État d’urgence : après les perquisitions administratives, les saisies de PC, téléphones, tablettes
L’avant-projet de loi modifiant une nouvelle fois la loi de 1955 relative à l’état d’urgence, va autoriser prochainement les saisies informatiques à l’occasion des perquisitions administratives autorisées depuis novembre dernier.
Après les attentats dits du Bataclan, l’exécutif avait déclaré l’état d’urgence par décret. Quelques jours plus tard, s’appuyant par l’imminence de la menace terroriste, une loi venait prolonger cet état exceptionnel en faisant d’une pierre deux coups : elle modifiait également la loi de 1955 avec deux nouveautés remarquables.
D’une part, elle autorise l’assignation et la perquisition d’une personne « à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics ». Par comparaison, la version préalable exigeait une démonstration plus musclée, plus solide, à savoir une « activité » qui « s'avère dangereuse pour la sécurité et l'ordre publics ».
D’autre part, cette loi de novembre 2015 a introduit la possibilité de réaliser des perquisitions administratives sur les ordinateurs présents dans les lieux perquisitionnés, avec un accès à toutes les données « accessibles à partir du système initial ou disponibles pour le système initial ». Soit grosso modo, une bonne partie d’Internet, pour le cas d’un ordinateur connecté.
Non à l’état d’urgence et aux mesures sécuritaires !
Ne laissons pas un régime autoritaire s’installer !
Non à l’état d’urgence et aux mesures sécuritaires ! Ne laissons pas un régime autoritaire s’installer !
La Coordination des Groupes Anarchistes Lyon appelle à se mobiliser contre l’État d’urgence, son inscription dans la Constitution, et la nouvelle loi antiterroriste qui sera présentée début février en conseil des ministres.
Nous appelons à renforcer les initiatives qui s’opposent à ces mesures liberticides, et à faire de la manifestation du 6 février 2016 (à l’appel du collectif stop état d’urgence) une réussite pour permettre à la contestation de s’étendre et créer un rapport de force suffisant pour faire reculer l’État.
Vers un régime autoritaire : la démocrature
Suite aux attentats de novembre, les réponses du gouvernement se sont portées sur le terrain sécuritaire. Le plan Vigipirate renforcé banalise la présence massive de militaires et de la police dans la rue ; les contrôles aux frontières sont rétablis ; l’état d’urgence permet entre autres toute assignation à résidence, perquisition, interdiction de manifestations ou réunions publiques2, sur décision ministérielle ou préfectorale, sans contrôle d’un juge.
L’inscription dans la Constitution de l’état d’urgence vise à solidifier son régime juridique et empêcher tout recours possible auprès du Conseil constitutionnel. Quant à la nouvelle loi antiterroriste, son but est d’étendre considérablement les pouvoirs donnés à la police et au parquet hors état d’urgence3. En pérennisant ainsi des mesures qui relevaient de l’exception, la suppression de droits communément admis dans les démocraties représentatives vient s’inscrire dans la loi : séparation des pouvoirs de police, judiciaires et législatifs, droit de réunion et de manifester. Depuis plusieurs années, à coups de lois et mesures sécuritaires, le vernis démocratique se fissure, mais cette séquence semble porter un coup fatal à ce qu’il reste de nos libertés collectives ; l’État est pour nous par essence au service des dominants, mais on assiste à un changement de nature du régime, au passage vers un État autoritaire et policier.
Des outils pour museler toute contestation sociale
Sous couvert d’état d’urgence, la manifestation contre la COP 21 du 29 novembre a été interdite et réprimée par la force. Plusieurs centaines d’arrestations et 317 gardes-à-vue ont eu lieu ce jour-là, et des assignations à résidence « préventives » de militant-e-s avaient eu lieu en amont de l’événement. Les interdictions visant les mobilisations sur la voie publique se sont multipliées, alors que dans le même temps ont été autorisés les rencontres sportives et des événements commerciaux tels que les marchés de Noël. Facile donc de comprendre que ces mesures n’ont rien à voir avec le terrorisme mais permettent à l’État de museler toute contestation sociale. Alors que la dégradation de nos conditions de vie et de travail empire, que le gouvernement s’apprête à démanteler ce qu’il reste du code du travail, ces mesures sécuritaires donnent le socle légal à l ’État pour réprimer toute velléité de résistance. L’ensemble des travailleur-seuse-s doit se sentir concerné par ces atteintes à nos libertés.
