Lutte contre réforme du code du travail

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Re: Lutte contre réforme du code du travail

Messagede pit le Jeu 18 Aoû 2016 20:20

Le balancier de l’illusoire

Notes éparses sur un printemps confus


Le long mouvement « social » contre la « loi-travail » – dite « El Khomri » – qui fait déjà de ce printemps français 2016 une nouvelle référence calendaire pour les amis d’une insurrection toujours à venir, pose sans doute plus de questions qu’il n’en résout. Il laisse en tout cas pour partie déconstruites quelques intuitions que la grammaire postmoderne véhicule, depuis des années, sur la fin du sujet, de l’histoire ou du politique.

« Nuit debout » fut son lever de rideau. Une montée en masse au contenu « démocratique » qui, le temps de s’éprouver à la lueur des lanternes d’une République à refonder, fit suffisamment illusion pour faire venir à elle, à la tombée des jours, un sujet-foule dont les Indignados de 2011 restaient une représentation modélique et, sans rire, pour beaucoup, Podemos un débouché politique. D’où l’intérêt sans doute exagéré que cette multitude sans autre point d’ancrage que celui qui leur était imparti (la « place ») suscita dans les médias et chez les adeptes de l’ « assaut institutionnel » outre-pyrénéen. On n’est pas précurseur pour rien. Et Lordon se prit pour Iglesias. Le temps d’une fête comme seule l’époque en offre, préfigurative dans l’intention même qui l’anime d’un certain vide d’objectifs.

Du côté de la jeunesse dite scolarisée – ou plutôt dans ses marges, peu politisées mais pas entièrement lobotomisées – émergèrent quelques « activistes » d’une cause mal définie, mais dont les refus coalisées de la « loi-travail » pouvaient faire levier pour exprimer leur mal-être singulier. Ils le firent en déclarant valoir « mieux que ça ». Comme si les autres – ceux qui se lèvent pour 1200 euros par mois – valaient moins bien qu’eux ! À moins que, hypothèse recevable, ils eussent, ce disant, plutôt cherché à s’adresser, sur un mode subliminal, à cette tranche d’âge qui était la leur et dont on sait qu’elle est massivement gagnée à l’ordre marchand et à ses fétiches. Minoritaires dès le début du mouvement et incapables, par conséquent, à la différence de ce qui se passa lors du mouvement anti-CPE de 2006, de ne « bloquer » autre chose que des trottoirs – et encore –, ils n’eurent, après quelques manifs ponctuelles, d’autre perspective que de rejoindre la républicaine « Nuit debout » pour communier, à leur manière, dans la grand-messe d’une supposée réinvention démocratique. Dans l’air, il y avait comme une ivresse de parole libérée que l’état d’urgence de basse intensité ne réprima pas. Ce fut certes un début, mais nettement moins prometteur qu’on ne l’admît, alors, dans les rangs des horizontalistes de la néo-radicalité. Nous y reviendrons.

Profitant du succès d’une pétition contre la « loi-travail » diffusée sur Internet, un front intersyndical assez large se constitua, autour d’une CGT tout juste sortie d’un congrès houleux où sa base, « radicalisée » à l’extrême dans certains de ses derniers bastions, avait largement et bruyamment dénoncé les positionnements timorés de sa direction. Avec SUD, d’un côté, et FO, de l’autre, les sujets non-sujets d’une lutte de classes apparemment passée de mode prirent soudain des airs si conquérants que les médias du consentement, toujours aussi subtils dans le maniement du concept, y virent, dans leur presque totalité, la réapparition d’un spectre où les pue-la-sueur, téléguidés par une CGT réinventant l’action directe, s’apprêtaient à mettre le feu aux poudres. Il y eut, c’est sûr, dans les salles de rédaction climatisées, quelques bouffées de chaleur. Elles dictèrent un choix éditorial clair : combattre au canon l’archaïsme du sujet-syndiqué, potentiellement dangereux, en lui opposant la modernité du sujet-foule de la « Nuit debout », potentiellement inoffensif. Et la ligne fut tenue, au moins un temps, avant que les apparentements d’une contestation multiple ne commencent à se brouiller, et avec eux le jugement binaire d’un quelconque Joffrin.

Longtemps, donc, on admit, dans les open spaces de la vulgate journalistique que la CGT, qu’on raillait de longue date comme dépassée et inefficiente, tenait dans ses grosses mains calleuses le sort d’un pays exsangue dont les pauvres habitants souffraient d’être pris en « otages ». C’était bien sûr, a contrario de ce que cherchaient les plumitifs du social-libéralisme radieux, faire beaucoup de cas de sa force. Car si tel avait été son pouvoir, il n’était pas inenvisageable qu’elle leur eût définitivement fermé la gueule, à ces informateurs, en les congédiant, le temps d’une audace, pour qu’ils apprennent à vivre. La vérité, c’est que la CGT surprit par la vigueur de sa réaction – surjouée chez le camarade Martinez, mais sincère à la base – et que, par un concours de circonstances aussi malaisé à saisir par un échotier de base que par un déconstructeur de Paris-VIII, non seulement le front syndical ne se fissura pas, mais s’élargit à des habitués de la « Nuit debout » lassés d’agiter leurs petits bras en signe d’énième approbation du lassant Lordon.

Chez les éditocrates, la haine monta d’un cran ce jour de mai, le 26, où, renouant avec une très ancienne tradition offensive de sa branche, le Syndicat du livre lia la parution des quotidiens du jour à la publication d’un droit de réponse de son secrétaire aux multiples calomnies qui se déversaient depuis des semaines sur la CGT. Et il le fit. Seule L’Humanité parut, non parce qu’il est l’organe du PC, mais parce qu’il publia la tribune en question. Le toujours leste Joffrin s’égosilla, faisant cœur avec Gattaz, pour dénoncer l’immense atteinte à la liberté d’opinion que constituait ce retour au « soviétisme ». Rien de moins. On se demande ce qu’aurait dit ce pathétique défenseur du mensonge dominant à l’époque où, dans les années 1920, la puissante section des Arts graphiques de la très anarcho-syndicaliste CNT espagnole exerçait la « censure rouge » sur les articles qu’elle jugeait diffamatoires envers tel ou tel mouvement de grève. Notons, pour clore l’incise, qu’il y eut aussi, à la même époque, quelques anarchistes notoirement connus pour juger que cette méthode – radicale entre toutes, c’est vrai – constituait une authentique atteinte à la liberté d’opinion (des patrons, pour le cas). Des sortes de Michel Onfray, en somme, qui, lui, s’affligea de voir des « robespierristes » partout, notamment place de la République, quand le pauvre Finkielkraut, dont on sait la modération dans l’invective, fut assez minablement pris à partie par quelques excités de base.

Donc, la CGT joua sa partition, celle qu’elle connaît sur le bout des doigts – démonstration de force avant négociation –, mais dans un contexte où, d’une part, le sous-caporal Valls, tout à sa suffisance de petit maître convaincu que de l’état d’urgence à l’urgence d’État il n’y avait qu’un pas à franchir (et qu’il pouvait le faire), et où, de l’autre, tenacement partagée sembla la colère – exprimée ou retenue – des humiliés d’une « gauche » dont les représentants débordent de bassesse. Ce coup-ci, le cercle des passions contraires était si particulièrement clos qu’on pouvait y voir la première particularité de ce drôle de printemps revendicatif. Entre un Parti socialiste saisi d’une étrange logique autodestructrice conduisant ses déjà faibles bases électorales à l’écœurement, une direction de la CGT privée de ses habituels réseaux de négociation et naviguant à vue, des « insurectionnalistes » ravis de passer à l’acte et une assez large frange de syndiqués de base et de « nuit-deboutistes » susceptibles de les rejoindre – et, de fait, les rejoignant de manif en manif –, ce qui commença comme un banal assaut d’indignation prit, le temps venant, les allures d’un conflit social d’un nouveau type apparemment fédérateur où, venant de partout et de nulle part, les sujets juxtaposés de révoltes partielles et contradictoires finirent, comme on fait masse, par faire sujet d’un mouvement aux contours certes flous, mais réinventant, à sa manière et pour partie, quelques anciennes pratiques émancipatrices oubliées. C’est ainsi que, succédant aux premières brumes de la nuit républicaine de mars, les grèves du petit matin de mai sonnèrent, chez les refuzniks de la « loi-travail » comme un retour de mémoire : non seulement, le sujet-sujet n’était pas encore mort, mais il restait, de fait, seul capable de paralyser l’économie – ce que, entre nous soit dit, le plus con des éditorialistes parisiens sait depuis longtemps et craint comme la peste.

