12 mars 2011 : Séisme et catastrophe nucléaire : les réacteurs français sont vulnérables !
Communiqué de presse du Réseau "Sortir du nucléaire" du 12 mars
Au Japon : un accident majeur de gravité comparable à Three Mile Island
L’agence de sûreté nucléaire japonaise a annoncé samedi qu’il y a une forte probabilité pour que la présence de césium radioactif autour du réacteur n°1 de la centrale de Fukushima Daiichi provienne de la fusion de crayons de combustible (1), c’est à dire d’une fusion partielle du coeur nucléaire. Les autorités japonaises s’apprêtent à distribuer de l’iode aux populations vivant à proximité des centrales nucléaires en détresse (2).
Une partie des barres de combustible du réacteur n°1 de la centrale Fukushima Daiichi est exposée à l’air libre selon l’agence japonaise de sûreté nucléaire (3). Selon Tepco, l’exploitant de la centrale de Fukushima-Daiichi, un nouveau tremblement de terre a précédé l’explosion du réacteur n°1 (4). Le versement de l’eau de mer destiné à refroidir le réacteur n°1 a dû être suspendu à cause d’un nouveau tremblement de terre et la peur d’un nouveau tsunami (5). C’est pourtant le seul moyen restant pour empêcher une fusion totale du coeur, puisque l’opérateur n’a plus aucun moyen de contrôle sur le réacteur. Les deux autres réacteurs arrêtés en urgence de la centrale de Fukushiwa Daiichi sont toujours confrontés à des problèmes de refroidissement du coeur nucléaire. Dans la centrale de Fukushima Daini (située à 11 km de la centrale de Fukushiwa Daiichi), Tepco doit relâcher de la vapeur radioactive pour tenter de diminuer la température de 3 des 4 réacteurs arrêtés en urgence (6).
En France : des réacteurs nucléaires exposés à un risque sismique grave, construits en dépit des normes sismiques
Les réacteurs nucléaires français ne respectent pas les normes sismiques de référence. EDF est allé jusqu’à falsifier les données sismologiques pour éviter d’avoir à le reconnaître et d’investir au moins 1,9 milliard d’euros afin de mettre les réacteurs aux normes (7). La justice a rejeté mercredi dernier la demande de fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim (Alsace), la plus vieille centrale française, pourtant située dans une zone à risque sismique élevé.
Mais ni les normes sismiques draconiennes du Japon ni ses technologies parasismiques avancées n’ont pu empêcher la catastrophe nucléaire majeure qui s’y produit actuellement. Le Japon est pourtant le pays le mieux équipé et le mieux préparé au monde pour faire face au risque sismique dans toutes ses dimensions. Le Japon est également une des premières économies de la planète et un pays leader en matière de technologies de pointe.
Pour le Réseau « Sortir du nucléaire », le dramatique exemple japonais démontre qu’il est totalement impossible de construire des réacteurs nucléaires résistant à un séisme. La seule solution véritable pour se prémunir de ce risque gravissime est d’engager le plus rapidement possible un plan de sortie du nucléaire.
La machine à étouffer l’information se met en marche
Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’Écologie, et Éric Besson, ministre de l’Industrie, ont décidé de réunir cet après midi l’ensemble des acteurs français du secteur du nucléaire... dont les industriels EDF et Areva. Il apparaît d’ores et déjà évident que le secteur nucléaire français et ses soutiens au plus haut niveau de l’État se préparent à communiquer pour sauver la crédibilité de la filière nucléaire. Mais il ne sera pas possible cette fois de recourir au cliché usé jusqu’à la corde de l’ « accident survenu sur une centrale soviétique vétuste », que l’industrie nucléaire a utilisé abondamment pour laisser croire qu’un accident nucléaire grave ne pouvait pas se produire hors d’URSS.
Il faut aujourd’hui considérer avec prudence les informations provenant de Tepco, l’exploitant des réacteurs japonais en déroute. En effet, 15 réacteurs nucléaires ont été fermés au Japon pendant des mois en 2002 et 2003, par décision administrative, après que Tepco avait falsifié des documents concernant la sécurité.
Notes :
(1) "The agency said there was a strong possibility that the radioactive cesium monitors detected was from the melting of a fuel rod at the plant, adding that engineers were continuing to cool the fuel rods by pumping water around them." http://edition.cnn.com/2011/WORLD/asiap ... n.nuclear/
(2) http://www.sankei.jp.msn.com/affairs/ne ... 245-n1.htm
(3) "L’Agence japonaise de sûreté nucléaire annonce que certaines des barres de combustible du réacteur numéro 1 de la centrale Fukushima No 1 ont émergé à la surface de la piscine du réacteur samedi midi, parce que le niveau de l’eau a baissé." http://www3.nhk.or.jp/nhkworld/french/top/news08.html
(4) "a vertical earthquake hit the site and big explosion has happened near the Unit 1 and smoke breaks out around 3:36PM." http://www.tepco.co.jp/en/press/corp-co ... 223-e.html
(5) NHK à 17h35 le12.03.11
(6) "we have decided to prepare implementing measures to reduce the pressure of the reactor containment vessel (partial discharge of air containing radioactive materials) in order to fully secure safety. These measures are considered to be implemented in Units 1, 2 and 3 http://www.tepco.co.jp/en/press/corp-co ... 223-e.html
(7) Consulter les documents confidentiels d’EDF et l’analyse effectuée par le Réseau « Sortir du nucléaire » : http://www.sortirdunucleaire.org/index. ... page=index
Irradiés de tous les pays, révoltons nous !
LE NUCLÉAIRE EST ASSURÉMENT LA FORME D’ÉNERGIE D’UNE SOCIÉTÉ DONNÉE : toujours plus de consommation, de marchandisation, de transport, de technologie, de besoins suscités dans le seul but d’alimenter un système économique et ceux qui en profitent. Cette boulimie ne peut se concrétiser sans promesses d’énergies durables. Le nucléaire est de celles-là, de celles que l’on nous vante comme pérennes, sûres et surtout incontournables. Il en est de même des alternatives éoliennes, solaires ou autres trouvailles qui, derrière une argumentation écologiste, n’ont d’autres buts que de fournir cette boulimie, d’offrir une autre réponse à la perpétuation d’une société qui n’a de cesse d’en vouloir plus. Cette opposition entre les pro-nucléaires et les partisans des alternatives se réduisant alors à de pauvres débats d’experts économiques, scientifiques ou politiques. Tous unis derrière cette prétention à vouloir fournir autre chose. Douce illusion d’une quête écologique qui ne saurait résister à l’ultime argument que serait la nécessité.
