cette posi­tion est pour eux « cohér­ente » dans la mesure où ils van­tent les mérites de la civi­li­sa­tion grec­que anti­que et des sociétés « indo-europé­ennes » avant le chris­tia­nisme. Dans leur vison mythi­fiée de cet Age d’Or « indo-européen », ou « indo-ger­ma­ni­que », la notion de péché n’exis­tait pas encore ; la sexua­lité n’était donc pas sou­mise à autant d’inter­dits ; l’homo­sexua­lité et le les­bia­nisme cons­ti­tuaient des formes de rela­tions sexuel­les socia­le­ment admi­ses. Et un tel chan­ge­ment de posi­tion face à l’homo­sexua­lité n’est pas du tout anodin, car il touche à un élément cen­tral pour toutes les extrêmes droi­tes : la déf­ense de la famille. Pour un parti d’extrême droite, et a for­tiori pour un parti fas­ciste, reconnaître (même timi­de­ment) l’homo­sexua­lité c’est reconnaître impli­ci­te­ment qu’un des points fon­da­men­taux de son pro­gramme et de son idéo­logie n’est plus sou­te­na­ble dans les sociétés occi­den­ta­les moder­nes.

Si cer­tains his­to­riens et poli­to­lo­gues ont déjà com­mencé à déc­rire l’évo­lution de la droite et de l’extrême droite depuis 30 ans, il n’en est pas de même à gauche. À part le filon sen­sa­tion­na­liste qui consiste à dén­oncer tous les anti­sio­nis­tes comme des antisé­mites (cf. les ouvra­ges de P.A. Taguieff qui tour­nent mal­heu­reu­se­ment aux pam­phlets approxi­ma­tifs dès qu’ils abor­dent les posi­tions de l’extrême gauche et de l’ultra­gau­che ; ou le livre de Michel Dreyfus, "L’antisé­mit­isme à gauche", qui croit qu’en rem­plaçant la pré­po­sition « de » par « à » on rés­oudra un pro­blème épineux et séculaire qui touche à la nature de l’anti­ca­pi­ta­lisme, et qui se permet lui aussi de lancer des accu­sa­tions infondées contre Lutte ouvrière et cer­tains ultra­gau­ches), on ne peut pas dire que les uni­ver­si­tai­res se soient beau­coup intéressés aux rap­pro­che­ments récents entre la gauche et la droite.

Plus exac­te­ment, on trouve de nom­breux essais à propos de « l’isla­mo­pho­bie » qui prét­endent que la gauche a tou­jours été colo­nia­liste, que la majo­rité des phi­lo­so­phes des Lumières étaient racis­tes, et que l’uni­ver­sa­lisme de la gauche conduit à une impasse « euro­cen­triste ». Le pro­blème est que ces auteurs de la gauche « post­mo­derne » aban­don­nent tout esprit cri­ti­que face aux reli­gions, par­ti­cu­liè­rement face à l’islam, mais aussi face à l’isla­misme, prés­entant ce der­nier comme un mou­ve­ment éman­ci­pateur. La ques­tion de la reli­gion étant inti­me­ment liée à celle de la nation, on ne s’éton­nera pas que ces intel­lec­tuels, qui ont un regard tota­le­ment acri­ti­que sur le natio­na­lisme des Etats et des mou­ve­ments de libé­ration natio­nale des pays non occi­den­taux, soient inca­pa­bles de cri­ti­quer les reli­gions qui ryth­ment la vie quo­ti­dienne des peu­ples concernés.

En dehors de Zeev Sternhell, vio­lem­ment cri­ti­qué par la plu­part des his­to­riens français, Marc Crapez est l’un des rares auteurs, à ma connais­sance, qui aient apporté quel­ques pistes intér­ess­antes sur la gauche réacti­onn­aire du XIXe siècle et ses conni­ven­ces idéo­lo­giques pro­fon­des avec ce qui allait deve­nir l’extrême droite (cf. notre arti­cle à ce sujet sur ce site 1586). Il montre dans son livre qu’au XIXe siècle et dans la pre­mière moitié du XXe siècle, il exis­tait déjà en France des cou­rants athées et racis­tes (à l’époque antisé­mites), anti­ca­pi­ta­lis­tes et natio­na­lis­tes : ces blan­quis­tes et ces com­mu­nards bou­lan­gis­tes de gauche étaient en quel­que sorte reconnus comme des « cama­ra­des dans l’erreur » par les autres ten­dan­ces socia­lis­tes de l’époque. Ils for­maient la bran­che « socia­liste-natio­nale » de la famille, et Riposte laïque aujourd’hui (l’antisé­mit­isme en moins le racisme anti-arabes en plus) en est la piètre héritière.