Cette donnée de base implique nécessairement plusieurs conditions dont aucune, malheureusement, ne fut remplie en ce curieux printemps des hardiesses approximatives : pour que la grève joue son rôle de blocage, il faut qu’elle soit large, offensive et imaginative. Pour le cas, elle ne fut rien de cela. Elle ne fut d’ailleurs même pas une grève, mais une multiplication de conflits plus ou moins actifs qui – à l’exception des raffineries et, à un degré moindre, des trains – ne bloquèrent pas grand-chose. Le fait est là, incontournable, déconcertant. Le sujet-sujet n’a plus ni la conscience de sa force ni le désir de l’exercer. Il fait petit, et il ne gagne rien. Il faudrait d’abord qu’il se désencombre de sa retenue, qu’il s’ensauvage, qu’il réapprenne à compter sur ses seules capacités collectives, qu’il reconstruise son autonomie de sujet.

Le nœud à défaire est là. Précisément là, dans cette infinie faiblesse d’inspiration des grévistes potentiels, mais aussi dans cette réitérante contradiction qui fait que, désormais, une grève peut être populaire quant à ses motifs mais n’impliquer aucune participation de masse. On sait, bien sûr, et clairement depuis 1995, que la modification du salariat, dont l’atomisation s’est largement amplifiée depuis, favorise ce phénomène d’adhésion « par procuration » qui explique, d’une part, pourquoi les sondés ne pensent jamais comme les sondeurs, malgré le matraquage médiatique de la fausse parole, et, de l’autre, pourquoi, privé de toute perspective d’amplification, tout mouvement socialement revendicatif est, par avance, condamné à la défaite. Au-delà de sa position objectivement précaire, le sujet-spectateur, essentiellement jeune, celui qui comprend (ou soutient) la grève sans jamais la faire lui-même, agit donc, là encore objectivement et par son abstention même, comme on a souhaité qu’il agisse, c’est-à-dire comme non-sujet de sa propre exploitation. Au mieux, il sera « nuit-deboutiste » ou supporteur d’un quelconque candidat-citoyen. Et ce sera la seule manière qu’il aura trouvée de contourner le mur de regrets qui cerne sa pseudo-existence.

Au nom de quelle impossibilité systémique serait-il, en effet, acceptable de n’être que ce que le système veut qu’on soit, un simple rouage – précaire – de sa reproduction ? Au nom de quel principe de réalité supposé, cette misérable place imposerait, pour ne pas la perdre, qu’on s’abstînt de vouloir la changer ? Au nom de quelle inéluctable pesanteur, les non-sujets devraient-ils le rester ? Il peut arriver que la lâcheté se pare d’excuses, là où il faudrait de l’effort, de la persévérance et de l’invention. Car tout système a ses failles, et celui-ci plus qu’un autre. On peut le paralyser sans même quitter son siège. Il suffit d’en connaître ses faiblesses et d’appuyer sur la bonne touche. Encore faut-il en avoir l’idée, le goût et la capacité ? Le sabotage fut l’arme des exploités du temps où la précarité était leur condition et le « livret ouvrier » leur viatique obligatoire, exigeable à tout carrefour par les agents du contrôle policier. Et pourtant le mouvement ouvrier émergea de ce no man’s land des droits comme nécessité première pour transformer les non-sujets de l’époque en sujets actifs de l’émancipation humaine. À partir de minorités agissantes ayant fait levier de la science de leur malheur ouvrier, tout le fut arraché à la force du poignet, de lutte en lutte. Les grévistes « par procuration » d’aujourd’hui devraient apprendre de l’histoire s’ils veulent, un jour, vouloir la faire. En vrai. C’est-à-dire en bloquant le plus massivement possible le cœur de la reproduction marchande – que les « insurrectionnalistes » confondent, à l’évidence, avec le blocage de l’hypermarché du coin.

Le vocable « casseurs » relève du langage médiatico-policier. Il fait sens dans les chaumières où la lumière numérique éclaire les passions tristes des quotidiens blafards de la soumission ; il fait sens parce qu’il fait peur, comme tout fait peur quand la peur devient une forme de gouvernement. Sa méthode. Des « casseurs », il y en eut comme jamais au cœur des métropoles de ce printemps confusément offensif. De tout genre, de toute sorte, suréquipés ou touristiques, zapatisés ou adeptes du frisson, activistes de la « joie armée » ou du fun, de « l’insurrection qui vient » ou du simple baston, de l’autonomie logotypée anarchiste – les A cerclés proliférant, comme pour dire « c’est nous, c’est nous ! » à des flics qui n’en doutaient évidemment pas – ou de basistes de diverses marques syndicales simplement fatigués de défiler pour rien. Pot-pourri d’illusions et d’impuissances, de radicalités sans cause et de causes sans radicalité, de colères conjuguées mais pas forcément convergentes, de grand jeu et de pas perdus. Là fut, sans doute, la principale singularité – spectaculaire et spectaculairement médiatisée – de ce printemps hors normes où, dépassés jusque dans la maîtrise du territoire, les services d’ordre syndicaux, et celui de la CGT en particulier, abandonnèrent, un temps, les têtes de manif à leurs pires ennemis d’hier.

On pourrait y voir un choix stratégique, une manière de faire savoir au sous-caporal ministre premier du rang que, sans négociation, le feu pouvait prendre, mais on en doute. On pense plutôt que le tag était dans le vrai : « Ce n’est pas la manif qui déborde, c’est le débordement qui manifeste ! » Du côté de la Sûreté générale, en revanche, comme on disait du temps des « bandits tragiques », il y avait quelque intérêt à laisser prendre l’apparente émeute, en la provoquant au besoin, avant que de l’éteindre aux lueurs des « JT » de 20 heures, histoire de montrer aux assis que la force reste toujours à la force. Même s’il n’est pas vain de rappeler, au passage, que près de 3 000 « casseurs » ou apparentés furent appréhendés au cours de ces événements – dont plus d’une centaine furent jugés en comparution immédiate et condamnés –, le manifestant de base put constater, pendant le déroulement des défilés de mai et juin, que les experts du maintien de l’ordre introduisirent une nouveauté dans leur dispositif policier qui consistait à encourager les débordements, pendant les manifs et même avant qu’elles ne démarrent, pour ne les réduire qu’à l’heure dite et après leur avoir laissé le champ de jeu ouvert. Attitude qui induit que, contrairement à ce que théorisent les « insurrectionnalistes » de plume, ce n’est pas l’insurrection qui vient, mais la contre-insurrection qui progresse et que, état d’urgence aidant, elle sait doser sa riposte en fonction de sa seule volonté démonstrative.

Comme son ancêtre soixante-huitard, mais sur un autre registre, le gauchisme version « insurrectionnaliste » ou/et post-moderne a le ton enjoué et l’esprit court. Il lui en faut finalement peu pour voir dans tout geste de casse pointer la force d’un désir collectif de « destitution ». Quelques vitrines de banque ou panneaux publicitaires mis à bas dans la liesse – liesse partagée, notons-le, quoique sur un mode mineur et non actif, par nombre de manifestants traditionnels – lui ont suffi, pour le cas, à recycler ses enthousiasmes rhétoriques sur la digne rage, la radicalité organisée, l’agrégation des forces autonomes, l’agir politique et tutti quanti. On peut y voir l’effet d’une auto-croyance infiniment cultivée dans l’entre-soi des petites sécessions contemporaines et tout aussi infiniment mise en mots – et répétitivement auto-citée – par ses invisibles mais très médiatisés experts en illusoire. On pourrait aussi y voir un trait d’époque : l’indifférencié de l’excès. Comme la parodie du négatif ou l’esthétique du tapage, l’outrance langagière ne s’adresse, en fait, qu’au pouvoir, celui que l’ « insurrectionnalisme » prétend « suspendre » et qu’il ne cesse de sous-estimer. C’est en cela qu’il se trompe, car il n’est de dissidence possible, c’est-à-dire fondée, sans fidélité à l’histoire qui nous a faits rebelles, de même qu’il n’est de conviction possible, c’est-à-dire authentique, sans exercice permanent de la lucidité. Y compris vis-à-vis de soi-même. Connaître la force de l’adversaire et la sienne, c’est s’éviter de sombrer dans la grandiloquence ou le ridicule.