POUR AUTANT, LE NUCLÉAIRE N’EST PAS UNE MANIÈRE DE PRODUIRE DE L’ÉNERGIE COMME UNE AUTRE. Bien plus qu’un simple fournisseur, il induit de nouvelles formes d’organisation et de gestion des populations par l’Etat, ses auxiliaires et ses annexes. Il entérine encore un peu plus les formes d’organisation sociales, politiques et économiques existantes. Loin de la simple contre-expertise, le constat est à faire que l’apparition du nucléaire civil ou militaire pose de multiples questions quant à ses implications directes et indirectes. En effet, une société nucléarisée, pour exister, a d’absolues nécessités. Celles-ci sont économiques, scientifiques et militaires.
LA PREMIÈRE D’ENTRE ELLES EST QUE LA MISE EN PLACE D’UNE INDUSTRIE sous-tend évidemment une forme d’organisation économique qui puisse lui permettre de disposer de main d’oeuvre, l’extraction de l’ensemble des matières premières, d’entreprendre de grands travaux de voirie, de construction, de pouvoir gérer des populations, etc. En bref, la misère et l’exploitation quotidiennes. En cela, le nucléaire n’a rien d’exceptionnel.
LA QUESTION MILITAIRE DE LA SOCIÉTÉ NUCLÉARISÉE prend tout son sens au vu des débats scientifiques et politiques autour des déchets, du risque et de l’irradiation. Et c’est en cela que le nucléaire est spécifique. Les déchets qu’ils soient enfouis, recyclés dans l’armement ou dans des projets de nouvelles énergies, restent une menace constante dont nul ne sait réellement ce qu’il est possible de faire pour s’en débarrasser ou les gérer durablement. Malgré les quelques accidents dans les centrales, le nucléaire et les risques qu’il induisait furent longtemps cachés, minimisés. Tout comme les risques d’irradiation pour toutes les personnes travaillant dans la mise en place et le maintien de cette industrie. Des gisements aux centrales, de leur construction à leur entretien.
DEPUIS HIROSHIMA, CES RISQUES N’ÉTAIENT PERÇUS QUE D’UN POINT DE VUE MILITAIRE. Les irradiés n’étant alors que des victimes de guerre et les populations exposées aux irradiations dues aux essais de bombes nucléaires dans le pacifique, le Sahara, le Penjab ou ailleurs, de simples dommages collatéraux.
L’ACCIDENT DE TCHERNOBYL FUT L’UN DES TOURNANTS dans la politique menée par les gestionnaires du nucléaire. Un temps nié, le risque devenait réalité, palpable par la dimension de la contamination, par l’existence d’humains en zones contaminées, par la gestion d‘une survie et le confinement. Loin de calmer leurs ardeurs, les défenseurs du nucléaire mandatèrent une somme de scientifiques afin d’examiner la situation et d’en tirer des conclusions allant dans le sens d’une continuité des programmes nucléaires existants. Bien plus que faire accepter la simple présence du nucléaire, les nouvelles politiques en la matière se sont tournées vers le contrôle des populations exposées. Ces dernières années, les exercices de simulation se sont multipliés sous couvert de rassurer les populations potentiellement exposées, ces politiques visent à l’acceptation d’une vie en zone contaminée. Des hordes de scientifiques, de médecins et de militaires sont mobilisés. Les uns pour nous expliquer qu’il est possible de survivre et de continuer à vivre dans ces conditions. Les autres pour nous faire comprendre les armes à la main que le choix n’est laissé à personne. Accepter une longue agonie ou être tué, accepter de continuer à être un des rouages de ce monde qui nous consume ou le quitter. Pas besoin d’aller en Biélorussie, le projet de l’EPR ( European Pressurized water Reactor) à Flammanville prévoit l’inondation des marais alentour en vu d’un meilleur confinement des habitants de la région contaminée en cas d’accident. Simple sacrifice humain sur l’autel des choix économiques et politiques.
LE NUCLÉAIRE NE PEUT EXISTER SANS UNE PLUS GRANDE MILITARISATION DE NOS VIES, SANS UN PLUS LARGE CONTRÔLE DE L’ETAT ET DE SES SCIENTIFIQUES SUR NOS EXISTENCES. IL N’EXISTE DE CRITIQUE DU NUCLÉAIRE SANS REMISE EN CAUSE DE LA SOCIÉTÉ QUI LE PRODUIT. IL N’EXISTE PAS DE LUTTE CONTRE LE NUCLÉAIRE SANS DESTRUCTION DE CETTE SOCIÉTÉ.
http://basseintensite.internetdown.org/ ... article446
JPD a écrit:L’ ARRET IMMEDIAT ET SANS CONDITION DU NUCLEAIRE EST LA SEULE SOLUTION ACCEPTABLE, ET ELLE EST POSSIBLE
...le doyen de la faculté d'Orsay, quarantaine bureaucrate (...) demande aussitôt à parler au chef [indien]. Mû par une vague réminiscence des mouvements sociaux indigènes, le doyen tente d'amorcer un processus de négociation. Le plus docte des Indiens de foire émet alors cette motion pleine de sagesse :
- Nous pourrions discuter sur la base du démantèlement de toutes les installations nucléaires françaises d'ici... vendredi ?
C'est ainsi que le doyen les avise du caractère indési¬rable de leur présence et les enjoint de quitter ses terres dans un très court délai.
Encanaillés par cette injonction hostile, les Indiens se livrent à une danse rituelle sous les yeux des visiteurs, des vigiles et des organisateurs massés à l'orée du champ... viewtopic.php?p=85577#p85577
JPD a écrit:Malheureusement c'est impossible avec leur stratégie. Ils sont pour une sortie progressive c'est à dire 20 ou 30 ans...
Arrêt immédiat du nucléaire ! Sortie immédiate du capitalisme !
Communiqué de la Fédération anarchiste
http://www.federation-anarchiste.org/spip.php?article992
mardi 15 mars 2011
Depuis la spoliation par AREVA de ressources naturelles dont les habitants de pays comme le Niger ne tirent aucun bien-être jusqu’à la répression policière des actions contre les trains de déchets, en passant par la culture du secret qui avait fait s’arrêter le nuage de Tchernobyl à la frontière de l’État français, le nucléaire illustre de façon sinistre les relations incestueuses entre Capital et État.