Le gouvernement en a appelé à la responsabilité des syndicats pour aider à l’édification de « l’unité nationale » face aux ennemis intérieurs et extérieurs à combattre, pour mieux taire les inégalités sociales et d’éventuelles contestations.
Racisme d’État et climat xénophobe
Dans le cadre de l’État de l’urgence, on a assisté à plusieurs bouclages de quartiers populaires, à des centaines d’assignations à résidence et des milliers de perquisitions chez des personnes de confession musulmane. Début janvier, on comptait ainsi 3021 perquisitions, dont 4 ont débouché au final sur des procédures administratives anti-terroristes. Ces mesures ont touché de nombreuses personnes qui n’ont rien à voir avec le terrorisme. Elles viennent renforcer les amalgames envers l’ensemble des musulman-e-s, plus généralement des personnes racisées et des quartiers populaires.
La proposition d’étendre la déchéance de la nationalité et de l’inscrire dans la Constitution relève du racisme d’état et vient nourrir le mythe que les ennemis intérieurs de la « nation » sont les personnes immigrées ou issues de l’immigration. Elle officialise en effet une catégorie de sous-citoyen-ne-s, toutes les personnes ayant une double nationalité, qui encourront une double peine en plus de leur condamnation, celle de perdre la nationalité française et tous les droits qui vont avec. D’inégalités de fait, on passe aux inégalités de droit ; une brèche est ouverte, et une simple modification de la loi pourra venir changer les raisons justifiant la déchéance de nationalité. Déjà, le parti Les Républicains et le FN jouent la surenchère pour étendre la liste de ces conditions.
Cette mesure raciste doit être combattue avec force mais elle ne doit pas emmener ses opposant-e-s à oublier de dénoncer l’ensemble de l’état d’urgence.
Ce racisme d’État alimente la xénophobie qui se répand et se banalise, en témoignent les scores toujours plus élevés du Front National, notamment aux dernières élections régionales. Mais aussi les violences récurrentes de groupes fascistes contre des camps de migrant-e-s comme à Calais, ou encore dernièrement, le saccage de la mosquée en Corse et les manifestations xénophobes qui ont suivi, porteuses de tous les amalgames entre agresseurs, terroristes, et personnes immigrées. Ces actes racistes ont bénéficié d’une nette complaisance gouvernementale.
On perd nos libertés, mais on n’aura pas la sécurité
La multiplication des mesures sécuritaires ne peut empêcher des attaques terroristes qui frappent aveuglément, perpétrées par des personnes prêtes à mourir. Comme le montrent les derniers attentats, l’arsenal des lois sécuritaires ne garantit pas de sécurité, mais vient restreindre nos libertés, souvent insidieusement mais durablement.
Pire, le climat actuel entretient et alimente les replis identitaires, nationaux et religieux. La désignation d’ennemis (intérieurs et extérieurs) crée des bouc-émissaires, détournant la population de la violence sociale, violence du capitalisme et de l’État.
L’amplification de la politique guerrière et impérialiste de l’État français a été une réponse aux attentats de novembre. Les États occidentaux portent une responsabilité face à l’essor et l’émergence des mouvances fascistes religieux au Moyen-Orient ; la voie suivie par l’État français et ses allié-e-s n’est pas une solution mais alimente au contraire le problème.
Résistons !
Nous devons lutter dans les semaines qui viennent contre l’état d’urgence et la nouvelle loi antiterroriste, véritables atteintes à nos libertés.
Mais au-delà nous devons nous opposer à la politique guerrière et impérialiste de l’État français, à la montée du racisme, corollaires de cet état d’urgence, ainsi qu’à l’ensemble des lois sécuritaires et liberticides. Nous devons affirmer notre solidarité internationale qui passe par l’accueil des migrant‑e‑s et le soutien aux forces progressistes au Moyen-Orient, en particulier au processus révolutionnaire au Rojava.
Notre lutte contre tous les replis identitaires doit passer par une offensive idéologique, dans le but de déconstruire tous les discours racistes, fascistes, religieux, nationalistes, ainsi que par les luttes contre les inégalités sociales.