Le sujet-manifestant est, en réalité, aussi divers que le sujet-« casseur ». À force d’être baladé sans autre perspective que d’attendre la prochaine ronde, il peut aussi s’amuser de voir des jeunes gens déterminés rompre la monotonie des défilés, surtout quand leurs cibles sont claires et sagement évités les affrontements avec les forces de l’ordre. Le sujet-« casseur », lui, s’inscrit dans une sorte d’au-delà offensif : il se voit généralement comme le vengeur masqué, celui qui va finir par ouvrir l’espace à l’émeute. Il en rêve de cette émeute et, en attendant, il jouit de ses actes. Son attitude est évidemment infra-politique, mais il s’en fout. Il est là pour montrer la voie sans songer un seul instant que, dans la coulisse, ceux qui tirent les ficelles peuvent eux aussi avoir quelques raisons de se réjouir de son activisme débridé. En réalité, ce n’est pas la casse qui pose question, mais sa fétichisation qui fait problème. Et là, les « casseurs » n’y sont généralement pour rien. Ils ont vécu l’extase, pris des poses – et à l’occasion quelques selfies –, mis tout ça sur la Toile avec commentaires orgasmiques appuyés. S’il y a dans cette démarche une évidente similitude avec l’exhibitionnisme et l’infantilisme du sportif qui raconte infiniment ses exploits de match, la fétichisation vient d’ailleurs : des médias, évidemment friands de casse en tout genre, mais surtout des théoriciens aux petits pieds dudit gauchisme qui, traquant le signifiant avec emphase, finissent par se convaincre, entre amis, que, pour le coup, l’insurrection n’était pas loin, ce qui, entre nous soit dit, devrait carrément porter à sourire si leur délire n’était pas si réitératif. À partir du moment où il l’est, il ne reste qu’à le combattre. Comme fausse alternative, comme impasse. De la même façon que, dans notre camp, les armes de la critique se sont exercées, en d’autres temps, contre les ravages du « parti armé » et, il y a peu, contre l’inconsistance politique de l’indignation de masse dont la seule victoire fut de relancer l’illusion « démocratique » portée par Syriza ou Podemos et, par force, son lot de désillusions à venir.

En vérité, ce printemps fut celui des émotions contradictoires et contrariées. De l’analyser en simple militant de la « vieille cause », on n’y verra, en pessimiste, que ses faiblesses, qui furent nombreuses, et, en optimiste, que ses élans, qui existèrent. Il fut un temps, pas si lointain, où, au sortir du tunnel des années 1980, l’on chercha à s’auto-convaincre que les temps étaient trop rudes pour désespérer. D’où l’obligation d’enthousiasme qui accompagna, même chez les plus sceptiques, toute aspiration (alter-mondialiste) à un « autre monde ». Il fallait en être comme on est du camp qui se lève et qui marche. Vers quoi ? C’était la question, mais il était malvenu de la poser.

Aujoud’hui que des révoltes éclatent, ici ou là, sans que le monde change pour autant – ou alors sur le mode illusoire (et généralement en pire) –, c’est bien leur contenu qui fait question. Examiné à partir de cette perspective critique, le printemps français de 2016 révèle, à n’en pas douter, plus de faiblesses que d’élans, mais il aura eu le mérite de laisser ouvertes quelques pistes de réflexion qu’aucun observateur de la question sociale ne saurait ignorer. La première, c’est évidemment sa centralité dans toute perspective émancipatrice. Le mouvement ne devint menaçant que lorsque, même minoritairement et en désordre, des points névralgiques de l’économie furent bloqués ou en voie de blocage par des travailleurs en grève. La deuxième, c’est la dérive interne aux syndicats de contestation de la « loi-travail » (surtout la CGT) entre des bases désireuses d’en découdre et des baronnies rétives au bras de fer. La troisième, c’est l’apparition, par-delà les appartenances de boutique et à partir de ces bases mêmes, d’une tentation de dépassement des vieux réflexes. Elle ne déboucha, certes, sur aucune tentative réelle de coordination horizontale, mais son approfondissement, s’il avait lieu, pourrait être prometteur.

Sans cela, sans cette aptitude à réinstaller, de fait et non par raccroc, la question sociale au cœur des offensives, à créer des convergences entre les luttes, à réinventer des méthodes capables d’entraîner le maximum de salariés précaires dans les mouvements à venir, il est, par avance, acquis que l’éphémère de la pseudo-nouveauté citoyenniste ou « insurrectionnaliste » continuera de ne « bloquer », à dates plus ou moins répétées, que du symbolique. Ce qui est sans doute assez pour ses troupes, mais très largement insuffisant pour avoir quelque chance de débloquer, pour de vrai, avec ou sans insurrection, le verrou de la domination.

Freddy GOMEZ

http://acontretemps.org/spip.php?article611
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Re: Lutte contre réforme du code du travail

Messagede Zoom le Sam 20 Aoû 2016 18:01

Nuit debout : Des hauts et débats

Réappropriation démocratique de l’espace public pour certains, idéalisme rêveur ou carrément menace pour la République pour d’autres, le mouvement citoyenniste Nuit debout n’a pas réellement pesé dans le mouvement contre la loi Travail. Mais, localement, il a pu réserver quelques bonnes surprises.

L’appel à une « Nuit debout » à Paris, le 31 mars, avait été lancé par le journal de François Ruffin, Fakir : après la manif, on ne rentre pas chez nous, et on occupe la rue. Quelques jours plus tard, l’idée avait essaimé – de façon très inégale – dans l’Hexagone, l’occupation des places démontrant un véritable potentiel de décloisonnement des composantes du mouvement social.

Le refus de l’étiquetage politique ou syndical a ouvert la porte à des personnes peu ou pas militantes et non affiliées, qui venaient là partager leur colère. De plus, l’esprit général horizontaliste, le rejet unanime des porte-parole et des élu-es, ont alimenté des discussions critiques parfois intéressantes sur le parlementa­risme et l’État. Cela a localement donné lieu à des actions spectaculaires, décidées collectivement et mises en œuvre dans la foulée : « On va prendre l’apéro chez Valls ? Allez hop ! C’est parti ! »

Enfilade de monologues

Mais Nuit debout ne fait pas tout. D’abord, l’occupation permanente, y compris la nuit, reste hors de portée de la plupart des salarié-es et demande énormément d’énergie pour les autres, sans compter que le harcèlement policier, notamment à Paris, a été coûteux et fatigant.

Pas mal de gens passés à Nuit debout Paris sont repartis assez déçus par l’impression d’avoir assisté à une interminable enfilade de monologues, de déclarations solennelles, de coups de gueule, de poèmes... On était loin des débats concrets qui peuvent naître dans des assemblées d’entreprises ou de facs en lutte, où les participants partagent un environnement et des intérêts communs. Bref, où il y a des enjeux.

On dira que c’était la conséquence du caractère « hors sol » de Nuit debout Paris, avec des curieux venus de partout, mais sans réel ciment. C’est en général dans les commissions thématiques (grève générale, action, travail social...) que des choses intéressantes ont pu se passer.

Au niveau des débouchés, les âmes chagrines regrettaient qu’après tant de discussions, aucune plateforme de revendications précises n’émerge ; mais c’était vouloir transformer Nuit debout en un courant politique avec programme, ce que par définition elle ne pouvait pas être.

En revanche, de façon assez pragmatique, un certain nombre d’associations, de syndicats, de groupes politiques (ou passablement ésotériques...) ont vu dans Nuit debout une agora inédite pour se présenter et diffuser des idées.

Inclure qui veut ? Heu...

En dehors de ces limites, cette forme a aussi montré son ambivalence. Dans certaines villes, le principe d’inclusivité était tel que, par exemple, des masculinistes, conspirationnistes, soraliens et autres nationalistes ont pu compter sur leur droit à la parole, au même titre que les féministes, les LGBTQ ou les sans-papiers.