Comme si les conséquences du séisme qui vient de causer la mort de dizaines de milliers de personnes au Japon ne suffisaient pas, l’horreur nucléaire vient se surajouter à la désolation. Comme leurs homologues après les catastrophes de Three Mile Island, de Tchernobyl, les autorités japonaises ont choisi de minimiser l’importance du danger, sacrifiant ainsi aux intérêts présents du lobby nucléaire la santé des générations futures. Combien d’autres événements du même ordre devront-ils se reproduire pour que cessent les mensonges ? Combien de cancers de la Thyroide tueront-ils les irradiés de mars 2011, et ceux qui les suivront ? Combien d’hectares de terres agricoles seront-ils contaminés pour des milliers d’années ? Combien de personnes devra-t-on déplacer, combien d’autres, trop pauvres, mourront-elles à petit feu sur place ? Ainsi, les populations japonaises expérimentent les deux faces de la nocivité de l’énergie atomique : le traumatisme causé par le nucléaire militaire américain à la fin de la seconde guerre mondiale égale en horreur celui des conséquences prévisibles de l’accident de la centrale civile de Fukushima. Pour la Fédération anarchiste, Le nucléaire génère des sociétés fondées sur l’autoritarisme policier et désaissit les populations du libre choix de leur mode de vie, de leur façon de produire et d’utiliser l’énergie . Les japonais y sont hostiles, tout comme une immense majorité des opinions publiques mondiales, il est donc plus que temps que s’étende à l’échelle globale la lutte contre les apprentis sorciers qui imposent l’atome à ceux qui n’en veulent pas. Les problèmes énergétiques ne peuvent se résoudre que par la disparition du système économique qui les engendre, qui fait que certains gaspillent l’énergie alors que d’autres en manquent cruellement. Seule une révolution sociale peut faire disparaître AREVA et ses protecteurs étatiques, seule une révolution sociale peut créer les conditions d’une utilisation autogérée plus rationnelle et plus sobre des ressources naturelles. La Fédération anarchiste continuera à oeuvrer en ce sens.
Fédération anarchiste, le 15 mars 2011.
Triste exemple au Japon des dangers du nucléaire
Alternative libertaire, le 14 mars à 10h.
http://www.alternativelibertaire.org/sp ... rticle4098
Les tragiques évènements survenus au Japon depuis vendredi ne peuvent que nous désoler. Le tremblement de terre et le tsunami qui l’a suivi ont coûté la vie à de nombreux japonais et nombreuses japonaises, et généré de considérables dégâts. Mais c’est maintenant une autre menace, encore plus durable lourde, qui pèse sur le Japon et sur le monde, celle d’une catastrophe nucléaire.
Les réacteurs nucléaires japonais sont programmés pour s’arrêter automatiquement en cas de secousse sismique. Onze réacteurs de quatre centrales différentes se sont ainsi arrêtés après le tremblement de terre. Mais cela n’a pas empêché les installations de subir de graves dégâts, notamment dans la centrale de Fukushima à 250km de Tokyo, où les prises d’eau et les systèmes de refroidissement ont été endommagés, provocant une montée en pression et l’explosion d’un bâtiment abritant un réacteur. Pour faire baisser la pression, l’exploitant a procédé à un relâchement de vapeur d’eau radioactive, rassurant la population en disant que le vent emmenait ce nuage toxique vers la mer. Mais la plus grande menace est qu’un processus de fusion partielle a commencé dans au moins un réacteur de cette centrale, ce qui pourrait provoquer une explosion de ce réacteur et une catastrophe nucléaire. D’autres pannes des systèmes de refroidissement ont été révélés dans d’autres centrales, dont celle de Tokai située à 120km de Tokyo, qui avait déjà connu un accident critique en 1999.
Malgré des déclarations rassurantes du gouvernement japonais, la situation est plus que préoccupante. Des tests de radioactivité réalisés par des journalistes mettent en évidence des taux de radioactivité alarmants, plusieurs centaines de fois supérieurs aux taux normaux, même à cent kilomètres de la centrale de Fukushima. Cette situation laisse présager des retombées sanitaires dramatiques. Comme d’habitude, les autorités gouvernementales, nucléaires et internationales essayent de minimiser les risques, pour ne pas effrayer les populations et délégitimer l’énergie nucléaire, mais ces évènements nous rappellent une fois de plus que le nucléaire fait courir de graves risques à la planète et l’humanité. Catastrophe naturelle, attaque terroriste, accident humain ou défaillance technique peuvent entraîner de graves fuites radioactives voire dans le pire des cas une explosion d’un réacteur, dont les conséquences sont dramatiques en terme de vies humaines et de destruction des écosystèmes.
Le triste exemple du Japon nous rappelle que même un pays avancé technologiquement n’est pas à l’abri d’une catastrophe nucléaire, et qu’il n’y a aucun moyen de produire une énergie nucléaire ’’sûre’’. Il est donc grand temps de renoncer à cette énergie qui représente un danger pour l’humanité en plus d’être une aberration écologique et sociale, surtout quand de nombreuses alternatives renouvelables sont disponibles. Plus personne n’est dupe après les évènements survenus au Japon, et tous les mensonges d’Etat qui commencent à circuler n’y feront rien. La France doit renoncer à vendre du nucléaire à tout bout de champs, et un plan de fermeture des centrales doit être présenté au plus vite.
L’argument consistant à présenter le nucléaire comme indispensable pour faire face à l’accroissement de la demande énergétique est le même qui va servir pour justifier la dévastation écologique et sanitaire promise par l’exploitation du gaz de schiste.
Ceci nous rappelle qu’il n’y a pas de solution durable au sein du système capitaliste, qui a besoin d’accroître indéfiniment la consommation pour maintenir ses profits. Seule une société libérée du Capital permettra de mettre fin à la destruction de l’environnement et de garantir la survie de l’humanité, désormais menacée.
Difficile de ne pas cacher mon écoeurement face au retrait massif des investisseurs capitalistes sur la bourse nippone. Décidément, les marchés financiers nous montrent qu'ils n'ont aucun scrupule. L'ironie de la situation, où l'on demande aux particuliers de faire des dons aux organisations humanitaires pendant que l'économie de marché libre retire des sommes astronomiques de l'économie japonaise, est tout à fait inadmissible. Jusqu'à quand devrons-nous accepter les lois de l'économie libérale sans limite? » » » » » »
1 - C’est précisément ce moment-là que choisissent les « marchés » pour se DÉSOLIDARISER DE L’ÉCONOMIE NIPPONE : le moment d’une terrible catastrophe où, précisément, ce pays aurait le plus besoin d’être aidé, assisté et soutenu. Les ailes du papillon libéral naviguent vraiment à sens unique et, c'est fatal étant donnée la nature des choses, les rats quittent le navire.
Et nul n’a pour l’instant choisi (OUI CHOISI !) de s’y opposer avec la force et la détermination qui conviendraient.