Face aux violences fascistes, capitalistes, nationalistes, nous devons construire et affirmer une solidarité de classe.
François Hollande s'est également félicité de l'efficacité des frappes aériennes visant l'organisation Etat islamique en Syrie et en Irak. "Nous continuons (...) à intensifier ces frappes autant qu'il est possible. Elles ont leur efficacité, nous avons maintenant des résultats, pas simplement en nombre de victimes, mais également en perte de moyens financiers, pétroliers, matériels et de capacité d'entraînement pour Daech", a déclaré le chef de l'Etat.
"Les salariés français ne verront aucun de leurs droits remis en cause", a-t-il ajouté, alors que certains s'inquiètent, notamment, d'une réforme des licenciements économiques ou du plafonnement des indemnités prud'homales. "Je ne veux pas allonger le temps de travail, je veux que, dans les entreprises, on puisse adapter le temps de travail à la réalité économique, a-t-il précisé. Ce qui est très important, c'est qu'on donne de la souplesse."
Interrogé sur la possibilité de voir le Front national se qualifier pour le second tour du scrutin, François Hollande a expliqué que les conditions pour un nouveau 21-Avril étaient "bien sûr réunies".
Jean-Christophe Cambadélis a exprimé son désaccord sur les nouveaux points concernant le licenciement économique. "Tout ce qui est dans ce texte sur le licenciement économique est discutable", a-t-il déclaré appelant à ouvrir "la discussion". Le premier secrétaire du PS a qualifié d'"acceptable" l'allongement de la durée de travail à 40 heures par semaine pour les apprentis et la limite à 10 heures par jour. Jean-Christophe Cambadélis a affirmé attendre la discussion parlementaire
Après le Sénat, les députés ont voté à leur tour, jeudi 19 mai, la prolongation de deux mois de l’état d’urgence, par 46 voix contre 20 et 2 abstentions.
"Patrice Spinosi, avocat de la Ligue des Droits de l'Homme, a jugé mardi matin sur France Info que ces mesures sont une "une dérive de la démocratie".
"Le politique est pris au piège de l'état d'urgence et en profite pour utiliser l'état d'urgence pour faciliter le travail de la police, et cela, c'est une dérive de la démocratie" a-t-il réagi.
"L'état d'urgence est aujourd'hui utilisé par le gouvernement non plus simplement pour lutter contre le terrorisme mais pour faire de la réglementation intérieure et éviter que certaine personnes soient à des endroits où les forces de police ne veulent pas qu'elles soient", a-t-il expliqué."
http://www.liberation.fr/debats/2016/06 ... er_1462336Contre la mise en cage du droit de manifester
Ce qui s’est passé jeudi 23 juin à Paris, à l’occasion de ce qui aurait dû être une manifestation contre la loi travail, est d’une gravité exceptionnelle. Un quartier entier de Paris a été occupé militairement, avec présence de fourgons et de troupes très en avant du lieu prévu pour la manifestation, pour exercer une pression par leur seule présence et par des contrôles parfois suivis d’interpellations.
Ensuite, autour de la place Bastille et du bassin de l’Arsenal, avaient été installées des enceintes grillagées hermétiques et pour entrer dans le périmètre, il fallait franchir des check-points et laisser fouiller ses sacs. Des dizaines de personnes ont été interpellées pour la simple possession de lunettes de piscines ou de foulards, certaines ont été coincées trois heures sur un trottoir avant d’être embarqués pour deux nouvelles heures de «vérification d’identité», des professeurs des écoles qui protestaient ont été chargés et tabassés, etc.
C’est un événement sans précédent en France et, à notre connaissance, dans les démocraties occidentales, que plusieurs dizaines de milliers de personnes aient été ainsi encagées et que leur droit de manifester ait été ridiculisé, réduit à une pantomime par l’obligation de tourner en rond autour d’un bassin dans un périmètre réduit, sans aucun contact avec le reste de la ville.
L’exemple des lois sécuritaires, celui d’un état d’urgence censé être provisoire mais promis à l’éternité, sont là pour nous rappeler que chaque recul de liberté est ensuite considéré comme un acquis par l’Etat. Si un tel dispositif totalitaire devait être renouvelé, nous entrerions dans une nouvelle phase de l’instauration d’un régime autoritaire dont le caractère démocratique deviendrait franchement évanescent.