Nuit Debout a en fait mis en lumière et porté la voix de toute une mouvance qui ne se définit que par sa seule « citoyenneté » – forme vide, abstraite – et rechigne à reconnaître que la société est déchirée par des clivages de classe et des inégalités structurelles entre hommes et femmes et entre « Blanc-hes » et racisé-es. D’où la propension à se perdre dans le formalisme dé­mocratique, à minutieusement détailler les règles optimales de la discussion, en comparant les vertus du tirage au sort et celles de l’agora, en cherchant à hiérarchiser les principes d’un projet de nouvelle Constitution – que le gouver­nement serait censé adopter de bon gré !

A quelques exceptions près – en particulier lorsque des contingents de nuit-deboutistes auront prêté main forte aux syndicalistes sur des actions de blocage –, la vague des Nuits debout n’aura pas joué un grand rôle dans l’opposition à la loi Travail. Elle aura néanmoins eu le mérite d’offrir un espace de discussions pluriel qui atteste d’une véritable soif de changement, et qui aura permis à des personnes jusque-là non-militantes de se rapprocher des collectifs de lutte.

Marco (AL 92)

http://www.alternativelibertaire.org/?N ... -et-debats


Changer la société, sans se faire berner

Alors que la société capitaliste est en crise, la contestation est plus que jamais nécessaire. Mais elle peut prendre diverses formes plus ou moins productives… Entre le citoyennisme, le néoréformisme et le radicalisme autonome, les impasses et les chausse-trappes ne manquent pas. Décryptage.

Celles et ceux qui auront fréquenté Nuit debout à un moment ou à un autre du mouvement ont pu être confrontés à une grande variété de discours contestataires. Cetains paraissent novateurs, d’autres une simple resucée des vieilles lunes républiaines, parfois désarmants d’ingénuité, parfois très sophistiqués… Tous méritent d’être discutés.

Le citoyennisme, protestation inoffensive

L’essor des mouvements citoyens correspond au déclin relatif du mouvement ouvrier depuis les années 1980 : accès des classes les moins aisées à la consommation de masse, encouragement – notamment par la social-démocratie – de ­l’identité de « classe moyenne », identification sociale par la consommation et moins par la profession, morcellement des grandes concentrations ouvrières, mais aussi des espaces d’habitat (étalement des zones pavillonnaires et péri-urbaines), contexte de crise moins favorable aux revendications, et enfin désillusion avec l’effondrement du projet socialiste d’État (dans sa version PS ou PC) qui avait structuré le mouvement ouvrier pendant des décennies.

Dans ce contexte, certains mouvements, aussi bien de gauche qu’écologistes ou altermondialistes, tentent d’inventer une nouvelle figure de la contestation. Pour cela, ils s’inspirent volontiers de vieux mythes nationaux, notamment ceux de la Révolution française de 1789. La figure du « peuple » vient remplacer celle du prolétariat, celle du citoyen se substitue à celle du travailleur.

Souvent, ces mouvements ­agitent des hochets comme « la VIe république », la convocation magique d’une « Assemblée constituante », la rédaction d’une «  nouvelle Constitution  », le « tirage au sort » des dirigeants... Comme symboles de subversion et de progrès social, ils font réapparaître La Marseillaise et le drapeau tricolore, plus consensuels que L’Internationale et le drapeau rouge ou noir (ou rouge et noir).

Cette mutation identitaire ne va pas sans mutation des pratiques. Le terrain de la lutte a tendance à se déplacer. Il s’éloigne de la sphère de la production – avec ses piquets de grève, ses occupations d’usines et ses blocages de flux de marchandises – pour investir l’espace public, avec ses occupations de places.

Si les mouvements citoyens ne s’interdisent pas la contestation sur le terrain économique – comme le font Occupy Wall Street et les Indignés –, leur approche est toute différente. La critique du patronat, en tant que classe possédante, décidant de la nature de la production et des conditions de travail, et extorquant la plus-value, au cœur des luttes du mouvement ouvrier, se mue en une critique morale des seuls patrons « voyous ». Plus couramment encore, elle est remplacée par une opposition entre les « 1 % les plus riches » et les 99 % qui restent, voire passe complètement à la trappe au ­profit d’une critique des seuls spéculateurs, actionnaires et banquiers.

Enfin, si la caste politicienne est contestée car vue comme déconnectée des aspirations du peuple, la confiance est réaffirmée envers l’État et le cadre national vus comme des remparts contre les instances transnationales – alors que ce ne sont que deux modalités du même pouvoir capitaliste.

Certes, aucun mouvement de contestation, même révolutionnaire, n’est immunisé contre un risque de récupération par le ­système. Mais, s’il en reste au ­stade du citoyennisme, autant dire qu’il se condamne à être parfaitement inoffensif.

Miroirs aux alouettes néoréformistes

L’idée de changement social et de révolution, par la voie des assemblées constituantes et de l’instauration d’une VIe République, avancée par les mélenchonistes, véhicule l’illusion que les schémas imposés d’en haut pourraient modifier les rapports sociaux réels. Or, ce ne sont pas les idées qui font le mouvement et la révolution, mais les rapports sociaux réels qui, s’affirmant, matérialisent finalement des idées, devenues dominantes. Ce sont les rapports de forces qui engendrent les lois, pas l’inverse. Idem pour une Constitution.

La révolution citoyenne est aussi illusoire que le sont les stratégies électoralistes et réformistes, parce que toutes trois sont traversées par l’illusion de la souveraineté du politique sur l’économie. Il suffirait de taper du poing sur la table pour obtenir l’allégeance de la classe dominante à la démocratie. Or la classe dominante ne tolère la démocratie que si elle ne gêne pas ses intérêts. Ainsi, si, par le plus grand des hasards, un parti de gauche radicale parvenait à prendre démocratiquement le pouvoir, il se retrouverait impuissant face à la classe dominante – hauts dirigeants de l’industrie, de la finance, de la police et de l’armée – détentrice des réels leviers du pouvoir.

La gauche ne pourrait exercer réellement le pouvoir, sur le plan national, qu’à condition d’être portée par un mouvement social puissant, organisé et combatif dans la durée. Une telle perspective n’a que peu à voir avec les stratégies politiciennes de la gauche radicale, qui ne voient dans les luttes sociales qu’un tremplin électoral (JLM 2017 en est le meilleur exemple) et nuisent même à la révolte en faisant miroiter l’illusion d’une revanche ou d’une victoire possible dans les urnes. En cas de victoire dans les urnes, elles peuvent aussi mener à l’affaiblissement du mouvement social, mis à la remorque de l’action gouvernementale. C’est ce qui s’est passé en France en 1981, en dans nombre de pays d’Amérique du Sud depuis les années 2000.

Même avec un prolétariat ­solidement organisé et combatif au niveau national, une telle politique, respectueuse de la légalité républicaine, mène à ­l’échec, comme ce fut le cas avec Syriza en Grèce. Faute d’une stratégie fondée sur l’intervention directe des travailleuses et des travailleurs, avec pour objectif central l’expropriation des capitalistes, la socialisation et l’autogestion de l’économie, on retombe nécessairement dans la gestion du capitalisme, les compromissions, le reniement, et finalement l’impasse. Lorsque le régime de la propriété des moyens de production et d’échange aura été fondamentalement transformé, il sera alors bien temps de rédiger une ­Constitution gravant dans le marbre les principes de la société nouvelle.

L’illusion d’un capitalisme moral

Si de larges franges de la gauche radicale sont porteuses d’illusions d’un point de vue stratégique, elles le sont également d’un point de vue programmatique. Globalement, dans la majorité des programmes, des propositions, des revendications, on retrouve des mesures telles que : modifications de la fiscalité, réduction des inégalités de revenus, annulation des dettes, hausse des taxations du capital, sortie de l’Europe et de l’euro, souveraineté monétaire, nationalisation et investissements d’État pour soutenir la production et l’emploi.