2 – Toutes les bourses mondiales subissent les répercutions de ce qui frappe le Japon. Et nous allons (quand je dis « nous », c’est à la totalité des peuples que je pense, les Français n’en étant qu’une très minuscule part) en subir les conséquences. Qu’ils soient, se croient, se disent « de droite » ou « de gauche », qu’ils s’apprêtent à préférer DSK à Iznogoud ou l’inverse, ou encore Le Pen devrait nous faire une belle jambe puisque les trois leur laisseront en payer les conséquences : elles nous sont d’ores et déjà facturées par ceux qui rackettent la planète, nous tous compris, sans qu’aucun de ceux précités n’offre la moindre alternative à ça. Vous payez votre carburant trop cher ?
Vous allez voir ce que vous allez voir quand les 100 millions de Japonais, privés de tout, vont acheter soudain le pétrole qui, du coup, leur manque… C’est commencé. Alors tous en cœur et la main dessus (non sans quelques superficielles variantes de « style ») vous diront : c’est la faute à la catastrophe au Japon… On parie ?
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3 – Laisser et abandonner aux « marchés » le sort de la planète et donc de la vie, et donc de la vie des sociétés humaines et donc de notre petite France pourtant si fière de ses modèles historiques, de ses "lumières" tout comme de ses vieilles lanternes, à un système (une machine dans laquelle même les « actionnaires » parce qu’on les laisse sans brides deviennent un simple rouage inconscient, certes hautement toxique), n’est pas INTELLIGENT. Ce n’est même plus du tout intelligible, si l’on y pense. C'est absurdissime.
4 - Même sans Fukushima, cette machine EST en grande faillite : ce n’est même pas une question d’ordre « économique » ou vaguement politicienne : Nous tombons là, hélas ou pas, dans la très simple question du bon sens : non, on ne capitule pas devant une machine aveugle lorsqu’on a la prétention – parfaitement fondée - qui reste celle de l’espèce humaine : dompter le mauvais sort (je pèse mes mots, là).
Le seul péril qui guette, ce n’est pas le nucléaire, ce n’est pas le FN, ce n’est pas la social-démocratie molle, pas plus que le Sarkosysme. Ce qui se passe au Japon devrait nous mettre à cet égard les yeux en face des trous.
5 - LE DANGER, C’EST CETTE FORME DE BÊTISE (C’EST UN EUPHÉMISME !) QUI CONSISTE À CROIRE OU À PENSER QUE L’ON PEUT IMPUNÉMENT ABANDONNER LE SORT DE CETTE PLANÈTE AU « TOUT LIBÉRAL » ALORS QUE L’OBJECTIF DE CELUI-CI N’EST PAS DE RÉMUNÉRER LA VIE OU LE « PROGRÈS » HUMAIN MAIS D’ACCUMULER DES « VALEURS-PROFIT » STRUCTURELLEMENT INUTILES À TOUT ET À TOUS.
6 - Et, s’agissant du petit confetti qu’est la France sur cette grosse galère -là, il serait misérable de croire un seul instant que, dans la perspective nombriliste de notre petite présidentielle, Le Pen, DSK, Iznogoud et quelques autres, nous offrent quoi que ce soit pour tenter (je dis bien tenter) de sortir (de commencer à sortir fût-ce un tout petit peu) de ce cercle mortifère.
Note : Que l’énergie, et tout spécialement le nucléaire, soit au mains d’actionnaires privés (vu le fonctionnement des marchés) comme c’est le cas non seulement au Japon mais partout - qui font leur beurre sur un vide politique sidéral et (c’est là le pire des signaux) se retirant lorsque survient la catastrophe - suffit à montrer les limites de cette « machine », son incommensurable invalidité, sa terrifiante impuissance.
Fukushima, le nucléocrate et le catastrophiste
La « gestion » de la crise nucléaire de Fukushima montre comment l’idéologie catastrophiste sert du mieux qu’il est possible les nucléocrates et tous les technolâtres qui contaminent le monde contemporain. Les écologistes catastrophistes, qui à longueur de textes et de conférences nous prédisent un monde invivable d’ici quelques décennies, au mieux un ou deux siècles, sont pris ici à leur propre piège. Il serait temps pour eux de reconnaître leur erreur et d’abandonner cette tactique politique qui confine à la démagogie, y compris chez les décroissants.
Les informations, les déclarations, les décisions prises au Japon et partout dans le monde dès les premières heures de l’emballement du réacteur n° 1 de Fukushima et encore plus dans les jours qui ont suivi permettent de démonter comment fonctionne l’« administration d’un désastre ». En toute lumière, se met en place le mécanisme par lequel les nucléocrates peuvent être certains de récupérer en toute occasion et à tout moment le catastrophisme d’écologistes peu conscients des réalités politiques. Précisons d’emblée qu’il n’y aura pas de « catastrophe finale », au sens où l’on parle, dans d’autres domaines, d’un « jugement dernier », c’est-à-dire une disparition instantanée et globale de l’humanité. Car rien n’est joué, à l’inverse des prédictions alarmistes qui, depuis un demi-siècle, s’effilochent les unes à la suite des autres une fois que le terme qu’elles ont elles-mêmes fixé est dépassé. La catastrophe sera graduelle, comme à Fukushima ; elle franchira un par un, parfois avec d’importants sauts dans le danger, les niveaux de l’échelle qui nous rapprocheront du désastre. Or, au fur et à mesure que les catastrophistes nous annonceront – selon l’implacable logique dans laquelle ils se sont engagés depuis un demi-siècle – les degrés suivants, les nucléocrates auront beau jeu de leur répliquer qu’en effet, il est urgent de prendre des mesures. Le fond de la réponse au catastrophisme est aussi simple que cela, et tel est en effet ce qui s’est passé depuis le 11 mars. On administre un désastre en se rangeant du côté d’un alarmisme modéré, lequel implique d’assumer des décisions difficiles – lesquelles sont de toute façon nécessaires –, en tirant tout le profit possible de ceux qui, à une extrémité, attisent le feu de l’enfer et annoncent la « catastrophe finale » sans être en mesure de rien proposer d’immédiat pour l’éviter. Tel est bien le drame des catastrophistes avec Fukushima : ils n’ont rien à proposer dans l’immédiat pour empêcher les réacteurs de fondre.
