Michel Onfraypar Gilles Decluse
Ce Onfray, c’est n’importe quoi.
Et, justement, il y a lieu de s’interroger.
Car cette fausse conscience n’apparait pas par hasard avec toute l’audience qui lui est accordée, pour seulement un bon coup éditorial à faire pâlir les concurrents de ce petit milieu germano-pratin.
Il y a là dedans, comme un tir de semonce contre nos positions, je veux dire celles de l’esprit critique.
Bien sûr que Freud et la psychanalyse sont à critiquer, mais outre que la critique avait déjà commencé avec Reich et l’Ecole de Francfort, Onfray, lui, ne critique pas la psychanalyse - du moins du peu que j’en ai lu et entendu, notamment sur Internet mais parfois, le peu suffit sans s’égarer dans des critiques subalternes - mais s’attaque à l’homme Freud, apatride, athée mais non anarchiste, à la place d’offrir un débat critique de la psychanalyse.
Alors, oui, Freud s’est longtemps adonné à la cocaïne ; oui, Freud considérait l’homosexualité comme l’expression d’une névrose ; oui Freud donna à la femme un rôle inférieur à celui de l’homme, jusqu’à, selon lui, un manque du pénis qu’elle envierait (la coquine, va ;-)) ; oui, Freud était autoritaire et surveillait étroitement ses élèves, et notamment Reich, qu’il a vite expulsé de son école. Par contre, faire de Freud une sorte de nazi relève du délire. Certes, le fait que Freud a été vite inquiété par les nazis ne suffit comme argument pour le placer dans le camp adversaire des nazis. On connait la destinée du nazi de la forêt noire, Heidegger, comme exemple.
Mais, la vie et les idées de Freud sont suffisamment connues pour savoir quel camp il avait choisi, c’est-à-dire celui de la démocratie bourgeoise moderne.
Il n’était pas marxiste, encore moins anarchiste, mais, tout de même, pour un juif, athée... Ce que n’était pas Einstein, par exemple ; et ce que n’est pas, en fait, Onfray, malgré un livre qu’il a consacré à l’athéisme, en ayant le culot de faire croire qu’il s’agit d’un traité sur une nouvelle discipline, l’athéologie.
De ce livre là, j’en ai souligné pas mal de choses tellement c’est délirant ;
faux traité mais vrai pamphlet.
Je n’en reviens pas moi-même de tant de fausses assertions, entre autre raccourci sans argumentaire sérieux...
Donc, la bonne question est : qui est ce Onfray, quel rôle tient-il dans la société du spectacle, au point que notre nain de jardin, chef d’Etat, l’ait invité à discuter avec lui ?
Pour un soi-disant anar, qui a appelé à voter pour le petit facteur (farceur, Onfray...) ce Onfray est bien confus, à moins, justement, que ce soit un confusionniste professionnel, une arme idéologique contre les gens tel mézigue, pour les empêcher de parler et de poser des critiques, puisque, par cette technique, toute critique se trouve invalidée avant même d’avoir été posée.
Il prétend avoir lu TOUT Freud en quelques années.
Techniquement, je crois cela impossible, et quoique par ses publications, on croirait à un vrai stakhanoviste d’un endurance difficilement atteignable, et, surtout, de tout lire en comprenant tout, c’est-à-dire jusqu’à ses concepts les plus obscurs. Un puits de science, ce Onfray, digne de son aïeul Julien Offray de La Mettrie, qui n’aura vécu qu’une quarantaine d’années, de 1709 à 1751, et se posant comme un matérialiste dont il est revenu à Marx de l’avoir réhabilité comme penseur fondateur du matérialisme.
Bref.
Allez, admettons que Onfray ait lu TOUT Freud y compris sa correspondance, comme il le dit haut et fort, alors, comment a-t-il fait pour lui trouver une position antisémite ?
Voilà qui me laisse perplexe.