Ces mesures sous-tendent un projet de capitalisme moralisé, d’une économie sociale de marché, sur le plan national, et une compétition internationale avec les pays néolibéraux. Cette gauche considère généralement que la France est un pays riche, et que la crise, la dette et la pauvreté sont le fait de l’avidité d’une poignée d’individus non partageurs et mal intentionnés, qu’il suffirait de soumettre ou d’évincer.

La croyance dans la réussite d’un capitalisme moral et social traduit une méconnaissance totale des causes profondes de la crise systémique du capitalisme, et des raisons de l’essoufflement du boom économique d’après-guerre [1]. A défaut de s’en prendre à la source des problèmes de l’économie capitaliste marchande (échange incertain, remplacement du travail humain par la machine, propriété privée, concurrence), les propositions de la gauche radicale ne peuvent endiguer, à long terme, un mouvement de récession continu.

Pour sortir de la crise systémique, une transformation sociale est nécessaire. Il s’agit de rompre avec la propriété privée des moyens de production, la concurrence, l’échange marchand, les modes d’intégration de la force de travail. Il s’agit donc de révolutionner les manières de produire, distribuer, partager et décider.

La contre-culture, créative mais enfermante

A l’opposé des projets réformistes se développe une contestation révolutionnaire du système, dont AL est partie prenante.

Cependant, une partie de cette contestation, plutôt que de chercher à lier les pratiques radicales minoritaires avec la contestation de masse, a tendance à se vivre en avant-garde dont le mode de vie et d’action constitueraient, en eux-mêmes, un programme. De ce point de vue, la lutte des classes et le combat syndical ne seraient que le moyen d’accéder à l’univers des marchandises et du confort bourgeois que l’on rejette. Elles ne constitueraient pas un levier révolutionnaire, mais renforceraient l’ordre établi et l’emprise de la société ­marchande sur la population.

Le processus révolutionnaire lui-même, avec ses exigences stratégiques, organisationnelles, pédagogiques, et la patience qu’il implique, tend à être dénigré du fait qu’il consisterait en un fantasme autorépressif, empêchant la révolte immédiate. A la révolution, perspective trop lointaine, est donc opposée une conception émeutière de la révolte «  tout de suite, ici et maintenant  ».

Certes, la contestation révolutionnaire peut s’accompagner d’une contre-culture, créatrice et vectrice de cohésion… mais il faut aussi mesurer tout ce que cela peut avoir d’enfermant, si cette contre-culture est incomprise plus grand nombre. On doit garder l’ambition de mener des luttes majoritaires, condition sine qua non d’une véritable révolution sociale, et se garder de verser dans une forme d’autosatisfaction élitiste, ou des postures d’avant-garde anarcho-blanquiste. Si on se laisse isoler du grand nombre, c’est pain bénit pour le pouvoir en quête de figures de l’ennemi intérieur et de boucs émissaires.

L’enjeu pour les révolutionnaires, dans une période qui ne l’est pas, c’est à la fois de faire partager une critique du système capitaliste, et de constuire les contre-pouvoirs larges qui permettront de préparer son abolition.

Flo (AL Marne)


[1] « La loi travail, ultime stade de la crise capitaliste », Alternative libertaire, juin 2016.

http://www.alternativelibertaire.org/?C ... s-se-faire
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Re: Lutte contre réforme du code du travail

Messagede Zoom le Mer 24 Aoû 2016 16:47

Appel «  On bloque tout  » : Un premier bilan

Lancé le 22 mars, l’appel de syndicalistes « On bloque tout ! » a rassemblé plus de 1600 signataires – dont plus de 120 structures syndicales en tant que telles. Mettant en débat la grève reconductible, il a ­surtout permis de populariser l’objectif de blocage de l’économie.

Lorsque l’appel « On bloque tout ! » est lancé, le mouvement social vient de prendre son envol avec la manifestation du 9 mars [1]. Le but est alors de battre le fer en posant d’entrée de jeu une question simple : veut-on gagner et si oui, comment fait-on ?

Nous ne partions pas de rien. L’expérience des grands mouvements précédents ai­dant, il est alors évident que c’est le blocage de l’économie qui doit être recherché. Et qu’il n’y a pas de blocage de l’économie réel sans une grève forte, ancrée, généralisée et reconduite massivement. Tout au long de la lutte contre la loi Travail, c’est ce que c’est efforcé de faire partager l’appel « On bloque tout ! ».

Par le nombre, la provenance géographique et la diversité organisationnelle de ses signataires – même si les militant-es et structures de Solidaires en représentent plus de la moitié et celles et ceux de la CGT plus du quart –, on peut estimer que ce sont des dizaines de milliers de syndicalistes de lutte qui ont débattu, échangé, partagé les termes de l’appel. On a ainsi vu le logo « On bloque tout ! » fleurir sur des tracts, des banderoles, des pages web... faisant office de cri de ralliement pour les plus déterminés à ne rien céder au gouvernement et au patronat. Nul doute que la dynamique de l’appel ne s’est pas essoufflée et à su s’adapter au mouvement réel.

Les blocages sans la grève ?

L’existence de la dynamique « On bloque tout ! » a été incontestablement utile. Le site web et la page Facebook ont été les caisses de résonance de nombreuses actions. Des contributions régulières ont ponctué les différentes séquences de la lutte et essayé d’aborder ses différents aspects (sur la répression, le lien à Nuit debout par exemple…). On a vu se créer dans quelques villes des collectifs « On bloque tout ! » (à Grenoble, à Marseille, à Nantes, à Pau…) ; une rencontre nationale a été organisée le 23 avril et un meeting francilien le 19 mai.

Pour autant, la difficulté à ancrer la grève et plus encore à la reconduire a parfois mené à ne retenir de l’appel que la question du blocage de l’éco­nomie, privilégiant l’activisme… au risque de le déconnecter de la recherche d’un rapport de forces appuyé sur l’action gréviste. D’autres aspects de l’appel sont un peu restés dans l’ombre : autour de l’autonomie du mou­vement social et des revendications (les 32 heures notamment).

Un chose est sûre : cet appel aura permis de faire un pas dans l’affir­mation d’un syndicalisme de lutte contemporain, nécessaire pour redonner le sens et le goût de l’action collective au plus grand nombre.

Théo Rival (AL Orléans)


[1] «  Syndicalisme : Pour gagner, tout bloquer  », Alternative libertaire, mai 2016.

http://www.alternativelibertaire.org/?A ... un-premier
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Re: Lutte contre réforme du code du travail

Messagede Zoom le Sam 27 Aoû 2016 16:32

Printemps brûlant : On n’est pas fatigués !

Depuis la lutte contre la réforme des retraites en 2010, il n’y avait pas eu d’affrontement social aussi important, malgré des années de politiques antisociales. Mais s’il y a eu lutte c’est que la loi Travail a cristallisé un ensemble de tensions idéologiques et sociales. La difficulté a été de coordonner des secteurs dont les enjeux dans la lutte et les stratégies pouvaient diverger.

Pour le gouvernement, soutenu par la droite et le patronat (malgré l’habituelle mise en scène des faux désaccords propre au jeu politique), l’enjeu de la loi El Khomri, c’est de franchir une ­étape déterminante dans la destruction du code du travail. Non seulement la loi facilite les licenciements et permet la baisse des salaires et l’augmentation du temps de travail, mais elle inverse la hiérarchie des normes de la négociation collective, autorisant les accords d’entreprises à être inférieurs aux accords de branches et même au code du travail lui-même  !

En face, les salarié-es ne pouvaient rester la tête baissée. Et le réveil a eu lieu, fort heureusement, au-delà de ce qu’on pouvait espérer.

Si la lutte a pris une telle ampleur, c’est qu’elle voit s’affronter deux mondes opposés. D’un côté le gouvernement qui fait de la loi un enjeu idéologique fort, le Premier ministre n’hésitant pas à taxer ses opposants de « gauche du XIXe siècle », et Hollande affirmant, tel Margaret Thatcher, qu’« il n’y a pas d’alternative ». De l’autre côté, la mobilisation offre enfin l’occasion de s’affronter à un pouvoir impopulaire, arrogant et démontrant depuis des années sa fidélité canine aux capitalistes.