À l’inverse, les mesures que prend le lobby nucléaire sont très loin d’être démentes ou « catastrophiques ». Ces mesures relèvent de cette administration du désastre que les nucléocrates maîtrisent plutôt bien et qui condamne le catastrophiste à assister, en spectateur, à la course vers l’abîme. Car le nucléocrate n’a pas d’autre solution, en temps de crise, que d’être d’accord avec le catastrophiste ; mieux, même : le nucléocrate se sent responsable de la situation, comme un père de famille est « responsable » de ses enfants, et il a tous les atouts en main pour cela. Les nucléocrates sont les véritables maîtres de la situation à tous les niveaux : ils sont à l’origine du progrès que certains tentent de remettre en question au moment d’une crise comme Fukushima – et donc, aux yeux des masses, ils sont ceux qui sont le plus à même de savoir ce qu’il faut faire pour conjurer le désastre. Ils sont encore ceux qui semblent les plus « responsables » au sens d’assumer des responsabilités éthiques, puisque, en cas de crise aiguë, ils sont encore et toujours les seuls à prouver qu’ils savent modifier leur point de vue, alors que les catastrophistes semblent d’éternels vaticinateurs. Et en effet, tant Tepco au Japon que l’Autorité de Sûreté Nucléaire en France avouent que nous vivons une crise majeure, et ils expliquent comment les ingénieurs tentent d’y remédier. Ils sont donc, à ce moment dramatique, forcément crédités d’un respect dû à ceux qui ont en main une part de notre destin et qui, de manière visible (« spectaculaire », selon le sens donné à ce mot dans la Société du spectacle) s’imposent comme les seuls capables de faire quelque chose à ce moment précis de crise.
Peu importe qu’ils soient aussi les membres d’un lobby qui est la cause première de la crise. Peu importe en effet, et pour des raisons parfois fort simples, auxquelles ne pense jamais le catastrophiste. Par exemple, une centrale âgée de quarante ans a forcément été construite selon d’autres règles, en respectant des exigences que le nucléocrate dit « moindres » que celles que l’on imposerait aujourd’hui ; d’ailleurs, les ingénieurs qui ont construit Fukushima en 1971 sont à coup sûr soit à la retraite, soit décédés. La responsabilité, d’un coup, devient diffuse, sans coupable à désigner, et c’est un véritable travail politique que de montrer la responsabilité globale du lobby nucléaire. Si cela était simple, nous aurions su imposer un vrai débat sur le nucléaire voire son refus, mais les nucléocrates jouent sur le temps qui passe et qui est facteur de progrès – une évidence ô combien contestable, mais si répandue : qui n’y croit pas, à cette vulgate du progrès ?
Voici un autre exemple illustrant ce fait fondamental – où l’on voit que la croyance au progrès triomphe et se montre quasi inébranlable. Voici ce qui rend notre tâche, celle des opposants au progrès technologique qui détruit l’humanité et la planète, très complexe. Cet exemple se situe hors temps de crise, en France, et concerne les déchets radioactifs du centre expérimental de Cadarache. Dans le numéro 190 (février 2011) de sa revue Contrôle, l’Autorité de Sûreté Nucléaire écrit (c’est nous qui soulignons) : « Depuis l’implantation des premières installations nucléaires en France dans les années 60, la stratégie d’entreposage et de stockage des déchets nucléaires a évolué. Ainsi, certaines installations dédiées initialement au stockage définitif ont pu voir, au travers des avancées techniques et l’évolution de la politique dans le domaine, leur statut changer pour être considérées comme des zones d’entreposage temporaire. Aujourd’hui, à la demande de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), ces installations qui ne répondent plus aux exigences de sûreté actuelles sont en voie de désentreposage et les déchets sont transférés vers de nouvelles zones d’entreposage dans l’attente d’un transfert vers les exutoires finaux. » La dialectique est très simple, mais pourquoi compliquer les choses si cette vision de la technologie qui progresse avec le temps se révèle la plus efficace des propagandes ?
Pourtant, lorsque l’article rentre dans les détails, on croit lire une mauvaise fiction : « Le stockage en tranchées avait fait l’objet d’études préliminaires sur maquette in situ […]. Chaque tranchée consistait en un volume trapézoïdal d’environ 5 mètres de profondeur, 40 mètres de long et 10 mètres de large. Creusées en pleine terre avec un fond recouvert uniquement d’une couche de gravier d’une dizaine de centimètres d’épaisseur, ces tranchées étaient remplies avec des déchets technologiques et des déchets de procédés, déclarés au moment de leur enfouissement comme “de faible activité” par les installations nucléaires d’origine […].
Elles étaient ensuite comblées et recouvertes par de la terre précédemment enlevée. Les déchets radioactifs les plus superficiels étaient à environ un mètre de la surface du sol et recouverts d’un remblai en forme de dôme d’au moins 1 mètre d’épaisseur. »
À ce stade de la lecture, l’on a du mal à imaginer l’inconscience des concepteurs, d’autant que, continue l’ASN, « ce mode de stockage a été utilisé jusqu’en 1974 », que « l’assainissement de ces tranchées […] nécessite aujourd’hui d’importants moyens techniques » et que « la nature des déchets entreposés, la traçabilité des déchets stockés dans ces tranchées était à l’époque bien moindre
que celle exigée aujourd’hui par l’ASN. Ainsi, la nature, l’activité, le conditionnement et le volume de ces déchets sont entachés d’incertitudes qui sont susceptibles de générer des difficultés pour la reprise de ces déchets. De plus, du fait que ces tranchées avaient initialement pour vocation le stockage définitif, les conditions d’entreposage (enfouissement en pleine terre; conditionnement des déchets ni bloqués ni enrobés) n’avaient pas été conçues pour faciliter la reprise des déchets. […] Le stockage de ces déchets a ainsi entraîné au fil du temps la contamination d’un volume de terre au contact des déchets que le CEA estime à 3000 m3 environ », ce qui finalement est très peu mais il ne s’agit pas là de minimiser le problème ; le but est de déplacer l’attention du lecteur, car la véritable « catastrophe » dans ce stockage aberrant de déchets radioactifs consiste plutôt dans l’absence totale de prise en compte du risque à l’origine. Et voici comment le nucléocrate retourne la situation et l’emporte par K.-O. technologique : « L’ASN exige que les exploitants assument leur responsabilité première et mettent en place une gestion sûre, rigoureuse et transparente de tous les déchets. Ils doivent donc effectuer les opérations nécessaires afin de rendre les déchets compatibles avec les spécifications d’accueil des installations de traitement, d’entreposage et de stockage existantes. »
Le dernier mot est essentiel, à Cadarache comme à Fukushima : les administrateurs du désastre se présentent d’emblée comme les seuls capables de mettre en œuvre tout ce qu’il y a de mieux au moment actuel selon les technologies existantes. Le catastrophiste devrait être comblé, puisque le nucléocrate l’affirme : la catastrophe est possible (c’est aussi ce que dit le catastrophiste) et nous mettons absolument tout en œuvre pour l’éviter (ce qui ne peut que réjouir le catastrophiste qui prétend ne pas être suicidaire et ne vouloir qu’alerter…). La supériorité éminente du nucléocrate sur le catastrophiste ne fait aucun doute ; elle est rhétorique et concrète, immédiate, et surtout politique. Elle découle de la place même à laquelle le catastrophiste place la perspective funeste : au cœur même de son discours politique. Or, la logique de la nucléocratie est, dans ce monde-ci avec ces règles-ci, incontestable, et l’on peut perdre sa vie militante à la contester, l’on se trompera de cible. Tout cela parce que le fond du problème n’aura pas été pris en considération.