Autant je n’approuve pas Freud par sa manière de faire avancer ses concepts dans le champ qu’il veut scientifique et non philosophique ; je ne l’approuve pas parce que sa pensée ne s’inscrit pas dans un rapport de lutte de classes, que W. Reich, cependant, aura vite corrigé, autant, politiquement, je trouve Freud honnête et plutôt, comme on dirait aujourd’hui, à gauche, dans le sens humaniste de ce mot, et non politique.
Politiquement, Freud se situe à droite, comme un bon bourgeois de son temps, et franchement anti-nazi, même s’il est mort avant le déclenchement des hostilités.
Et certes, Freud faisait payer grassement ses séances aux bourgeois, qui furent aussi ses seuls clients, qui le consultaient. Bon. Et alors ?
Freud n’a jamais dit qu’il était un révolutionnaire anarchiste, que je sache.
Il n’a jamais non plus prétendu être marxiste.
C’est la différence d’avec Wilhem Reich, lequel en effet, ne faisait pas payer ses consultations, et travaillait au sein d’un dispensaire public pour accueillir les prolos. Mais, Reich était communiste.
Comme Lacan ?
Lacan, par contre, comme communiste, c’est autre chose, c’est un fieffé coquin qui faisait payer cher ses consultations. Encore que, parait-il, il officiait gratuitement au sein de St Anne comme psychiatre. Mais, c’est bien le moindre, pour un maoïste.
Bref, qui est ce Onfray, et quelle place a-t-il dans ce monde, voilà les vraies questions ?
Et on voit qu’il est particulièrement bien soigné par les médias.
Il est clair que, pour le bourgeois, il est mieux que les gueux ne s’intéressent pas de trop près à une pensée qui risquerait de les perturber dans leurs si conventionnelles mœurs. Parce que, aujourd’hui, les gueux savent lire.
Onfray écrit de telle sorte que ses livres sont très facilement accessibles à un lecteur indigent.
Pas de concept "prise de tête", pas de phrases avec inversion du génitif à la Debord, pas de référence à des auteurs inaccessibles au "grand" public, l’invective séduisante, livre pas trop épais... Bref, un beau produit marketing. En vente dans tous les super-marchés qui ont un rayon librairie, c’est-à-dire, aujourd’hui, tous, parce que la culture, comme l’avaient dit les jeunes situationnistes, est essentiellement une marchandise.
Mais, de la pensée critique, nada, niet, rien, que dalle...
Et, pour mieux encore nous clouer le bec, nous, c’est-à-dire ceux qui prennent une position critique, Onfray a eu soin de mettre son déjà ancien traité d’athéologisme (est-ce un sous-groupe de l’existentialisme ?) sous le parrainage de Vaneigem, dont on sait, cependant qu’il a quitté définitivement le terrain de la critique depuis bien longtemps, depuis au moins l’époque de Mai 68 (ce qui n’invalide pas son travail d’historien médiéviste, mais c’est un autre sujet) et qui lui valu l’expulsion de l’IS de manière infamante d’ailleurs pour sa lamentable désertion au moment des barricades du moi de Mai 68 à Paris.
Vaneigem comme caution pour son athéologisme, voilà qui fait poids, qui marque son bonhomme. De ce fait, son anti-freudisme, ça ne peut pas être n’importe quoi. C’est forcément du sérieux. Cela dit, là dedans, ce n’est pas Onfray qui en sort grandi, mais Vaneigem qui s’en trouve ridiculisé.
Je ne critiquerai pas son livre anti-Freud. D’avoir lu son traité d’athéologie me semble suffire. La méthode de ce livre dont le titre engage autrement plus de sérieux, invite à ne pas perdre de temps à ouvrir les autres livres de ce personnage.
Et mon sentiment se trouve renforcé par l’absence sérieuse d’une critique construite de son livre.
Le gendre de Lacan, par son manque de sang froid dont il fit preuve, et Roudinescu par ses invectives, m’ont laissés perplexe quant aux effets bénéfiques que leur auraient rapporté les séances du Divan.
La psychanalyse reste encore à critiquer.
Source (et commentaires)
http://www.e-torpedo.net/article.php3?i ... es-Delcuse