C’est pourquoi nous déclarons que nous continuerons à manifester mais que nous ne mettrons plus jamais les pieds dans de tels périmètres militarisés. Aux prochaines manifestations et en particulier à celle de mardi 28 juin, nous nous tiendrons en dehors, et nous appelons tous les manifestants à faire de même, à rester à la périphérie de la cage qu’on nous destine, à observer ce qui s’y passe, et à exercer quand c’est possible, chacun à sa manière, le libre droit de manifester.
Signataires :
Miguel Benasayag, philosophe, psychanalyste ; Gérard Mordillat, cinéaste ; Mateo Depie, architecte ; Frédéric Lordon, économiste ; La Parisienne Libérée, chanteuse ; Pierre Alféri, écrivain ; Serge Quadruppani, écrivain ; Yves Pages, éditeur ; Yannis Youlountas, écrivain, réalisateur ; Arno Bertina, éditeur ; Isabelle Saint-Saens, militante associative ; Noël Godin, entarteur ; Grégoire Chamayou, essayiste ; Thomas Coutrot, économiste, coprésident d’Attac ; Alessandro Di Giuseppe, comédien ; Stathis Kouvélakis, philosophe ; Jean-Pierre Levaray, écrivain ; Serge Pey, poète ; Denis Robert, journaliste ; Nathalie Quintane, écrivain ; Xavier Mathieu, syndicaliste comédien ; Jean-Jacques Redoux, écrivain ; Serge Urgé-Royo, chanteur.
http://www.nousnecederonspas.orgEt six mois de plus !
Une nouvelle fois, la France vient d’être confrontée à l’horreur des attentats. Face au nombre de victimes, aux circonstances et au mode opératoire choisis, nous ne pouvons que ressentir colère et douleur.
La réponse gouvernementale, formulée au soir même de cet acte odieux, consiste à proroger une quatrième fois l’état d’urgence pour une durée d’au moins six mois. Après s’être livrés à une lamentable surenchère sécuritaire et démagogique, les parlementaires ont avalisé à une très large majorité cette prorogation d’un état d’urgence sans fin, aggravé par des dispositions qui accroissent encore les possibilités d’arbitraire ou qui valident des mesures sans rapport avec l’objet du texte.
Ainsi, les perquisitions administratives vont reprendre et même les enfants deviennent des suspects potentiels puisqu’ils pourront être retenus pendant quatre heures au cours d’une perquisition !
Ces dispositions viendront s’ajouter à celles prévues par la toute récente loi sur la réforme de la procédure pénale mais aussi par toutes les lois sécuritaires votées depuis une vingtaine d’années.
Alors que le dernier rapport parlementaire sur l’état d’urgence a montré la portée limitée d’un régime qui se voulait d’exception, la France va donc s’installer de façon durable dans une situation qui marginalise chaque jour davantage le rôle du juge judiciaire, garant des libertés individuelles, au profit du seul pouvoir exécutif. Nous savons, aujourd’hui, que l’état d’urgence a été utilisé pour autre chose que la lutte contre les actes de terrorisme, notamment pour empêcher des manifestations et assigner à résidence des militants politiques sans que tout cela ait le moindre rapport avec la lutte contre les actes de terrorisme.
Plus que jamais, il convient de rappeler qu’il n’y a pas à choisir entre sécurité et liberté, sauf à entrer dans un marché de dupes qui, à terme, ne garantit ni l’une ni l’autre.
Depuis le mois de novembre 2015, nous refusons de céder à la peur parce que celle-ci génère amalgames, discriminations et fractures au sein même d’une société légitimement inquiète et traumatisée. Pour lutter efficacement contre le terrorisme, il convient d’abord de s’interroger sur ce qui, en amont, n’a pas marché. Le pays n’a pas besoin de nouvelles dispositions législatives ou d’une pérennisation de l’état d’urgence. Il doit au contraire se retrouver autour d’une mobilisation citoyenne qui renforce la solidarité, les libertés et les valeurs portées par la démocratie.
Utilisateurs parcourant ce forum: Aucun utilisateur enregistré et 4 invités