En effet, la possible catastrophe n’est pas le problème ; elle n’en est que l’une des manifestations plausibles. L’on ne peut être écologiste sans être « politique ». L’écologie est une politique, globale au sens où elle prend en compte l’ensemble des données, culturelles, sociales, humaines, éthiques, en tout cas tout ce qui relève de la vie en premier lieu, et elle considère tout le reste, en gros ce qui appartient à l’économie et à la technologie, comme second. Or, chaque jour, trente mille personnes meurent de faim, et cela a un sens politique profond. La faim dans le monde tue environ dix millions de personnes par an, soit environ un être humain sur dix ! C’est énorme. Et cette donnée est politique avant tout. Elle est sociale, humaine ; elle a des implications éthiques ; son absence dans notre imaginaire planétaire est en soi une donnée culturelle fondamentale car cela prouve que nous pouvons tout à fait vivre alors qu’un dixième d’entre nous mourront de faim dans un monde prétendument d’abondance.
Fukushima relève de la politique, de l’économie, de la technologie, et d’un coup, d’un seul, cette catastrophe – car c’en est une, sans contestation possible – acquiert une dimension médiatique mondiale. C’est le spectacle dans toute son horreur, qui nous montre du vrai pour détourner notre regard du « encore-plus-vrai » : aujourd’hui, alors que le Japon est détruit par des catastrophes qui n’ont rien de naturel, des millions d’êtres humains sont directement menacés par la catastrophe majeure de l’ère capitaliste, la paupérisation absolue d’une part importante de l’humanité, qui se traduit d’abord par l’incapacité de les nourrir. Nos adversaires – et ce ne sont plus les seuls nucléocrates, mais tous les partisans d’un système de production inégalitaire et destructeur, les capitalistes pour les nommer – sont bien plus habiles que les catastrophistes. Ils savent imposer le débat exactement là où ils sont les plus forts. Et, à Fukushima, le catastrophiste est tombé dans le piège du nucléocrate.
Toute critique des « dérives » de la technologie sans une vision radicale et radicalement opposée au progrès technologique apportera de l’eau au moulin destructeur du capitalisme, car le fonctionnement même de celui-ci repose sur l’accumulation non seulement de moyens de production et de marchandises, mais aussi de destructions et même de catastrophes. Ni la Seconde Guerre mondiale ni aucune guerre n’ont troublé la marche du capitalisme vers sa domination globale et sans partage à l’ère actuelle. Qui donc oublie que le capitalisme était en pleine forme dans les années qui ont suivi 1945 ? Fukushima, malgré l’horreur de cette situation et le drame que vivent les Japonais, ne troublera pas davantage la marche de la technoscience vers sa domination sans partage de notre environnement. En ce sens, Three Mile Island, Tchernobyl et Fukushima, de même que la propagation des OGM sur cette planète, ne sont que l’image de la contamination de notre pensée par les catégories du Maître : la catastrophe maîtrisée – et la Seconde Guerre mondiale a débouché sur la « libération », qui est en dernière analyse la maîtrise de la folie guerrière – est le meilleur atout idéologique du Capital. On peut choisir de renforcer cet atout en criant au loup avec les loups et en ne regardant pas ce qu’est, au fond, la catastrophe réelle, ou alors en n’ayant pas le courage de la dénoncer. Car, dans un monde qui croit à ce point au développement, au confort, au progrès et à toutes les balivernes technologiques, c’est bien du courage plutôt que de l’inconscience qu’il faut pour proclamer que la catastrophe est quotidienne, qu’elle n’est pas un dommage collatéral du progrès ou du capitalisme mais son essence même.
Ce n’est pas la catastrophe qu’il s’agit d’éviter, c’est le système dont il nous faut sortir, et vite. Sortir du nucléaire ? Sortir du capitalisme, plutôt – donc en finir avec les guerres, les Fukushima, les Monsanto et la destruction de tant d’humanité, et le plus vite possible.
Philippe Godard, 16 mars 2011
Fondateur, en 1975, d’un mouvement écologique affilié à la Cité Fleurie, démissionnaire dès 1978 de ce qui dérivait déjà jusqu’à devenir plus tard « Les Verts », auteur du Dico de l’écologie (2006, De La Martinière Jeunesse) et d’OGM semences politiques (2008, Homnisphères).
1+1=plus que 2 a écrit:Salut,
voici un texte qui souligne précisément les antagonismes cruciaux entre simple sortie du nucléaire et sortie du Capitalisme...
Capitalisme ou société industrielle ?
C’est une position structurellement proche de ce « pessimisme critique» qu’exprime Jaime Semprun quand il reproche au Manifeste [contre le travail] de rester attaché au fétichisme des forces productives du vieux mouvement ouvrier, pour lui opposer une critique de la société centrée sur une critique de la technologie moderne : « La contradiction fatale à la société marchande (mais peut-être aussi à la civilisation, aux chances d’humanisation qu’elle a amenées au cours de l’histoire), c’est celle qui existe entre ces moyens de production déterminés, c’est-à-dire le “capital fixe scientificisé”, la technologie moderne, d’une part, et d’autre part les nécessités vitales de l’appropriation de la nature, auxquelles aucune société humaine ne saurait se soustraire» (Jaime Semprun, « Notes sur le Manifeste contre le travail », dans Nouvelles de nulle part n° 4, Paris, 2003). Même si Semprun parle ici et là de « société marchande» et de « capitalisme », son analyse n’aborde nulle part la forme sociale spécifique et ses contradictions internes et n’utilise au fond ces notions que comme des synonymes de « société industrielle ». L’origine des horreurs, dévastations et catastrophes de la modernité n’est pas cherchée dans la dynamique autonomisée de la marchandise, de la valeur et du travail, mais directement attribuée à la technologie moderne. Capitalisme = société industrielle, telle est la simple équation établie par Semprun. Aussi l’abolition du capitalisme est-elle pour lui synonyme de suppression de la technologie moderne et de la production industrielle dans sa totalité.