Un mouvement aux temporalités différentes

Impossible de donner un visage unique à ce mouvement tant ses aspects ont été divers. Cela a débuté par une agitation médiatique venue de la gauche du PS avec le lancement d’une pétition qui a réuni plus d’un million de signatures. Du côté syndical, le démarrage a été plus que laborieux. Dans un premier temps, une intersyndicale « au grand complet » a produit un appel mollasson, aligné sur la CFDT.

Il a fallu que la colère monte en interne, et que l’idée d’une journée d’action le 9 mars rencontre un fort écho sur Internet pour que l’intersyndicale se défasse des jaunes. Réduite à une alliance CGT, FO, FSU, Solidaires, Unef et UNL, elle a lancé l’appel à la mobilisation. Ont suivi une dizaine de dates d’inégale portée, avec manifestations et grèves.

Mais, si le mouvement a tenu sur la longueur, c’est qu’il a pu s’appuyer sur une diversité de secteurs mobilisés qui n’ont pas obéi aux mêmes temporalités et se sont échelonnés à travers ces journées d’action.

De mars à avril, c’est la jeunesse scolarisée qui s’est mobilisée dans les lycées et les facs. Puis, aux mois de mai et juin, ce sont différents secteurs qui sont partis en grève reconductible – les raffineries, les transports, les services publics, les centrales nucléaires, les ports et docks, etc.

Cette diversité et cette mobilisation par vagues successives explique la ténacité d’un mouvement qui a fédéré différentes colères dans la durée... mais sans parvenir à se massifier réellement.

Une difficulté à massifier

En effet, malgré la multiplication des « temps forts », les manifestations n’ont pas connu de véritable raz-de-marée. Excepté le 31 mars et le 14 juin, les journées de mobilisation n’ont pas réuni plus de 500 000 personnes, c’est-à-dire bien en-deçà des mouvements de 2010 (retraites) et de 2006 (CPE), où le pic de 3 millions de personnes dans les rues avait été atteint.

En ce qui concerne les grèves, la problématique est similaire. Là où des syndicats combatifs sont implantés, des grèves ont pu être menées, à l’exception de la majorité de la fonction publique. Dans les secteurs industriels stratégiques, la grève a eu un impact en faisant planer une menace sur l’économie. Preuve en est que le gouvernement a rapidement tenté de ­désamorcer certains foyers de contestation en lâchant du lest (sur le projet de convention ­collective du secteur ferroviaire, sur les salaires des profs...).

Pas de grèves d’ampleur, donc et la tentation de se replier derrière les plus combattifs (raffineries, centrales nucléaires, cheminots...) en alimentant les caisses de grève. La caisse de grève est un outil de solidarité très positif pour soutenir, au coup par coup, des entreprises en lutte. Mais lorsqu’on est censé entrer en lutte «  tous ensemble  », on sent tout de suite qu’un dévoiement est possible vers la fameuse lutte par procuration...

Plusieurs raisons expliquent la difficulté à massifier. Il y a tout d’abord la précarisation rampante et l’éclatement des collectifs de travail, ajoutés à l’absence de syndicats combatifs dans la majorité des lieux de travail. Il y a ensuite, en ce qui concerne les manifestations, la peur des violences policières, accentuée par leur diffusion virale sur les réseaux sociaux.

Enfin, il y a une telle droitisation de la classe politique et des médias qu’il devient difficile de faire entendre une voix alternative. A cet égard, il faut prendre avec des pincettes les sondages révélant qu’une majorité de gens étaient hostiles à la loi Travail. Dans la masse des « gens contre » il peut y avoir des motifs hétéroclites qui ne mènent pas nécessairement sur la voie de la mobilisation.

Reste que la lutte a bénéficié d’un véritable soutien populaire, et ce malgré les attaques violentes qu’elle a subies sur le plan policier et médiatique. Celles-ci n’ont fait que nourrir la radicalité exprimée par une part croissante de ses acteurs et actrices.

Le blocage, intégré à l’arsenal de la lutte

En 2010 de nombreuses actions de blocage avaient eu lieu, mais sans commune mesure avec celles qui viennent de se dérouler. Face à la surdité gouvernementale, la pratique des blocages s’est généralisée. Dans de nombreuses villes, les transports, les gares, les zones industrielles et les dépôts d’essence ont été bloqués, souvent de façon unitaire.

Ces actions directes ont une triple vertu. Elles permettent d’entretenir un climat de conflictualité entre les journées nationales ; elles contribuent au rapport de forces en bloquant partiellement l’activité économique ; elles donnent confiance et conscience de ce que peut être la force collective. Reste qu’elles ne remplacent pas la nécessité de la grève, arme principale du blocage de l’économie.

La crise politique s’accentue, construisons l’alternative

Ce mouvement aggrave la crise politique actuelle. Dans plusieurs pays européens, les partis traditionnels s’effondrent et leur électorat se désagrège. Selon les cas, cela profite à l’extrême droite, à la gauche radicale, voire à des ovnis politiques. Mais, globalement, l’autoritarisme progresse de la part d’une bourgeoisie dont les politiques peinent à trouver une quelconque légitimité démocratique.

En France, très isolé, le gouvernement n’a pu s’appuyer que sur la force pour imposera la loi Travail. La répression a été violente et les mesures autoritaires se multiplient : usage immodéré de l’article 49-3, interdictions de manifester à certaines personnes, tentative d’interdire la manifestation syndicale du 23 juin, emprisonnements, rhétorique martiale. La social-démocratie, comme souvent, a ouvert la boîte de pandore de l’autoritarisme et nul ne sait comment évoluera le régime, mais le PS le paiera très cher. Il sera probablement réduit en miettes en 2017 et après.

Il faut faire le pari que cet effondrement ne profite pas qu’à l’extrême droite. Le FN habituellement si bavard a été bien discret pendant quatre mois, coincé entre les intérêts capitalistes qu’il sert et une partie de son électorat favorable à la mobilisation.

Car que démontre ce très chaud printemps ? Que la véritable opposition au gouvernement PS-Medef, ce ne sont ni les requins sarkozystes des Républicains, ni les technocrates relookés du FN, ni les parlementaires ramollos du Front de gauche... La véritable opposition, c’est le mouvement social. Toutes et tous ensemble, nous pouvons bloquer l’économie. Et nous pouvons aussi transformer la société.

Du côté des révolutionnaires, tout l’enjeu est de fédérer les forces qui se sont exprimées pour mener la résistance face à l’autoritarisme montant et construire l’alternative sociale et politique. Dans ce contexte de bouillonnement, les dés sont relancés.

Tristan (AL Toulouse)

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Re: Lutte contre réforme du code du travail

Messagede robin le Sam 10 Sep 2016 18:14

Le 15 septembre et après : on n'a pas d'autres choix que de lutter !

Sans surprise, le gouvernement a fait adopter, via un troisième 49.3, la « loi travail » au cœur de l'été.

Quelques initiatives pour lutter contre cette loi ont perduré durant l'été à travers l'hexagone. Mais le 15 septembre est la première date nationale de mobilisation appelée par l'intersyndicale. Chant du cygne de la lutte ou reprise d'une mobilisation inédite de plusieurs mois, l'enjeu est de taille.

Aussi nous devons nous emparer de cette date pour en faire une réussite, en étant dans la grève et en manifestant.

Car au-delà de la loi travail, la période électorale qui s'ouvre s'annonce nauséabonde et nécessite plus que jamais de déserter les urnes et d'investir le terrain social : les horribles attentats de l'été ont libéré toujours plus les discours racistes et en particulier islamophobes. Ils ont permis à l’État de justifier la prolongation d'un état d'urgence qui devient permanent.

Nul doute que les primaires de droite et de gauche puis la campagne présidentielle en elle-même vont aggraver cette tendance lourde.

D'autre part, les candidats à une énième alternative à gauche ne vont pas manquer de tenter de semer trouble et division parmi les actrices et acteurs du mouvement social que nous connaissons. Et ce, malgré les échecs patents de Syriza en Grèce et de Podemos en Espagne, qui ont montré l'impossibilité de s'attaquer aux ravages du capitalisme par la prise de pouvoir, tout en asséchant les mouvements sociaux sur lesquels ils ont surfé.

Ainsi, nous affirmons qu'il est indispensable de rester sur le terrain de la contestation sociale, ce 15 septembre et ensuite.