Il faut donc dén­oncer ces rap­pro­che­ments idéo­lo­giques entre droite et gauche qui sont mor­tifères pour tout chan­ge­ment social, mais aussi sou­li­gner que la cri­ti­que des reli­gions doit tenir compte de leur évo­lution, et de l’évo­lution des com­por­te­ments poli­ti­ques des croyants et des fidèles. Sinon il est impos­si­ble affron­ter la ques­tion de l’islam dans les pays capi­ta­lis­tes occi­den­taux, et les pro­blèmes qui peu­vent être posés par l’influence néf­aste de cette reli­gion sur un cer­tain nombre de tra­vailleurs et d’exploités.

Et cela concerne bien sûr d’autres reli­gions que l’islam : il suffit d’obser­ver l’apa­thie et la résig­nation encou­ragées par les pen­tecô­tistes dans l’émig­ration haïti­enne en France depuis le trem­ble­ment de terre du 13 jan­vier 2010, et la façon dont sur place ils prét­endent que le séisme serait une puni­tion divine pour la pra­ti­que du vaudou par le peuple haïtien !

Y.C.

Notes

1. Le terme d’iden­ti­taire a été choisi par ces indi­vi­dus pour éviter d’uti­li­ser le mot « natio­na­liste ». Il existe des grou­pes iden­ti­tai­res dans différents pays d’Europe.

2. La même coa­li­tion réacti­onn­aire orga­nise des Assises inter­na­tio­na­les contre l’isla­mi­sa­tion le 18 déc­embre 2010. A ce propos, un site d’extrême droite annonce que je serais un des "invités sur­pri­ses" de ces Assises. Il s’agit bien évid­emment d’une blague débile. Malheureusement, la noci­vité des néodr­oitiers et des néof­asc­istes ne se limite pas à de telles plai­san­te­ries de pota­ches.

3. C’est ainsi que le Vlaams Blok, devenu plus tard le Vlaams Belang, se réc­lame d’une « Europe mul­ti­cultu­relle de peu­ples mono­cultu­rels (et mono­ra­ciaux) » de struc­ture confé­dé­rale.

4. La « Nouvelle Droite », en reconnais­sant les genres et en invo­quant un « uni­ver­sel féminin » a pu faire illu­sion.

5. Ce n’est pas un hasard si le groupe De Fabel van de ille­gaal a étudié en détail com­ment l’extrême droite néerl­and­aise s’est emparée de thèmes comme l’alter­mon­dia­lisme, l’éco­logie et le fémin­isme (cf. le recueil d’arti­cles La Fable de l’illé­galité publié par Ni patrie ni fron­tières en 2004).

6. Cf. les arti­cles sui­vants publiés sur le site mon­dia­lisme.org et dans la revue Ni patrie ni fron­tières : « Geert Wilders et le PVV aux Pays-Bas : Le « Parti pour la Liberté » vous exclura aussi ! » ; « De Geert Wilders à Riposte laïque, l’Internationale de la xénop­hobie » ; « Geert Wilders, un poli­ti­cien popu­liste et d’extrême droite » ; « Qui est vrai­ment Geert Wilders ? ».

7. Pim Fortuyn fut assas­siné le 6 mai 2002 par un déséq­ui­libré se réc­lamant de l’éco­logie, et Théo van Gogh le 2 novem­bre 2004 par un Marocain musul­man.

8. L’extrême droite actuelle, aidée par Riposte laïque, rejoue la même par­ti­tion, cette fois contre « l’isla­mi­sa­tion » ima­gi­naire de l’Europe.. Dans un arti­cle de "Pouvoirs" (n° 87, novem­bre 1998), Piero Ignazi signale qu’au début des années 90 le MSI néof­asc­iste, qui se trans­forma en Alleanza nazio­nale en 1994, adopta, à une courte majo­rité, une posi­tion hos­tile aux dis­cri­mi­na­tions contre les homo­sexuels en Italie.

Quelques arti­cles parus ou à paraître dans Ni patrie ni fron­tières mais qui sont déjà sur le site mon­dia­lisme.org

Sur Respublica puis Riposte laïque

http://www.mon­dia­lisme.org/spip.php...

http://www.mon­dia­lisme.org/spip.php...

Sur Wilders inter­viewé par RL et chou­chou de RL

http://www.mon­dia­lisme.org/spip.php...

http://www.mon­dia­lisme.org/spip.php...

Avec qui peut-on (et ne peut-on pas) s’allier pour lutter contre l’isla­misme ?

http://www.mon­dia­lisme.org/spip.php...
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