Loin de nous l’idée de contester que la production industrielle moderne naisse en même temps que la socialisation capitaliste et que sa structure même soit capitalistiquement constituée. En ce sens, on peut d’ailleurs dire que la société marchande est la seule société dans l’histoire de l’humanité à mériter le nom de « société industrielle », et c’est pourquoi une critique du capitalisme doit englober une critique du mode de production industriel. Mais présenter les deux concepts comme synonymes est une erreur car, si le capitalisme a donné naissance à la production industrielle et lui a donné sa forme, on ne saurait réduire celui-là à celle-ci. C’est pourquoi on peut certes montrer dans la production industrielle le mouvement autonome fétichiste, les mécanismes de domination et les contradictions internes du système de la production marchande, mais on ne peut pas expliquer le capitalisme par la production industrielle. Et c’est aussi pourquoi le dépassement du capitalisme ne signifie pas l’abolition de la production industrielle tout court, mais la transformation profonde de celle-ci.
Le lien intime entre mode de production capitaliste et production industrielle vient du fait que c’est seulement dans celle-ci que le rapport-capital peut se réaliser pour la première fois comme totalité sociale, ce que Marx s’est longuement employé à montrer dans le Capital. Une formation sociale qui se médiatise à travers la dépense de travail abstrait et qui se trouve par là livrée à la contrainte aveugle de l’accumulation infinie de quantités de valeur abstraite tend nécessairement au développement de méthodes qui reproduisent cette contrainte à une échelle toujours plus grande. Au centre de ce processus se trouve l’accroissement permanent de la production pour la production sous la forme d’un débit croissant de marchandises représentant du « travail mort ». En outre, la production doit satisfaire au critère d’« efficacité », ce qui, en dernière analyse, ne signifie rien d’autre qu’« efficacité-temps ». Ainsi allonge-t-on cette partie de la journée de travail pendant laquelle les forces de travail créent de la survaleur, c’est-à-dire cette part de valeur créée au-delà du coût de reproduction ou de standing des forces de travail et qui sert à l’accumulation de capital. On sait que Marx parle à ce propos d’une « production de survaleur relative », qui ne devient possible que par l’application systématique de la science à la production (le « grand machinisme ») et par la « rationalisation » du procès de production qui l’accompagne. On peut donc effectivement dire que, dans l’industrie moderne, le capital s’est créé un mode de production à son image. C’est en lui que se matérialise et que se concrétise l’« abstraction réelle » de la valeur. Ce mode de production incarné dans des appareillages et des structures d’organisation tangibles et concrètes fait face aux hommes et leur impose la rationalité qui lui est inhérente ainsi que son rythme-temps.
Et cela va plus loin. Dans la mesure où la société marchande s’établit comme totalité, la logique de la « rationalisation » s’étend à tous les domaines sociaux pour modeler complètement la vie quotidienne, la pensée et l’action des hommes modernes. En ce sens, Semprun a raison de parler de la « désertification de la vie » et de caractériser le « logement de masse » et les « grands ensembles » comme étant des « cellules de l’Existenzminimum ». Mais il se trompe quand il en voit l’origine immédiate dans « l’industrie » et les forces productives modernes. Car, même si les contraintes imposées par la valeur et la marchandise ne s’opposent pas à nous comme telles, de manière immédiate, mais sous la forme de choses et de structures sociales matérielles, les premières ne peuvent pas être réduites aux secondes. À l’inverse, il ne faut pas que la critique fasse l’impasse sur ces choses et ces structures et les traite comme si elles étaient socialement « neutres ». Elle doit avoir pour objectif de les analyser comme les représentantes et les matérialisations de la logique marchande et de la valeur et de montrer à travers elles en quoi cette logique est porteuse de puissance répressive et de domination réifiée.
L’identification immédiate (unvermittelt) d’objets matériels et d’une forme sociale traduit, quant à elle, une pensée réifiante qui n’est que l’inversion abstraite du fétichisme des forces productives que professait le marxisme traditionnel. Selon ce dernier, le « développement des forces productives » serait une sorte de loi naturelle de l’histoire, un processus transhistorique que le capitalisme, dans sa « mission historique », aurait certes fortement accéléré mais sans le marquer fondamentalement. En conséquence, les contraintes imposées par le système capitaliste de production et d’industrie (cadences infernales, division du travail extrême, régime de commandement, etc.) n’auraient été rapportées que de manière extérieure aux « rapports de production », qui, dans cette vision restrictive, se réduiraient à la domination de classe, l’exploitation et la recherche du profit. Mais rejeter cette interprétation mécaniste de la contradiction entre forces productives et rapports de production ne signifie pas la tenir pour obsolète. On peut au contraire montrer qu’elle se traduit dans le mode de production industriel moderne lui-même, et cela de deux manières : comme potentialité de crise qui se reproduit à une échelle toujours plus grande ; et en ce que le développement capitaliste engendre certaines possibilités et certains potentiels, tout en entravant leur réalisation, voire en les transformant en forces de destruction.
Cela ne vaut pas seulement pour le procès de production marchande en tant que tel mais également pour ses produits. Même la valeur d’usage se trouve être plus que la simple caractéristique matérielle neutre de « produits » sociaux, formées par la valeur d’échange : le trafic automobile en est un exemple particulièrement éloquent. En tant que système de déplacement d’une société éclatée en individus atomisés et contraints à la mobilité permanente, il est par sa structure matérielle une image fidèle de la logique de la valeur. Pas seulement à cause de son rôle d’avant-garde quand il s’agit de produire des catastrophes climatiques et de dévaster l’espace public. Mais bien plus parce que la circulation automobile reflète de manière paradigmatique le rapport social des sujets civils-bourgeois (bürgerliche Subjekte) comme asocialement sociaux, tout à la fois massifiés et isolés.
Il va donc ainsi presque de soi qu’un « programme des abolitions » ne doit pas viser à « libérer » la « voiture comme valeur d’usage » de son « enveloppe-valeur d’échange », mais à supprimer le trafic automobile comme système social de déplacement (cela n’exclut pas forcément qu’on puisse se servir de voitures à des fins bien particulières). Ce qui, inversement, ne signifie pas qu’une société libérée doive retourner aux chars à bœufs et aux voitures à chevaux. Il s’agira plutôt d’inventer des systèmes de circulation permettant à tout individu d’aller partout où bon lui semble sans détruire ni la nature ni les paysages et sans avoir à se transformer en monade furieuse, coincée dans son tas de ferraille. Lorsque Semprun prétend que le Manifeste tombe dans la croyance « qu’on pourrait retrouver intactes, une fois débarrassées de leur forme capitaliste, valeur d’usage et technique émancipatrice » (ibid.), il s’agit là d’une pure projection de sa part, que rien dans le texte ne confirme. Semprun nous attribue cette position du marxisme traditionnel parce qu’elle lui permet de présenter sa propre manière de voir comme le nec plus ultra de la critique radicale. En fait, la position de Semprun n’est qu’un reflet réducteur de ce même marxisme traditionnel.