Parce que la « loi travail » organise une régression sociale d'ampleur, en s'attaquant au code du travail et à de nombreux acquis sociaux, et en précarisant toujours davantage les travailleurs-euses. Elle remet notamment en cause le principe de hiérarchie des normes et le principe de faveur1, soumettant les salarié-e-s à tous les chantages patronaux.

Parce que la lutte des classes et la solidarité de classe sont les meilleurs antidotes aux discours réactionnaires, liberticides et racistes qui divisent les exploité-e-s.

Parce que nous ne devons pas légitimer à travers les élections, un système représentatif que nous subissons et qui ne nous offre que l'austérité comme perspective.

Nous affirmons au contraire la nécessité de rompre avec l’État, le capitalisme, le patriarcat et les systèmes d'oppressions racistes, à travers un processus révolutionnaire.

Diffusons aujourd’hui au sein des luttes les pratiques autogestionnaires, de démocratie directe et de fédéralisme, pour demain faire fonctionner la société sur une base égalitaire et libertaire.


Le 8 septembre 2016,

les Relations Extérieures de la CGA

1Un accord trouvé au sein d'une entreprise pourra être moins favorable aux salarié-e-s et l'emporter sur une disposition du code du travail, par exemple.


http://www.c-g-a.org/content/le-15-sept ... -de-lutter
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Re: Lutte contre réforme du code du travail

Messagede de passage le Sam 10 Sep 2016 19:20

Mouvement social, acte 2. On lâche rien !
Image

Le pouvoir n’a pas fini d’en chier avec nous !
Avec la grosse manif du 15 septembre qui approche, petit tour d’horizon des appels à la lutte et à la révolte.
Loi travail ou pas, on a toujours raison de se révolter !

A Marseille, AG de lutte ce dimanche 11 septembre aux tables de la plaine à 18H + projection.
Le 15/09 départ de la manif à 10h à la pref.
Lire la suite ici https://mars-infos.org/mouvement-social ... lache-1541
"Ne rien dire et surtout ne rien faire quand d'autres sont bâillonnés ou réduits au silence, c'est se faire complice de l'autoritarisme"
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Re: Lutte contre réforme du code du travail

Messagede Zoom le Mar 13 Sep 2016 09:10

Mouvement social : Une rentrée en résistance

Après un printemps brûlant, l’été fut l’occasion d’un premier bilan d’étape, qui invite l’ensemble des composantes du mouvement social à retourner dans la rue dès la rentrée, contre la loi travail mais aussi contre la répression, contre les grands projets inutiles et imposés, et pour mener la bataille des idées à l’aube d’une année électorale qui s’annonce nauséabonde.

Après le fort mouvement du printemps pour la défense du code du travail, l’été n’avait pas vraiment un goût de vacances. Dès le début du mois de juillet, une date de rentrée était en effet posée dans l’agenda pour reprendre la lutte contre le gouvernement et son projet antisocial : ce sera le 15 septembre.

La mobilisation passée et à venir était donc dans toutes les têtes, non pas pour se livrer à un bilan définitif mais pour débriefer à chaud, en attendant la reprise : les stratégies syndicales ont été décryptées, le rôle des médias a été analysé, le phénomène inédit des Nuits debout a été largement discuté et les réponses – autoritaires et policières – du gouvernement ont été commentées par toutes celles et tous ceux qui, depuis le 9 mars, ont battu le pavé… et certains n’ont d’ailleurs même pas vraiment suspendu la mobilisation, comme à Valenciennes où des rassemblements ont été organisés contre la dure répression qui a frappé les militants et militantes syndicaux de la région.

Radicalisation de la société

Ce mouvement a été l’occasion pour un grand nombre de personnes de s’engager pour la première fois, en témoignent les Nuits debout qui ont fleuri un peu partout en France. Ces espaces de contestation qui rassemblaient largement en dehors des milieux militants habituels, ont souvent été hésitants ou confus et, paradoxalement, alors qu’ils sont nés de la mobilisation contre la loi travail, ils ont eu des difficultés à se concentrer sur cet enjeu et à mobiliser autour de cette ­urgence-là. Plus que des outils pour la lutte, les Nuits debout ont finalement été des outils de politisation, et AL y avait toute sa place en tant que porteuse d’un discours construit et de pratiques d’auto-organisation – pour la répartition de la parole, la prise de décision, le passage à l’action.

L’ampleur de la mobilisation et les nouvelles formes de contestation qui ont vu le jour nourrissent dès à présent des attentes pour la rentrée sociale, d’autant que les organisations syndicales et politiques n’étaient pas forcément prêtes pour ce marathon revendicatif et n’ont pas toujours su jouer leur rôle : le vent qui tourne n’attend pas qu’on hisse la voile. Une radicalisation de la société se fait sentir et s’est traduite de différentes manières : dans les syndicats, et aussi dans des fractions de la population moins organisées, qui utilisent des Nuits debout ou des AG de ville pour se faire entendre. La conséquence de cela, c’est que les syndicats ont pu être déboussolés parce que ce n’est pas leur tactique habituelle.

Il s’agit à présent de se retrousser les manches pour retisser du lien et développer les cadres de résistance au rouleau compresseur capitaliste, que ce soit en renforçant les structures syndicales ou en essayant de convaincre les organisations politiques anticapitalistes de travailler ensemble pour creuser des brèches dans le système actuel. Il va falloir développer nos collectifs militants et repenser le lien entre les syndicats et les structures qui organisent des luttes sociales au niveau local pour arriver à davantage de convergences.

Au niveau des modes d’action également il va falloir faire preuve d’audace : les manifestations ont fait leurs preuves mais ont aussi montré leurs limites face à un pouvoir qui ne craint pas d’imposer une loi contre l’avis d’une majorité de la population. Les barrages filtrants sont quant à eux plutôt bien accueillis par le public et permettent de poursuivre la bataille de l’opinion.

Taper directement au portefeuille

Enfin, les blocages et a fortiori les grèves démontrent que nous détenons les moyens de production et que nous avons la capacité de faire reculer le gouvernement en le tapant directement au portefeuille. Faire reculer le gouvernement, ce serait tout d’abord obtenir l’abrogation de la loi travail mais ce n’est pas une fin en soi : nous devons sortir de la logique défensive de ces dernières années et entrer dans une dynamique revendicative, une dynamique de conquête pour ne plus laisser l’extrême droite bénéficier de l’exaspération générale.

Il reste beaucoup à faire, beaucoup à repenser. Et le temps politique laisse peu de place à la réflexion. Le calendrier qui nous attend est déjà chargé et l’état d’urgence est une nouvelle menace avec laquelle il nous faudra composer. En plus de la date du 15 septembre, plusieurs initiatives sectorielles ont été annoncées : le 8 septembre dans l’éducation et ce même jour pour les travailleurs et travailleuses du social et du médico-social.

Les autres fronts de lutte ne seront pas en reste lors de cette rentrée sociale et c’est sur le terrain de l’écologie que nous aurons sans doute le plus à faire. La contestation se renforce en effet à Bure contre un projet d’enfouissement de déchets nucléaires [1] ou encore à Flamanville contre la construction de l’EPR [2]. Dans les deux cas, des projets extrêmement coûteux au service d’une industrie dangereuse et complètement opaque sont obstinément menés par le pouvoir. Même chose à Notre-Dame-des-Landes où, après un référendum habilement mis en scène par le gouvernement, l’environnement et l’autonomie agricole sont plus que jamais menacés. Et on continuera à nous dire qu’il est urgent de diminuer nos dépenses...

À Notre-Dame-des-Landes comme dans la rue contre la loi travail, la manière dont le gouvernement gère les dossiers politiques est révélatrice de la dérive autoritaire d’un État dont l’objectif est avant tout de maintenir le système en place – et les bénéfices de ceux qui profitent de ce système –, quel qu’en soit le prix. À l’inverse, les militantes et militants d’Alternative libertaire portent inlassablement un projet de société fondé sur la démocratie directe, tentent de diffuser des pratiques autogestionnaires dans les luttes et de montrer plus largement qu’un autre monde est possible.