Opposer à l’admiration béate devant la technique et la science dont faisait preuve le marxisme traditionnel (celui-ci connaît actuellement une renaissance avec le néo-opéraïsme des Hardt-Negri) un refus tout aussi général n’est que trop facile. Une société libérée devra examiner à chaque fois concrètement la technologie et la science que le capitalisme a engendrées sous une forme fétichiste et largement destructive pour savoir si, et dans quelle mesure, elles pourront ou non être transformées et développées pour le bien de tous (4). Il va de soi que cela implique la décision de ne pas aller au bout de certaines potentialités de la science (ainsi les connaissances scientifiques sur la manipulation génétique) et d’arrêter une part importante de la technologie capitaliste (ainsi de nombreux procédés de l’agriculture industrielle) ou, tout au moins, de l’utiliser de manière très sélective. Donner à ce propos a priori des critères généraux est impossible. Car la libération de la domination impersonnelle et fétichisée de la valeur signifie que les membres de la société cessent d’être soumis à un principe général-abstrait présupposé qui structure leurs décisions d’une façon déterminée et uniforme. Ce sera alors en fonction de divers critères qualitatifs, sensibles et esthétiques qu’ils décideront ce qu’ils acceptent et ce qu’ils refusent. La société dominante, à l’inverse, est contrainte de rationaliser tous les domaines de la société, tant au niveau technologique qu’organisationnel. À cet égard, elle n’a pas le choix, étant soumise au diktat qui commande l’économie de temps et sa densification. À l’opposé, une société d’individus librement associés qui ne se médiatisent pas à travers la production de marchandises et la valorisation de la valeur mais à travers des procédés de communication directe peut décider consciemment où, par exemple, il est raisonnable d’utiliser des robots et autres procédés d’automatisation pour supprimer ou réduire des activités rébarbatives, et où cela n’est pas souhaitable, voire nuisible.
Semprun peut y voir une « incohérence », mais celle-ci réside dans la chose même. Là où il reconnaît, non sans une certaine condescendance, au Manifeste que celui-ci reculerait par endroits devant sa propre vision technofétichiste, qu’on y sentirait une « sorte d’hésitation », il attend une position tranchée qui ne peut exister que quand on résout la contradiction entre forces productives et rapports de production de manière totalement unilatérale, en remplaçant le principe de coercition sociale dominant par un autre principe tout aussi abstrait et général : la suppression indifférenciée de toute production industrielle et de toute technologie moderne. En ce sens, la « radicalité» de Semprun n’est que l’inversion du rigorisme de la société bourgeoise dont il faut se libérer...
NOTE
4. Il ne s’agit pas ici d’affirmer que seul le capitalisme aurait pu engendrer ces potentialités. Cela aurait pu, en principe, se passer d’une autre manière. En ce sens, aucune justification a posteriori arguant de la « mission civilisatrice » du capital n’est nécessaire, comme le fait toujours le matérialisme historique avec son mécaniste optimisme de l’histoire et sa téléologie. Mais il faut néanmoins constater ce fait historique que le capitalisme a engendré certaines potentialités (tout comme d’autres sociétés fétichistes l’avaient fait avant lui), et c’est là la base qu’une libération doit prendre comme point de départ.
Source : http://www.krisis.org/2004/critique-du- ... on-sociale
L’Union Locale de la Fédération Anarchiste de Rennes appelle a se joindre au rassemblement jeudi 17 mars à 18h place de la Mairie, en solidarité avec le peuple japonais et afin d’exiger l’abandon immédiat du nucléaire, ici comme partout dans le monde.
UL FA Rennes groupe La Digne Rage
http://www.anartoka.com/la-digne-rage
groupe La Sociale http://www.farennes.org
Ci dessous le communiqué fédéral de la FA :
Arrêt immédiat du nucléaire ! Sortie immédiate du capitalisme !
mardi 15 mars 2011
Depuis la spoliation par AREVA de ressources naturelles dont les habitants de pays comme le Niger ne tirent aucun bien-être jusqu’à la répression policière des actions contre les trains de déchets, en passant par la culture du secret qui avait fait s’arrêter le nuage de Tchernobyl à la frontière de l’État français, le nucléaire illustre de façon sinistre les relations incestueuses entre Capital et État.
Comme si les conséquences du séisme qui vient de causer la mort de dizaines de milliers de personnes au Japon ne suffisaient pas, l’horreur nucléaire vient se surajouter à la désolation. Comme leurs homologues après les catastrophes de Three Mile Island, de Tchernobyl, les autorités japonaises ont choisi de minimiser l’importance du danger, sacrifiant ainsi aux intérêts présents du lobby nucléaire la santé des générations futures. Combien d’autres événements du même ordre devront-ils se reproduire pour que cessent les mensonges ? Combien de cancers de la Thyroïde tueront-ils les irradiés de mars 2011, et ceux qui les suivront ? Combien d’hectares de terres agricoles seront-ils contaminés pour des milliers d’années ? Combien de personnes devra-t-on déplacer, combien d’autres, trop pauvres, mourront-elles à petit feu sur place ? Ainsi, les populations japonaises expérimentent les deux faces de la nocivité de l’énergie atomique : le traumatisme causé par le nucléaire militaire américain à la fin de la seconde guerre mondiale égale en horreur celui des conséquences prévisibles de l’accident de la centrale civile de Fukushima. Pour la Fédération anarchiste, Le nucléaire génère des sociétés fondées sur l’autoritarisme policier et désaissit les populations du libre choix de leur mode de vie, de leur façon de produire et d’utiliser l’énergie . Les japonais y sont hostiles, tout comme une immense majorité des opinions publiques mondiales, il est donc plus que temps que s’étende à l’échelle globale la lutte contre les apprentis sorciers qui imposent l’atome à ceux qui n’en veulent pas. Les problèmes énergétiques ne peuvent se résoudre que par la disparition du système économique qui les engendre, qui fait que certains gaspillent l’énergie alors que d’autres en manquent cruellement. Seule une révolution sociale peut faire disparaître AREVA et ses protecteurs étatiques, seule une révolution sociale peut créer les conditions d’une utilisation autogérée plus rationnelle et plus sobre des ressources naturelles. La Fédération anarchiste continuera à oeuvrer en ce sens.
Fédération anarchiste, le 15 mars 2011.
l’Union Locale de la Confédération Nationale du Travail d’ille-et- vilaine appelle également à ce rassemblement ce jeudi 17 mars à 18h place de la mairie en vue d’exprimer également notre solidarité envers le peuple japonais et l’exigence de sortir du nucléaire sur le champs .
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