Mais en entrant en résistance contre cette nouvelle logique autoritaire, nous nous exposons fortement à la répression. Face à cela, il va être nécessaire de démontrer une solidarité sans faille avec toutes celles et tous ceux qui sont poursuivis par la justice. Au cours des prochaines semaines, de nombreux procès vont avoir lieu et nous devrons être au rendez-vous pour manifester notre soutien. Plusieurs dates sont par ailleurs connues et on peut d’ores et déjà se donner rendez-vous les 19 et 20 octobre à Amiens pour exiger la relaxe des salariés de Goodyear condamnés en première instance à de la prison ferme pour avoir retenu des cadres de l’entreprise.

Cette solidarité sera d’autant plus importante que le thème de la sécurité (de même que celui de « l’identité nationale », comme est venue le rappeler la nauséabonde polémique sur le burkini en cette fin d’été) va être au cœur du débat public dans la période électorale qui s’ouvre. Que ce soit au PS, chez Les Républicains ou au FN, le terrain est prêt, les discours sont rodés et les sujets vont s’imposer d’eux-mêmes. Alors que l’ensemble de l’échiquier politique continue de basculer à droite, on peut facilement prédire le ton des prochains débats. Sécurité, immigration, austérité ; autant dire répression aveugle, racisme décomplexé et poursuite du démantèlement des services publics au détriment des classes ­populaires.

Ni résignation ni profil bas

Encore une fois, on va nous demander de valider un système qui ne protège que ceux qui détiennent les richesses. Encore une fois, on va nous demander d’abandonner notre pouvoir de décision à d’autres. Encore une fois, notre parole va être étouffée par la machine médiatique. Mais il s’agit de ne pas se résigner ni de faire profil bas pendant l’année à venir : au contraire, nous devons plus que jamais proposer un autre projet de société, qui doit être pensé pour s’accorder avec la réalité actuelle et répondre aux nouveaux enjeux sociaux.

Dans cette période, les syndicats et plus généralement le mouvement social doivent agir pour rappeler que les solutions politiques ne sauraient se limiter à la compétition électorale institutionnelle. Il nous faut assumer notre rôle, repartir de la réalité vécue des travailleurs et des travailleuses pour proposer d’autres manières de transformer la société, avec nos craintes, nos rêves et nos certitudes. C’est là que nous avons toujours puisé nos forces. C’est comme cela que nous avons existé et que nous avons conquis de nouveaux droits à travers l’histoire, à travers les conflits.

Nans (AL Fougères) et Benjamin (AL Paris-Nord-Est)


[1] Lire « Antinucléaire : Bure sous tension » dans Alternative libertaire de juillet-août 2016.

[2] Lire notamment « EPR de Flamanville : le nucléaire fait exploser les prix » dans Alternative libertaire de janvier 2013.

http://www.alternativelibertaire.org/?M ... rentree-en
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Re: Lutte contre réforme du code du travail

Messagede Zoom le Jeu 15 Sep 2016 09:34

Carte interactive : tous les rendez-vous du 15 septembre
http://alternativelibertaire.org/?Carte ... les-rendez
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Re: Lutte contre réforme du code du travail

Messagede Béatrice le Ven 28 Oct 2016 19:59

samedi 29 octobre 2016 et dimanche 30 octobre 2016 à MARSEILLE

Samedi 29 octobre : Discussion + Manif 15H + apéro, bouffe, concert et dimanche 30 octobre : discussions, débats, projections etc.

À l’abordage : Les 48H contre la loi Travail et son monde

Assemblée de Luttes

Et maintenant ? http://www.millebabords.org/spip.php?article30022

A L’ABORDAGE


Les cortèges printaniers contre la loi travail on su réunir une incroyable multiplicité d’opposants au gouvernement . Lycéens énervés et jeunes révoltés, syndiqués déterminés dans la lutte, toutes forces de l’autonomie organisées, mouvements de solidarité aux migrants, mais aussi tout autres individus déçus et enclin à agir vraiment.

C’est une grande force qui c’est trouvée dans la rue, rassemblée par un double refus, celui de refuser de se plier aux lois de l’économie même sous la « gauche », mais aussi refuser de tomber bêtement dans un mouvement réactionnaire.
Prêts a transformer la réalité « à l’assaut du ciel » pouvait on s’entendre crier dans les cortèges. Désirant par dessus tout, de longs et sérieux débats animaient les rues, débordant politiciens, économistes et propagandistes foireux.

Ainsi la politique n’est plus l’affaire de professionnels carriéristes mais rendue pour beaucoup à l’art de vivre ensemble et de s’organiser pour renverser le présent.
On le sait que trop bien, la loi travail n’est qu’une offensive de plus de la politique générale d’austérité et d’autoritarisme qui s’impose partout en Occident. Une politique qui organise la pauvreté et donne toujours plus de moyens légaux à l’exploitation et pour ce ; réprime et muselle celles et ceux qui d’une manière ou d’une autre contestent l’ordre social.
Un État d’Urgence qui couve et confectionne la peur, les névroses identitaires.
Nous ne seront ni flic ni victime ni terroriste, la vie nous inspire bien plus de merveilles.
Autrement la bouffonnerie électorale ne prendra plus sur nous, beaucoup ont ressenti de trop prés se qu’agir voulait dire pour se laisser encore séduire par de vulgaires promesses ou la futilité du choix entre un trou d’bal ou un autre.
C’est une véritable contestation de la politique classique qui c’est exprimée là, il est plus que temps aujourd’hui d’inventer d’autres formes, d’autres mondes et ainsi mettre à bas une bonne fois l’insensé.
Il faut des lieux, des points de ralliements et de construction, s’organiser plus que jamais pour continuer à prendre la rue, créer des espaces d’inventivité et d’élaboration collective, reprendre en main nos vies.

Nous sommes toujours plus et plus intelligents, les mondes que l’on construira seront toujours plus vivables et plus drôles que les cercueils que l’on nous propose aujourd’hui.
Car révolution n’est pas un mot dans nos bouches, mais une flamme dans notre cœur.

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Samedi


11H - Discussion/débat sur le thème "Comment lutter dans la précarité" - Dar la mifa

15H - MANIF RDV COUR JULIEN


19H - Apéro + banquet + Concert

Dimanche


14H -Discussion "Retour sur le mouvement lycéen"
(AVEC LE MILI : Mouvement Inter Luttes Indépendant)

17H -Discussion "Combien faut-il être pour prendre une ville"

20H -Banquet + Projection

Les lieux qui ne sont pas écrits restent à définir, les infos évolueront ici durant le mois qui vient.

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P.-S.

Source : https://www.facebook.com/events/170314376755630/
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Re: Lutte contre réforme du code du travail

Messagede pit le Jeu 29 Déc 2016 22:21

L’annualisation du temps de travail pour les très petites entreprises de services à la personne

Un accord a été signé entre les fédérations patronales ainsi que les syndicats CFDT et CFTC en faveur de l’annualisation du temps de travail dans les très petites entreprises (TPE) de services à la personne.

Cet accord permet l’annualisation du temps de travail sur la décision unilatérale de l’employeur pour les salarié-es à temps plein comme à temps partiel.

Cela va permettre une plus grande flexibilité des horaires de travail (ainsi que la possibilité de modifier les plannings avec des délais de prévenances réduits jusqu’à une heure dans les cas d’urgence), mais aussi une moindre rémunération pour les salarié-es, dont le temps de travail était jusque là calculé au mois, quand ils et elles
effectueront des heures supplémentaires ou complémentaires.

Un tel système, appliqué dans un des secteurs où la représentation syndicale n’existe pas dans l’entreprise, et où les travailleuses et travailleurs font partie des salarié-es les moins bien payé-es dans notre pays, est véritablement scandaleux. Il n’est pas justifié par une activité saisonnière mais avant tout par la volonté de payer moins et de faire travailler à la demande.

... https://www.solidaires.org/L-annualisat ... eprises-de
"Tu peux voter, pétitionner, débattre à la télé, ou gamberger sans te bouger, mais...C’est dans la rue qu'çà s'passe"
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Re: Lutte contre réforme du code du travail

Messagede Béatrice le Dim 9 Avr 2017 00:17

Propos de Omar, 50 ans, ex-Fralib, et associé à la coopérative de la Scop-TI, à Gémenos dans l'émission "Moi Président" sur France Inter :

https://www.franceinter.fr/emissions/mo ... -mars-2017
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